Flow
Son album, L’âme de Fond, sorti en septembre 2008, aborde toutes les misères du monde. A peine l’interview démarre, qu’elle mène la conversation.
Florence : « Quand t’étais petite, elle te mettait de l’alcool à 90° sur les genoux ta mère? Ma musique c’est pareil : Ca fait pas du bien, mais ça fait pas de mal non plus. Si ça pique, ça veut dire qu’il y a une plaie ; seulement moi j’aimerai bien ne plus avoir à écrire des chansons. J’essaye d’emmener les gens dans des choses qu’ils peuvent résoudre. Par exemple quand je parle du taux d’inceste qui atteint les 2 filles sur 5 en Europe… chez nous, dans nos maisons, pas à Tataouine ! Ca veut dire qu’il y en a dans la salle – on peut peut-être y faire quelque chose. Et j’ai des réactions positives de femmes qui ont fait la démarche et qui me remercient car ça les a aidées à sortir du mutisme. »
Elle admet : « Je mets les mains dans les plaies et je le fais exprès. Mais c’est pour les générations futures. Je veux pas faire partie de ceux qui auront baissé les bras. »
Je trouve que dans le milieu artistique ça manque cruellement de générosité en ce moment !
Par le biais d’une radio bretonne, elle a été présentée à Guizmo de Tryo – la comparaison est donc fréquente : « Chacun doit se battre avec ses armes. Tu peux pas demander à un aigle de faire la même chose qu’un lion. C’est un des problèmes de notre société : d’essayer de tout mettre sous la même étiquette. U-ni-for-mi-sa-tion ! Chacun a droit à une forme d’expression, et c’est intéressant si ça va dans le sens de l’amélioration du quotidien : peu importe si c’est de la variét ou du punk, pourvu que ce soit généreux… parce que je trouve que ça manque cruellement de générosité en ce moment notre métier.
Elle aime la polémique : « Au sujet de la générosité, prenons la loi Hadopi ! Elle protège les artistes, parlons-en ! Mais ça veut dire que si t’as pas de sous, t’as pas accès à la culture ? J’aimerais qu’on se pose la question dans ce sens là. On est d’accord, stop au pillage : je viens pas chez toi prendre le fruit de ton travail, on est pas des machines à produire du plaisir ! Mais c’est pas une histoire de thunes, c’est vraiment une histoire de respect du travail. Les artistes ont le droit de manger avec leur travail, de faire vivre leurs enfants. Mais les gens ne sont plus dupes, ils ne veulent pas payer les marges de diffusion. Ils ont l’impression que les artistes ont suffisamment d’argent, à voir les Mercedes à la télé. Ce qu’ils savent pas c’est qu’en téléchargeant, ils tuent les p’tits. Mais le problème, c’est pas le téléchargement gratuit, c’est le commerce qu’il y a autour. A qui profite le crime ? J’ai pas la réponse parce que si j’l’avais, j’la crierai bien fort.
Déjà qu’on prive les gens de nourriture, si on les empêche de rire, on est en pleine inquisition ! Sans culture, on va droit à la barbarie.
Elle dénonce sans peur : « Il faut rendre la culture à qui elle appartient, c’est-à-dire aux gens. Déjà qu’on les prive de nourriture, si on les empêche de rire, on est en pleine inquisition ! Surtout que sans culture, on va droit à la barbarie ; et les gens risquent péter leur câble d’un coup ! Les 5 pouvoirs : la religion, l’état, l’armée, les banques et les médias. Ils sont là pour manipuler les masses et ça depuis que le monde est monde. Les gros titres qui se vendent c’est plein de sécrétion : le sang, les larmes le sperme, la sueur qui va avec la peur. On vend de l’émotion et de la sécrétion. Je pense que ça maintient la psychose, et le pouvoir par la terreur, ça s’appelle du terrorisme.
Par exemple, pour la grippe A, moi je l’ai eue. Et je me suis aperçue, quand j’en ai guéri, si je le prends en mégalo, j’ai l’impression d’avoir combattu l’épidémie du siècle, mais je raisonne, j’ai juste cédé à la terreur, comme les autres : j’ai eu peur ! Il est difficile de ne pas se corrompre mentalement, juste de ne pas céder à des facilités de réflexion.
