Trëma
Parce que c’est pas pour dire, mais qu’il est malaisé de chanter en français, par exemple.
On pourrait se laisser croire que la chose est avantageuse. Il n’en est rien.
Des guitares, une basse, une batterie et des paroles en français devant : voilà un édifice qui s’avère bien souvent casse-gueule. Il faudra donc excuser Trëma, dont la prestation nous aura laissé froid, malgré un enthousiasme évident et une respectueuse application à vouloir bien faire. En dépit de quelques fulgurances évoquant des A Place To Bury Strangers propres sur eux (si, si), la voix trop claire envoyant de jolies rimes qui riment sur de convenues mélodies pop aura raison des patiences les plus éprouvées.
Toute l’énergie et les distorsions du monde ne pourraient changer la donne : Trëma est un gentil groupe de gentil pop-rock gentil, qui sonne, guère étonnant, comme du gentil rock français. Trëma ne démérite pas, et il y aura certainement un public pour eux. Las, la chose a déjà été entendue.
Damny
S’il est ardu de chanter en français. Il est téméraire de s’aventurer sur les sentiers peu battus du talk-over en français. Aussi insensé que cela puisse paraître, c’est le chemin qu’a suivi Damny, explosif frontman de La Phaze. On a déjà dit ici tout le bien que l’on pensait de son premier opus, belle réussite à la vénéneuse noirceur.
Restait à transposer l’affaire sur scène.
Damny entre, poids welter et costume noir sur chemise noire. Derrière lui, le combo classique : guitare / basse / batterie.
Et dès le premier couplet d’« Again », l’affaire est pliée, quasi : le son est énorme, massif, Damny est hanté d’emblée.
Voilà un homme qui chante les yeux clos, habité par ses textes. Voilà un homme qui boxe avec ses mots. Crochet crochet uppercut jab jab crochet et direct au foie. Les yeux s’ouvrent, parfois, et l’intensité qu’on y lit a de quoi vous faire frissonner. Parlez de démons intérieurs…
La tension est intacte. Le son évoque les Deftones et le Massive Attack de « Mezzanine ». Rien que ça.
Pause entre deux morceaux et le regard de Damny se fait presque timide, touchant. Puis la mélopée reprend, les yeux se referment et les thèmes coulent, noirs comme le « Sin City » de Frank Miller, convoquant James Ellroy, David Goodis, Hubert Selby… Chez Damny, les paroles ne sont pas là pour faire joli, elles sont là pour faire mal. Une douzaine de rounds. Et l’intensité, toujours.
On apprendra plus tard que c’est seulement le second concert que donne Damny pour présenter son projet solo.
Un uppercut de plus.
Skip The Use VS Ladylike Dragons
Etonnant crossover que ce Skip The Use VS Ladylike Dragons. De fait, le set commence dans une sorte d’espèce de manière de joyeux foutoir approximatif pas déplaisant. En maître de cérémonie improvisé, l’épatant Matt Bastard, chanteur (et ce n’est pas un vain mot) de Skip The Use.
Quelques amusantes reprises mixant les line ups, un Matt B. tout en décontraction. Le « Call Me » de Blondie, le « I love Rock’n’Roll » de Joan Jett. Hum. Agréable et les voix sont là, mais l’exercice à ses limites, vite atteintes, et l’on devine que les deux groupes n’y sont guère à leur aise, finalement.
Délivrance : les Ladylike Dragons retrouvent leurs marques pour asséner quelques morceaux choisis de leur propre répertoire. On a affaire à un rock garage à tendance britannique façon power trio. C’est assez salissant pour être écouté mais les Dragons n’échappent pas à la terrible impression de déjà entendu. Une image reste : Cindy, bassiste chanteuse, hurlant hors micro tout le long d’un break. C’est exactement grâce à ces moments d’oubli que l’on se souvient d’une performance.
Les Skip The Use reprennent la scène. Matt Bastard meuble le chassé croisé avec une aisance confondante. Ce garçon est drôle. Sur le papier, rien d’affolant : Skip The Use pratique un agréable power punk / pop / core / funk / electro / post-rock et débrouillez-vous avec ça. Sur scène, c’est tout autre chose. Si le groupe, parfaitement au point, délivre d’agréables et immédiats morceaux où des TV On The Radio de fort bonne humeur croisent des Scissor Sisters mal embouchés (et débrouillez-vous avec ça aussi, tiens), c’est Matt Bastard, frontman de luxe, qui vous rappelle d’emblée ce que vous avez déjà lu quelque part : Skip The Use fait partie de ces fameux groupes dont on dira « Il faut les voir sur scène. ».
Alors je le dit : il faut les voir sur scène.
Des Matt Bastard, croyez-moi, ça ne court pas les rues.
Froid constat : cet homme est fou.
Non, ne vous débrouillez pas avec ça : cet homme appartient à la catégorie des grands frontmen : ceux qui vont au front, donc, pour porter le public à bouts de bras. Ceux là se font plus que rares. Ils sont capables de tout. Ils osent n’importe quoi. Ils s’en tirent toujours.
Mais ce grand malade de Matt Bastard, slim / torse nu, chantant au milieu de la fosse, escaladant la batterie, suspendu à n’importe quel machin qui suspend, ce grand malade donc, est surtout un grand chanteur. Un miracle : une voix soul et nette. Du velours.
On reconnaît aisément un grand frontman : c’est celui qui propulse le groupe vers un bel avenir.
Matt Bastard est de ceux là.
Et l’on se prend à souhaiter que Skip The Use s’aventure en terrains musicaux plus hostiles…
Juste pour voir.
Reste ce « Give me your life », tuerie protodiscoïde absolue, qui vous reste dans le cortex suffisamment longtemps pour que la chose soit entendue : une chanson comme celle-ci livrée à un chanteur comme celui-là, voilà deux bonnes raisons d’entendre parler de ce groupe encore très longtemps.
Franchement pas d accord sur ton sujet sur les ladylike dragons….
Yep. Intéressant de voir ce qu’ils donnent dans des conditions différentes, ces deux groupes.
Jolie complicité (ceci dit je reste sur mon opinion concernant les Ladylike Dragons : bien exécuté mais déjà entendu).
j’y vais ce soir à la maroqu’, on va voir de quoi il retourne!
ce qui m’inquiète c’est que l’affiche de ce soir, c’est Ladylike Dragons en gros et Skip rajouté en Word… j’aurai préféré le contraire!
Cela dit, j’ai jamais vu Ladylike Dragons, je vous dis ça tout à l’heure!