On peut remercier Born Bad Records pour les deux merveilleuses compilations, Face B – 1965/1981 (2018) et en VOYAGES (2019) qui ont permis de (re)découvrir la poésie unique de Pierre Vassiliu et son kaléidoscope musical en avance sur son temps. Ces deux disques permettent de saisir la modernité de ce chanteur décalé et naufragé, entre rires et larmes, entre provocations potaches et propos engagés d’un grand sensible que la vie se plait à rouler dans la farine. A l’heure où certains, toujours en décalage malgré la révolution numérique et un virus printanier non informatique conspuent les propos d’un PDG d’une puissante société de streaming et où l’on dégaine la sulfateuse #metoo à la moindre grivoiserie, Pierre Vassiliu apparaît comme un OVNI. Il serait certainement censuré aujourd’hui comme il l’a été hier, en pleine guerre d’indépendance d’Algérie, en diffusant, grâce à un camion de l’armée équipé de haut-parleurs, sa chanson J’ai l’honneur et après être passé en conseil de guerre, La femme du sergent. On imagine la tête des programmateurs de France Inter à l’écoute d’En vadrouille à Montpellier, de Viens ma belle, Pierre bat ta femme, Ma cousine ou Déshabille-Toi. Sa carrière pourtant avait commencé sous les meilleurs auspices, adoubé par Brassens en 1962 qui louait à la fois son humour grivois et sa poésie. Puis viendront les voyages, le Brésil, l’Inde, le Sénégal, la Guadeloupe, entre génie et dilettantisme, lui dont un de ses agents, qu’il surnommait Madame Soleil disait à son fils : “Ton père, j’ai jamais vu un mec qui fait autant d’efforts pour saccager sa carrière.” Normal pour quelqu’un qui faisait chalouper Marylin avec « faut chanter pour pas travailler« (Le cadeau, 1981). Bien sûr, Pierrot n’avait pas été oublié par tout le monde, Arnaud Fleurent-Didier, Katerine, Raoul Petite, Albin de la Simone, Cyril Mokaiesh ou Guido Minisky d’Acid Arab à la manœuvre avec Born Bad Records sur ces deux compilations ont régulièrement fait briller le précieux Pierre dont il faut réécouter les chansons carapaces qui dérangent les anges et notre viduité estivale.
« J’ai écarté mes ailes et sans parler à mon ombre, j’ai crié si fort que mon cri m’a devancé, me laissant sur place dans une nouvelle solitude. »
Pierre Vassiliu dans L’oiseau.
Face B – 1965/1981 (2018) et en VOYAGES (2019) sont disponibles chez Born Bad Records. Retrouvez aussi Pierre Vassiliu dans le documentaire bouleversant de Laurence Kirsch, Qui c’est celui-là ? ci-dessous.
Pierre Vassiliu – Qui c’est celui là ! (documentaire)
Pierre Vassiliu – Dans ma maison d’amour (1973)
Pierre Vassiliu - Face B - 1965 / 1981
Pierre Vassiliu - en VOYAGES