Ce soir là, il fait une irruption tonitruante sur la scène mythique de l’Olympia, un véritable abordage armé d’une canne vite troquée contre le pied du micro qu’il brandit au dessus de sa tête après quelques génuflexions pour évacuer le stress. Deux heures durant, il enquillera principalement les titres de son dernier album, Finistériens réalisé avec Tiersen comme d’autres ouvrent les bières manuellement. Il n’oubliera pas les vieux gréments comme moi en balançant quelques anciens titres en guise de trou normand.
Le public est très bigarré, une vraie pêche miraculeuse avec des joggers du dimanche des défroqués en quarantaine, qui côtoient le voisin, madame, maman ou l’imbécile. Au final, des gens qui se reconnaissent dans les gueules cassées que met en scène Miossec dans ses chansons si personnelles mais au final universelles.
Discographie
MiossecUn Miossec qui se veut plus social dans ses derniers textes avec Chiens de paille (Travailler pour qui pour quoi pour quel résultat pour quelle vie tu crois) mais où le vague à l’âme recouvre souvent la sérénité et la sagesse du vieux loup de mer. Il navigue entre introspection déchirante, Seul ce que j’ai perdu en rappel émouvant (Est ce que ca vous fait un bien fou de faire du vélo sans les mains / Est ce qu’il faut se sentir à bout pour se sentir enfin si bien), Nos plus belles années (Comme j’aurais aimé ne jamais te connaître / Comme j’aurais aimé ne jamais te croiser / Aujourd’hui je voudrais tant te voir disparaître / Alors que toutes nos plus belles années /Je les ai passées à tes côtés) ou Une fortune de mer (une épave sur les flots / Dis-moi à quoi ça sert / De m’être accroché à ta peau) et résignation en forme de bilan, La mélancolie (Qui coule de source / Qui colle au corps / Et qui vous crée des putains d’emmerdements) ou Trente ans (et oui tu ne les as pas vu venir / Trente ans c’est peut-être le moment de s’enfuir).
L’empathie fonctionne à plein, l’Olympia se transforme en théâtre grec où l’auditoire purge ses passions dans une catharsis salvatrice. L’atmosphère est tendue, l’orage gronde, le violon grince, mais plutôt que d’affaler les voiles, notre bourlingueur chanteur avec son grain de voix des abysses joue les brise « larmes » avec des titres plus péchus, la facture d’électricité, le mythique non,non,non,non (je ne suis pas saoul) ou la récente Haïs moi. La salle tangue alors, le roulis musical emporte tout et soudain, c’est la téole, le pot-au-noir, Miossec ose reprendre Joséphine de l’amiral Bashung, le vague à l’âme nous étreint, le temps suspend son vol.
On regrettera parfois les arrangements qui sonnent un peu orchestre de baloche à Coetquidan avec un clavier sans chaleur, très Bontempi meme si le clavieriste violoniste met de l’ardeur pour fusiller le crin de son archet. Après deux rappels et plus de deux heures, on peut dire que le capitaine a tenu bon la barre, le vieux loup de mer n’oublie pas aussi de remercier affectueusement le moussaillon Zak Laughed qui a assuré crânement contre vents et marée du public de l’Olympia la première partie.
Au final, une déferlante de Moments de plaisir, un auditoire qui crie Merci pour la joie procurée par un grand monsieur en plein crise de « mât-turité ». Somme toute, ils sont peu de cette génération (peut être Arno et encore, il est plus âgé…) à écrire la vie si simplement, si sincèrement, si rugueusement, si poétiquement.