Vikken et sa Joie ont tous deux le sens de la débâcle. Un côté Charlie Chaplin de la folle déprime, face à une grosse machinerie bête et informe, qui fixe, qui normalise, qui nécessairement finit par s’emballer, et qui ne s’arrête plus, et qui envoie valser en l’air à grands coups de beats électro tout ce qui peut voler, à défaut de le broyer. A la fin, très simplement, presque sans s'en faire, on fait le décompte nonchalant des journées foutues, matin, midi, soir, et des questions qui fâchent, et puis celles qui cernent. Un joyeux théâtre absurde où l’individu prend perpète.

Ceci dit, il faudrait faire attention. Car si on pourrait se marrer en écoutant comme ça les premières chansons de Vikken, si d’une certaine façon on ne pourrait retenir un sourire amusé devant tant de catastrophes jouissives placidement énumérées, si ça sent la migraine dansante ou le Lexomil heureux, la joie passe quand même très rapidement au mixeur. Et de celle-ci, il n’en reste pas grand-chose.

Joie est alors probablement une façon de parler, au mieux un trait d’ironie. Plus sûrement une dérobade. Au moins une tentative. Car on a surtout l’impression que Vikken expérimente la mise en apesanteur dans une cocote minute.

Ça s’affole sans s’affoler, du moins pas au début. C’est plus tard, souvent, quand les chansons avancent, qu’elles prennent la forme d’un compte à rebours qui aurait oublié de s’arrêter, qui ne déboucherait sur rien, et qui s’égrènerait comme un chapelet. Avec derrière des bruits de hachoir ou de rafales. Tout devient dès lors un espace clos, un dialogue impossible, qui prend des airs de garde à vue. Ça court, ça tape dans les murs, ça rebondit, ça se calme, ça retape. Ça questionne, ça tourne en rond. La machine s’emballe. L’aiguille file dans les rouges, et Vikken bétonne les échappatoires.

Pourtant ça voudrait bien se raccrocher à tout, à l’autre et aux corps, s’en souvenir aussi, et se souvenir de soi, pour ralentir la course, la farandole, pour trouver du sens, comprendre ou se comprendre, avant de finir en morceaux, découpé, dispersé. Mais voilà…

Mais voilà…

Vikken – Pour une amie

Vikken – C’est OK

Vikken – Joie

Tracklist : VIKKEN - Joie
  1. C'est OK
  2. Pour une amie
  3. So(m)bre
  4. Chanson triste
  5. Aghet (Catastrophe)

Cela pourrait vous intéresser

Sumone-letitsnow

[EXCLU] Vidéo : Sum’One – Let It Snow

Sum’One, c’est le producteur danois Michael ‘Just Mike’ Munch (Dafuniks, Otis Stacks) qui sort son premier EP Hello Vera le 22 novembre chez Underdog Records et nous offre en exclusivité un titre
Superbravo-deux

[EXCLU] Vidéo : SuperBravo – Deux

Le duo Armelle Pioline et Michel Peteau alias SuperBravo nous offre en exclusivité Deux, une comptine où l’on ne sait pas compter. Pourtant, on peut compter sur eux pour déchiffrer notre monde afin de nous relier sans nous diviser et c’est une bien belle opération extraite de leur nouvel album La digue, disponible chez Marelle […]
Terrenoire-unchiensurleport

Vidéo : Terrenoire – un chien sur le port

Après Les forces contraires, Terrenoire, révélation masculine de l’année 2022 aux Victoires de la Musique revient avec Un chien sur le port, premier titre extrait de leur deuxième album, protégé.e, à paraître le 24 Janvier 2025 (Black Paradiso /Virgin).

Plus dans Chroniques d'albums

Mattlow-uneviecool

Matt Low – Une vie cool

Il y a des voix qui vous séduisent, vous enveloppent, vous rassurent. Matt Low sort son deuxième album après le formidable La ruée vers l’or, et Une vie cool est drôlement bath.
Lesmarquises-soleilsnoirs

Les Marquises : Fiat Lux

Avec Soleils Noirs, Les Marquises nous entraîne dans un archipel du bout du monde, un voyage au long cours en deux plages mystérieuses et fascinantes aux titres puissamment évocateurs, L’étreinte de l’aurore et Le sommeil du berger.
Karkwa Dans-la-seconde

Karkwa – Dans la seconde

Qui l’eût cru ? Karkwa revient dans la seconde, treize ans après Les Chemins de verre. Peu connue en France, la formation québécoise est la valeur sûre de la Belle Province avec des arrangements amples et une voix, celle amicale de Louis-Jean Cormier.