Karine Daviet en dix questions
Si tu étais un peintre ?
Si j’étais un peintre, je serais le Douanier Rousseau. J’ai eu l’idée de tourner un clip en image animée s’inspirant de ses tableaux pour ma chanson Sorcière. La végétation luxuriante, l’absence de perspective, les couleurs vives, tout cela correspond à l’univers visuel que j’imaginais. Ça ne s’est pas fait pour des questions de temps et de budget mais je garde l’idée !
Si tu étais un être mythique ou mythologique ?
Dans mon poème « L’indépendance », j’évoque les noms de Circé, Méduse et Jeanne d’Arc. Plutôt que d’en choisir, je préfère me concentrer sur ce qu’elles m’évoquent : des femmes fortes, qui assument leurs choix, dangereuses et parfois vulnérables. J’aime aller au-delà de la monstruosité, comprendre ce qu’elle cache, ce qu’elle dit de la façon dont les femmes sont perçues dans notre société. Pour in fine renverser le regard et en faire des figures positives et inspirantes.
Si tu devais personnifier l’indépendance ?
Je pense spontanément à Simone de Beauvoir. C’est une figure majeure du féminisme du XXe siècle mais aussi une philosophe de premier plan. Elle s’est construite indépendamment des attentes de son époque : elle a fait les études les plus poussées, ne s’est pas mariée, n’a pas eu d’enfants… Elle a inventé, en tant que femme, une façon d’être un individu à part entière, mû par ses désirs. C’est aussi par elle que j’ai découvert le féminisme. Donc, définitivement, Simone de Beauvoir !
Karine Daviet – Sorcière
Si tu étais une série télé ?
Je passe cette question, je n’ai pas la télé et je ne regarde pas de séries, c’est trop chronophage !
Si tu étais un arbre ?
Question complexe, je connais mal les arbres ! Peut-être un érable. C’est le symbole du Canada, un pays où j’ai vécu et que j’affectionne. On fait un très bon sirop avec sa sève et de bons instruments de musique avec son bois. Et ses couleurs sont si belles en automne !
Si tu étais un personnage de roman ?
Facile, Hermione Granger ! J’ai passé mon adolescence à relire Harry Potter. Je me suis beaucoup projetée dans son personnage, j’étais moi aussi bonne élève et dévoreuse de livres. Elle a beaucoup de qualité que j’apprécie : elle est courageuse, intelligente, altruiste. Elle sait aussi faire confiance à ses intuitions. Elle aime les chats et puis c’est une sorcière, c’est quand même la classe !
Si tu étais un verbe ?
Je dirais « jouer ». C’est ce que j’aime dans mon métier, on passe notre vie à jouer ! Ou en tout cas à tout faire pour pouvoir jouer dans les meilleures conditions, que ce soit sur scène ou en studio. J’aime que ma vie soit tournée vers ça. J’imagine que si tout le monde pouvait jouer dans la sienne, sans être forcément dans un domaine artistique, le monde serait plus beau (petite larme) !
Si tu étais un duo ?
Si j’étais un duo, ce serait Thelma et Louise. Leur destin est tragique mais malgré ça, ce film raconte l’histoire de deux femmes qui s’émancipent ensemble, qui sont solidaires et non pas rivales. On a besoin de davantage de modèles comme ça ! C’est la sororité qui est une réalité, pas la compétition entre femmes.
Si tu étais un rêve ?
Un rêve, c’est impalpable, alors pourrais-je en incarner un ? Mon rêve, c’est de vivre de ma musique, qu’elle parle aux gens, faire des concerts et des disques et écrire encore des chansons dans cinquante ans ! Alors je dirais que si j’étais un rêve, ce serait une vieille chanteuse à la carrière bien remplie et dont l’œuvre compte. Juliette Gréco et Anne Sylvestre, en fait !
Ton EP en quelques mots ?
Foisonnant, contemplatif, engagé ! Je suis aussi fière d’avoir réussi à faire le disque dont je rêvais. J’espère que les autres suivront cette voie !