Après les concerts, les gens me remercient pour la générosité, pour l’énergie, pour la recharge.
Elle s’insurge – c’est comme une seconde nature chez elle : « Je refuse qu’on qualifie mon travail du domaine des ténèbres. Beaucoup de gens me remercient pour la générosité, pour l’énergie, pour la recharge. Pourtant en sortant des concerts, ils sont un peu fatigués : parce que c’est fatiguant la vie, et c’est fatiguant de penser mais de temps en temps ça fait pas de mal. Je crois qu’il ya des gens qui ont peur de réfléchir, mais qu’il y en a plein qui en ont envie. Ceux qui viennent, ça les rassure de savoir qu’ils sont pas seuls à penser. Je veux essayer de fédérer dans une réflexion – pas dans une unité. Je veux pas qu’on se rassemble derrière mon drapeau, mais que chacun lève son petit drapeau. Si tu sors du concert et que tu as suffisamment culpabilisé pour aider la mamie à traverser : moi j’ai gagné !
Le terrorisme, elle connaît: avant d’être chanteuse, Florence Vaillant était reporter; mais elle n’a que peu envie d’étaler son passé de photographe : « La photo et l’écriture, c’est deux énergies similaires et je ne veux pas faire les deux en même temps. Mes chansons sont des portraits. » Je hasarde que sa démangeaison rédactionnelle peut être mise sur le compte de la frustration du statut d’observateur impotent devant le théâtre de conflits permanents : « C’est ça, c’est des soupapes nerveuses, parce qu’il faut que je dise. Au début je disais des conneries pour amuser la galerie, et puis c’est devenu sérieux, il a fallu déposer SACEM et tout ça. Pour une fois, ce que je fais ça leur plaît. Pourtant, grande gueule c’est dangereux : tu finis au poste, te fais renvoyer de l’école. Grande gueule coûte cher et ça paye pas. »
J’ai< la chance d’être entourée de gens qui savent traduire mon charabia.
Elle avoue ne pas être musicienne : « Je pianote avec trois doigts et je joue de la guitare sans faire de baret, à part le Fa. Le reste, je l’invente et j’ai la chance d’être entourée de gens qui savent traduire mon charabia. » Et comment a-t-elle rencontré ces traducteurs ? « Par hasard ! La première fois que j’ai accepté de faire une scène, c’était en première partie de Yannick Noah. Je suis arrivée trois jours avant, c’était au café de la danse, et y’avait tous les pontes machin gna-gna-gna. J’ai cherché une personne pour m’accompagner, mais tout le monde a flippé, m’affirmant que sans répétition c’était impossible. J’étais prête à y aller toute seule, ma bite et mon couteau comme dirait mon père. Puis un pote m’a rappelé en disant ‘y’a qu’un fou qui peut accepter’ : c’était Stéphane et il est encore là… et c’est l’arrangeur du prochain disque.
Etienne, je l’ai rencontré dans la rue : je cherchais un théâtre, il m’a indiqué la rue. On a parlé une seconde, il m’a dit qu’il était guitariste, il avait rien de prévu le soir, je l’ai embarqué pour mon concert : il a fait une heure et demie d’impro. Les gens suivent le projet – ma gueule mais pas seulement : ils déploient de l’énergie pour le concept. »
Elle m’invite à assister aux balances. Après deux chansons plus que prenantes, dont une variation a cappella sur la marseillaise, elle me confie que certains lui jettent des croix : « Ils veulent me toucher, ils disent que je suis le messie, sauf que je pue des pieds. Mais quand je serai morte, j’aimerais que les gens racontent à ma fille : « ta mère, elle était folle, mais au moins elle a essayé ».
‘Faut pas rêver‘ résume bien le sentiment des Flow sur notre société, avec la rage de Flo pour le dénoncer.
j’aime beaucoup ce que tu dis , ( ça me rejoint bien ..) dommage que d’autres artistes ne s’engagent pas comme toi ! .. j’aime beaucoup ce que tu chantes , vraiment çà me touche très personnellement .. C grâce à une Amie qui m’a fait te découvrir , elle est allé plusieurs fois te voir , je pense bien être là la prochaine fois ,
je te souhaite plein de bonnes choses!!
Shalom Flo