Entretien incontrôlé. Nuits de Fourvière, début juillet avec un temps de Toussaint. Lonny fait le tour de chauffe pour le Grand Prix de Benjamin Biolay. On la suit depuis Lonny Montem et son premier EP en anglais, What Kind of Music Do You Play ? et l’on a justement envie de lui poser cette question en voyant Dans la maison des filles et son noir et blanc contrasté. C’est d’ailleurs ce clip qui nous donne l’idée de photos au Diana F+ avec Julien Tixier.
Lonny s’est entourée d’une équipe merveilleuse et les planètes se sont alignées malgré les conditions difficiles de ces derniers mois. Elle écrit des chansons saisissantes sur les amours moribonds car pour se retrouver il faut parfois se séparer. Ce qui intéresse Lonny, ce sont les mouvements entre les gens, les réunifications avec soi-même. « Le chagrin d’amour c’est un peu le premier niveau, tout le monde passe par là, tu as l’impression d’être coupé en deux et en fait il faut que tu retrouves l’autre partie de toi qui est dévastée par la tristesse. Et puis il y a plein de chagrins d’amour possibles, j’ai l’impression d’en avoir avec plein de gens, mes parents, des amis, des objets que j’ai perdus, avec la terre, l’écologie, la politique. En tout cas je vois l’amour de manière très global. Après pour sortir de la tristesse du chagrin d’amour amoureux, cela me prend beaucoup de beauté, il faut que je m’entoure de choses belles et c’est souvent le fait d’être très émotive qui peut me réparer et vu que mon vecteur c’est la musique et bien cela sort comme cela. »
Discographie
LonnyLonny chante désormais en français, le contact est plus immédiat, plus direct mais pas plus simple. Elle a écouté beaucoup de folk américaine où le rapport à la langue est moins alambiqué. Ecrire en français a donc pris plus de temps, une écriture peut être plus abstraite du fait de la pudeur mais aussi trouver des mélodies adaptée, accepter une certaine forme de chant. « Il y a quand même un code secret dans mes chansons car c’est difficile de délivrer un scenario lisible mais en français il y a quand même quelque chose de jouissif de sentir que le public éprouve et goûte les mots. C’est vrai quand même qu’en France entre les mots et la musique, les mots ont gagné un peu quand même. » Le mot incandescente porte en lui même une image, un son. « j’ai fait un rêve très étrange où Baptiste (Hamon) me parlait d’une chanson qui se nommerait incandescente et c’est resté au réveil. Donc l’inspiration vient chez moi d’un endroit assez ésotérique. Quant au choix des mots, je n’en connais pas tant que cela, je lis bien sûr mais je me suis mise à lire un peu tard, c’est plus des circuits émotionnels incompréhensibles. » Lonny nous fait découvrir Kae Tempest entre poésie et politique, évoque le sens du combat de Michel Houellebecq ou encore Dylan, Cohen, Emily Dickinson, Jim Harrison. On pourrait penser que la poésie aujourd’hui est un art désuet, ringard et pourtant elle est très vivante tout comme la bande dessinée. Lonny cite In Waves, un roman graphique bouleversant ou encore Les heures passées à contempler la mère.
Lonny – Incandescente (Live Session)
Et comme il n’y a pas de hasards ou au contraire les hasards font les belles rencontres, nous nous mettons d’accord sur le recueil de Rupi Kaur, Milk and Honey qui traine dans mon sac. Des mots très simples, des dessins très simples, une écriture de la réparation. Lonny nous avoue qu’elle a beaucoup lu ce recueil lors de l’écriture de ses chansons et être une boulimique du livre. Cela nous parle évidemment totalement. Lonny souffre d’une maladie que l’on connait bien, ne pas sortir d’une librairie les mains vides. Elle nous vante les mérites des librairies de Montréal, de la vitalité des auteurs dans la belle province. Dernier point commun, Lonny se souvient de quelques clés confiées par sa maman : Joan Baez, Patti Smith et … Twin Peaks et sa démente troisième saison. « J’aime le côté contemplatif de cette série, en fait il n’y a rien de mieux parmi n’importe quelle activité, il y a le tennis par exemple mais il y a Twin Peaks. Tu ris et en même temps c’est très émouvant, il fait aussi souvent moche ce qui participe à l’ambiance, la typographie dans la série, c’est pour moi d’une folle poésie. » Et quand on termine sur une question un peu barrée en lui proposant de choisir entre le Owner of a Lonely Heart de Yes, le So Lonely de Police, le Mr. Lonely de Bobby Vinton, le Alone de Selah Sue ou le Lonely Days des Bee Gees, lonely Lonny choisit étonnamment les enfiévrés australo-britanniques pour leur mélancolie cachée, avant de filer stopper la pluie aux balances avant Benjamin Biolay ce soir là aux Nuits de Fourvière.
On retrouvera Lonny au festival Les Nouvelles Voix en Beaujolais avec Clou et Claire Laffut le jeudi 21 octobre sur la grande scène du théâtre de Villefranche et la veille en Afterworks au Domaine de Bénévent à Denicé.
Le premier album de Lonny enregistré au Québec avec Jesse Mac Cormack paraitra en janvier 2022.