Karine Daviet – Insomnie
En écoute avec Karine Daviet
- Björk – Bachelorette
Pour moi, si Beyoncé est la reine, Björk est la déesse de la musique. J’ai beaucoup chanté ce morceau. J’aime les paroles mystérieuses et l’orchestration épique. J’ai globalement beaucoup écouté Homogenic, l’album sur lequel elle figure et cette chanson est pour moi une des plus marquantes. - Barbara – Hop-là
C’est une chanson plutôt méconnue de Barbara. Pourtant, elle est joyeuse et pleine de malice, ce qui est moins le cas dans le reste de son œuvre. J’aime comme elle est irrévérencieuse, comme elle prend le contre-pied des injonctions catholiques avec humour. Elle parle d’une femme qui a des rapports sexuels par « amour de son prochain » ! C’était osé à une époque où la religion avait encore une place importante dans la société. - YN – B. met des Bombes
Je viens de découvrir ce duo. Je n’écoute pas de rap d’habitude mais là j’aime tout : la langue est virtuose, poétique et engagée, la voix prenante. La musique est originale : il s’agit d’une boucle vocale sur une rythmique basse-batterie qui évolue lentement. Un des motifs, tant dans la musique que le texte, est la répétition. Ça me rappelle le courant américain de musique minimaliste (Steve Reich, Terry Riley…) que j’apprécie particulièrement. Ça donne un rap lettré et exigeant. Tout l’EP, Chants de force, est dans cette veine. J’adore ! - João Gilberto – Chega de saudade
J’aime beaucoup le jeu de guitare et la douceur de la voix de João Gilberto. Dans l’album João voz e violão, où il joue en solo, ce sont les seuls ingrédients. Il faut beaucoup de maîtrise pour faire qu’un album en guitare-voix fonctionne et j’ai écouté celui-là de bout en bout de nombreuses fois. Il m’apaise. Quand j’ai découvert la bossa nova, une des premières chansons qui m’a intéressée est Chega de saudade. J’aime la complexité de la mélodie derrière sa simplicité apparente, l’évolution harmonique… Donc cette chanson interprétée par lui, c’est parfait ! - Toto Bona Lokua – Ma mama
Toujours dans le registre des voix douces, j’ai un faible pour la voix de Gérald Toto. Dans ce morceau, il joue en trio avec Richard Bona et Kanza Lokua. Le morceau est a capella : un vocal beat-box, des chœurs sur des onomatopées, quelques notes sifflées et la voix lead de Toto. Le morceau est, il me semble, au moins en partie dans une langue inventée. C’est doux et en même temps ça balance, c’est joyeux sans être tapageur. C’est un peu un album doudou, tout particulièrement cette chanson. J’adorerais les voir en concert mais je ne crois qu’ils se réunissent sur scène… - Claire Diterzi – Au salon des refusées
Claire Diterzi est ma chanteuse préférée (ex-æquo avec Camille). Sa voix, son écriture, sa liberté… Cette chanson est presque entièrement un guitare-voix (mais guitare électrique cette fois). À la fin, la viole de gambe entre en scène. C’est une des originalités de cet album : réunir guitare électrique et viole de gambe. C’est à ma connaissance le seul exemple en chanson (en dehors de mon ami et camarade Alexandre Castillon). Ça m’a aidée à légitimer mon envie d’utiliser des instruments baroques dans mon EP. L’écriture musicale est classique, presque contrapuntique. C’est actuel et en même temps savant. Claire Diterzi arrive à faire des ponts entre les genres, c’est un de ses points forts. Et puis le texte parle d’émancipation amoureuse tout en faisant référence à l’histoire de l’art. Fortiche ! - Dianne Reeves – Endangered Species
Je l’ai découverte à la radio, j’étais scotchée. C’est une voix féminine dans un style gospel, parfois harmonisée, et une batterie. C’est tout. Elle chante « je suis une femme, une artiste, je sais à qui appartient ma voix »… Toute la chanson est un hymne féministe, un chant d’affirmation de soi. C’est simple et très fort. - Camille – Nuit debout
Difficile de choisir une chanson de Camille, je les aime toutes ! Je choisi Nuit debout pour son climat. J’aime comment dans cet albumOuï les tambours sont mêlés à des sons électroniques. Et le travail des chœurs est très poussé, comme toujours chez Camille. Le résultat est organique, hypnotique. Le début évoque un chœur classique puis laisse place à la voix lead presque murmurée. Le texte évoque l’insomnie créatrice du mouvement Nuit debout mais de façon poétique. Quand Camille s’empare d’un sujet politique, elle le fait toujours avec poésie, elle n’assène jamais un discours. Elle cherche avant tout à jouer avec les sonorités de la langue. Ça fait qu’on peut passer parfois à côté du sens mais ça reste musical. D’habitude en chanson, on fat plutôt le contraire. - Girolamo Kaspberger – L’arpeggiata
