Mendiants est un poème de Germain Nouveau, daté de janvier 1875. Nouveau l’a écrit au retour de son voyage avec Rimbaud, à Londres, en 1874. C’est l’histoire de leur séparation : ce moment où Nouveau part « au Nord », à Bruxelles et Rimbaud « à l’Est », en Allemagne, à Stuttgart.
Nicolas Comment & Eric Elvis Simonet – Mendiants (1875)
Discographie
Nicolas CommentPendant qu’hésite encore ton pas sur la prairie,
Le pays s’est de ciel houleux enveloppé.
Tu cèdes, l’œil levé vers la nuagerie,
A ce doux midi blême et plein d’osier coupé.Nous avons tant suivi le mur de mousse grise
Qu’à la fin, à nos flancs qu’une douleur emplit,
Non moins bon que ton sein, tiède comme l’église,
Ce fossé s’est ouvert aussi sûr que le lit.Dédoublement sans fin d’un typique fantôme,
Que l’or de ta prunelle était peuplé de rois !
Est-ce moi qui riais à travers ce royaume ?
Je tenais le martyre, ayant les bras en croix.Le fleuve au loin, le ciel en deuil, l’eau de tes lèvres,
Immense trilogie amère aux cœurs noyés.
Un goût m’est revenu de nos plus forts genièvres,
Lorsque ta joue a lui, près des yeux dévoyés !Et pourtant, oh ! pourtant, des seins de l’innocent
Et de nos doigts, sonnant, vers notre rêve éclos
Sur le ventre gentil comme un tambour qui chante,
Dianes aux désirs, et charger aux sanglots,De ton attifement de boucles et de ganses,
Vieux Bébé, de tes cils essuyés simplement,
Et de vos piétés, et de vos manigances
Qui m’auraient bien pu rendre aussi chien que l’amant,Il ne devait rester qu’une ironie immonde,
Une langueur des yeux détournés sans effort.
Quel bras, impitoyable aux échappés du monde,
Te pousse à l’Est, pendant que je me sauve au Nord !
Après votre premier single reprenant un texte extrait des illuminations de Rimbaud vous sortez votre deuxième single Mendiants adaptation d’un texte écrit par Germain Nouveau en 1875, qui semble très emprunt du style de Rimbaud ?
Oui c’est un texte très rimbaldien, mais aussi assez proche du style de Verlaine. À cette époque, entre Nouveau, Verlaine et Rimbaud, quelque chose circule entre leurs textes. On retrouve dans les poèmes des uns et des autres, des fragments, des citations cachés… Leur poésie commune est un « kaléidoscope » mental, pour reprendre le titre du beau poème de Verlaine dédié à Germain Nouveau : « Ce sera comme quand on rêve et qu’on s’éveille, / Et que l’on se rendort et que l’on rêve encor / De la même féerie et du même décor, / L’été, dans l’herbe, au bruit moiré d’un vol d’abeille. » Mais là, vous avez raison. Ce texte est clairement dédié à Rimbaud. Mendiants étant aussi à entendre dans le sens de mendiants d’amour : « Le portrait du « vieux bébé », avec ses « yeux dévoyés », son attifement de boucles et de ganses », ne peut-être que celui de Rimbaud » écrit Maurice Saillet dans la préface des Œuvres complètes (Gallimard, 1974). Et Saillet ajoute : « Les allusions aux « cœurs noyés », aux sanglots, aux désirs et aux manigances […] en disent plus long – et plus vrai – que toutes les pages alliacées que l’on a écrites sur cette liaison. »
Pourquoi ce choix ?
Parce que je trouve que c’est un poème magnifique sur l’amitié absolue, sur l’usure de l’amour. Sur la rupture du Lien, l’épuisement des relations entre deux êtres – en l’occurrence Rimbaud et Nouveau – mais qui dépasse l’anecdote biographique et peut parler, simplement, à tous. Ce n’est pas de la poésie à hauts talons, c’est un texte écrit sur des « semelles de vent »… Qui parle de l’errance adolescente, la Route sentimentale…
Ce texte de Germain Nouveau, révèle par sa poésie si juste et vraie leur supposée relation amoureuse ; est-ce une volonté délibérée de mettre en avant cette liaison ?
Non, car cette liaison se situe bien au-delà d’une banale relation homosexuelle… Entre ces deux jeunes hommes, il s’agit essentiellement d’une relation poétique. Il n’y a pas de question de « genre » dans le cadre des amours artistiques. Il y a seulement deux poètes, deux artistes, qui se reconnaissent, qui s’aiment et qui créent ; et qui créent en s’aimant.
Votre clip est magnifique ! Comment vous est venu l’idée de ce personnage féminin ; pour incarner la poésie de Nouveau et Rimbaud ; cette adolescente à la démarche rimbaldienne ?!
Comme presque toujours, par hasard. Après le premier confinement, j’ai retrouvé, l’été dernier, de vieux amis à la campagne : la petite bande que j’évoque dans mon livre de photos et textes Journal à rebours (1991-1999) (éditions Filigranes, 2019). Dans un petit village, j’ai acheté dans une brocante un vieux haut de forme et j’ai proposé à Lilas, la fille de mon premier grand amour qui était en vacances avec nous, de jouer ce personnage. Je trouvais qu’elle avait effectivement une démarche adolescente, très rimbaldienne… Mi-fille, mi-garçon ; mi-figue, mi-raisin… Je lui ai demandé d’enfiler ma veste, mon jean – un peu trop larges, évidemment – et j’ai filmé ces plans. J’avais envie que « mon » Rimbaud soit incarné par une jeune fille parce que le mot poésie est de genre féminin ! (rires) Mais ce clip artisanal est surtout un petit hommage à la jeunesse, aux chemins de traverse, aux amours contrariés et… à la liberté. J’ai naïvement pensé que cela ne pouvait pas faire de mal par les temps courts.
Nicolas Comment & Eric Elvis Simonet seront en concert (Release Party) le 1er février 2021 à la Maison de la poésie (Passage Molière 157 rue Saint-Martin 75003 Paris). Nouveau de Nicolas Comment & Eric Elvis Simonet est à pré-commander chez www.mediapop-records.fr
- Prélude
- En forêt
- Les chercheurs
- Mendiants
- Poison Perdu
- Le Moine bleu
- Brummel
- Sans verte étoile
- Ciel II Valentines
- à J-A. Rimbaud
- Excelsior ! La doctrine de l'amour
- Dévotion