Emily Jane White
La nuit froide et étoilée enveloppait Feyzin quand Julien Pras, leader du groupe bordelais Calc fit timidement son entrée. Il vient présenter son somptueux premier album solo qui parait en mars, Southern Kind of Slang. La soirée ne pouvait pas mieux commencer avec les délicates et envoutantes chansons de ce petit bonhomme, orfèvre en mélodies épurées mais ciselées. Seul avec sa guitare acoustique dans un halo de lumière diaphane, Julien délivre un set en apesanteur. On ferme les yeux et la voix n’estpas sans rappeler le regretté Eliott Smith. Les titres s’égrènent dont les somptueux Spying on the moon, Comfortably stranded ou The sweetest fall. Ces chansons vous semblent déjà familières, elles vous enveloppent dans un cocon douillet qui demeurera bien après les lumières de la salle rallumées. Il clot son set rejoint par Emily Jane White et ses musiciens, violoncelle, pédale steel et piano pour le lumineux Son of the stars. On pense aussi à Sufjan Stevens et l’on espère que cet album trouvera son public tant le monsieur inspire le respect, la confiance, et ses chansons fragiles bouleversent.
Changement de plateau avec le kid auvergnat qui commençait grippé son périple de concerts stakhanovistes, obligé de jouer pendant les vacances scolaires. Zak Laughed n’est pas le phénomène de foire que certains voient en lui, il commence à avoir son univers personnel et débute son set, avec deux titres dépouillés et nouveaux, Sculpture of birds et Wolf, façon Dylan au Newport Festival, la guitare folk comme seul rempart. On est pas sérieux quand on a 17 ans, encore moins quand on en a 15, Zak plutôt que de balancer mollement son disque The last memories of my old house sorti cette année jouera une moitié de titres inédits dont les très énervés Pillow Suicide et American Cheap Dream. Son groupe, The Hobos company tient la route et quand il oublie un couplet sur le single pop Each Day, il en sourit pour mieux ensuite se saisir d’un Wurlitzer au son démoniaque sur le lumieux titre Traveling Cat. Le rappel, Letter for Emily sera un bijou de sensibilité et de fragilité vu la crève palpable du petit bougnat, la voix cassée comme un vieux blues man du sud Etats Unien, la chanson s’évanouiera laissant la place à un silence bouleversant.
Emily Jane White finira la soirée dans la douceur avec une formation très acoustique comprenant une pédale steel, un violon et un violoncelle en plus de la basse tenue par Julien Pras sur la tournée, de la guitare et de la batterie. Bien sûr Emily n’a pas le charme de Chan Marshall et a souffert de la « concurrence » avec Alela Diane. Pourtant ses compositions sont tout aussi soignées et raffinées. Son second album Victorian America est moins dépouillé que le premier, les chansons paraissent plus étoffées. La voix mêlée aux instruments à cordes vous prend aux tripes notamment sur Red Dress, Liza et l’éponyme Victorian America. Le rappel se fait avec le joyau du premier album, Hope in the middle et deux titres nouveaux en solo. Même si le set a pu paraitre parfois répétitif, Emily Jane White a illuminé la soirée de sa bienveillance. Une soirée encore une fois avec des mets de choix à l’Epicerie Moderne qui se bat pour avoir une programmation ambitieuse et finalement tout public quand celui-ci daigne se déplacer.