C’est un morceau pour théorbe seul. Une suite d’accords arpégés. Il y a de l’urgence et de la mélancolie dans l’évolution harmonique. Je peux passer par toutes sortes d’émotions quand j’écoute ce morceau, j’ai l’impression que la musique me parle. Et puis le théorbe a un timbre magnifique, c’est pour moi un des plus beaux instruments qui existe. La première fois que je l’ai écouté, je répétais avec un théorbiste. Je lui avais demandé de me jouer une pièce pour me faire découvrir son instrument. C’était un moment magique. - Pauline Croze – Fallait pas
Je trouve que Pauline Croze a beaucoup de talent pour disséquer les émotions, faire des chansons sensibles. Depuis T’es beau, ça n’a pas changé. J’aime beaucoup les sonorités de son dernier album, comment les guitares sont très présentes tout en donnant un son moderne, organique. Dans Fallait pas, il y a une alchimie entre les guitares, la basse, la batterie, les chœurs, les nappes de synthé. Avec quelques mots simples, elle pose une situation, une émotion. C’est une sorte de chanson-pop, simple d’accès et en même temps élaborée. Et sa voix est unique, délicatement soul. - Alain Bashung – Aucun express
J’ai écrit un mémoire de recherche en musicologie sur Alain Bashung. Deux ans de compagnonnage, ça marque ! J’aime son parcours, comment il a trouvé petit à petit sa voie et rencontré un public. Il a quand même mis quinze ans ! Et une fois le succès arrivé, il a continué à creuser son sillon, à chercher comment faire du rock qui sonne en français. Cette chanson est issue de son album le plus connu, Fantaisie militaire. Le processus de création par collage était long et complexe mais les chansons qui en sont sorties sont des bijoux. Celle-ci est poétique et sensuelle, elle me fait voyager. Je ne comprendrai jamais toutes les images mais j’aime qu’il reste un peu de mystère même après des dizaines d’écoutes. Il y a toujours quelque chose à découvrir dans ses chansons. Alain Bashung est un modèle d’exigence artistique, autant par ses chansons que son parcours. - Sting & Edin Karamazov – Dowland : Flow, My Tears (Lachrimæ)
Dans cet album, Sting chante avec sa voix voilée de rockeur des chansons du XVIe siècle, normalement réservées aux chanteurs ayant une formation classique. Accompagné au luth par Eden Karamazov, il prouve que ce répertoire n’est pas réservé à quelques musiciens connaisseurs. Il le rend ainsi accessible à toute une foule de gens qui n’en auraient sinon probablement jamais entendu parler. Je trouve le résultat beau et émouvant. Deux ou trois chansons m’ont particulièrement marquée dans cet album, dont celle-ci. J’aime la sophistication de la mélodie et la mélancolie qui s’en dégage. Au final, les musiciens n’ont pas changé depuis le XVIe siècle : on continue à « se gratter le ventre en chantant des chansons » !
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björk : bachelorette
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Hop là
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YN - "B. met des Bombes"
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Chega De Saudade
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Toto Bona Lokua - Ma Mama (Clip officiel)
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Au salon des refusées
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Endangered Species
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Camille - Nuit debout (Official Audio)
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Christina Pluhar: Toccata L'Arpeggiata - Girolamo Kapsberger
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Pauline Croze - Fallait pas
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Aucun express
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Flow My Tears
Plus d’informations sur la page Facebook de Karine Daviet.
Son EP, L’indépendance est disponible ici.