Ben Lupus (Coming Soon, Mount Analogue) nous avait caressé l’échine avec la beauté du jour son premier EP. Il récidive avec Vu d’ici et nous fait nous sentir vivant dans ce monde mortifère de l’immédiateté, de la futilité, de la démagogie généralisée. Ben Lupus est un artisan anachorète qui façonne loin des autres ses chansons confidences à braver la tempête.
Ben Lupus en cinq questions
Vu d’ici que vois-tu ?
Discographie
Ben LupusDifficile d’y voir clair ces temps-ci, non ? Dès que le regard se porte sur le lointain, la vue se brouille, ou alors la tempête se lève et bouche l’horizon. Alors on se penche et, dans un périmètre plus restreint (mettons, en deçà des distances de sécurité), si on regarde bien, la joie s’agite, à la façon des êtres unicellulaires observés au microscope. C’est là que semble s’être réfugiée la vrai vie – et ça me va, même si j’essaie quand même de garder un œil sur le reste. Vu d’ici, c’est l’idée que malgré l’ancrage hyper circonscrit d’un point-de-vue, on peut se connecter à quelque chose qui nous dépasse, et atteindre l’universel. En tous cas, ça me semble être la croyance fondamentale sur laquelle repose l’écriture d’une chanson, et ça a été une bonne raison de continuer à faire des trucs ces derniers mois.
Quel est ton super héros fétiche ?
Sans hésiter, le Batman. Aussi loin que je me souvienne il a toujours été mon préféré, malgré tous ses défauts, malgré la distinction sociale, malgré la violence et l’ambiguïté morale. Il a pour lui la force de la tragédie grecque, l’implacabilité de l’ancien testament, la noirceur romantique… et le meilleur des costumes. Batman par Miller, c’est un monument de la littérature mondiale. Et même au cinéma, je l’adore la plupart du temps. The Dark Knight Rises, je l’ai vu 200 fois.
Ton endroit préféré ?
La montagne, indistinctement, pour peu qu’il n’y ait pas trop de monde, une bonne proportion de sapins sur les versants, un peu d’eau qui coule, et éventuellement un spot sympa pour boire un coup dans les environs. Je fantasme aussi beaucoup l’océan, le littoral, la lumière et l’ouverture de l’espace propre à ces paysages – et cet imaginaire-là a été important dans l’écriture de mon nouvel EP. Mais au final, je reviens toujours vers la montagne. Dans tous les cas, j’aime les endroits qui donnent à voir la puissance des éléments, plus que celle mise en œuvre par l’homme pour essayer de les dominer.
Ton EP en quelques mots ?
Je dirais que cet EP c’est surtout l’expression d’une grande confiance dans la chanson, non seulement comme forme d’art, mais plus encore comme tradition quasi-mystique : un truc que l’on fabrique pour relier les êtres et les choses, et qui repose en définitive sur la puissance vibratoire de la voix humaine (même quand elle n’est pas très assurée comme c’est le cas pour moi). C’est un truc qui ne vieillira jamais, auquel on reviendra toujours. Et Vu d’Ici c’est une coupe que je verse dans cet océan, sous la forme de 6 chansons et d’un livre de 52 pages.
Ton prochain rêve ?
J’ai des rêves modestes, des rêves d’artisan : remettre l’ouvrage sur le métier, perfectionner le geste, etc. Je commence à imaginer la suite, avec un format plus long cette fois-ci. Et pareil côté illustration, j’aimerais me lancer dans un récit dégagé du rapport immédiat à la musique. Mais tout ça demande de l’organisation et de la discipline, et je reste essentiellement paresseux, alors on verra :)
Ben Lupus – Barbara
La playlist de Ben Lupus
En écoute avec Ben Lupus
En écoute avec Ben Lupus
En écoute avec Ben Lupus
Kiff total pour commencer, on se met bien.
Quand j'écoute ce titre, je pense toujours à Coming Soon, le groupe avec lequel j'ai commencé la musique au lycée, parce que c'est un de nos classiques, évidemment, mais surtout parce que j'entends vraiment dans cet enregistrement toute la joie qu'a pu me procurer le fait d'appartenir à un groupe de rock.
Je ne sais pas grand chose de ce groupe (je sais même pas dans quelle mesure c'est vraiment un groupe, ça semble plutôt être une collab longue distance), découvert via leur label, Drag City (qui reste pour moi une référence incontournable à travers le temps), mais j'adore ce titre, tout sonne trop bien, ça dure 7 minutes mais ça pourrait continuer tout l'après-midi, ça s'écoute sans fin.
Ce que je connais de Silvain Vanot (pas grand chose) me le rend immensément proche et sympathique. Ce titre ne fait pas exception à la règle : "Loin du wagon de tête, avec les indécis, ça me va". Hé hé… J'ai découvert Silvain Vanot un peu par hasard, par sa très bonne reprise de la VF de Nature Boy - dont la VO, écrite par Eden Ahbez pour Nat King Cole, est une bonne candidate au titre de meilleure chanson du XXème siècle.
Ces derniers mois j'ai écouté beaucoup beaucoup de blues, essentiellement du blues rural et acoustique, les tous premiers enregistrements, les pionniers du delta, etc… Je suis tombé sur ça par hasard, un quasi inconnu filmé sur son porche en 1978. Hyper classe, avec un son et un jeu de guitare qui me rendent fou.
C'est un ami qui m'a fait découvrir cette chanson de Battiato, qui m'émeut énormément à chaque fois : difficile de s'approcher plus près de l'ineffable sans trahir. Et en plus avec tant de délicatesse et d'élégance, waouh.
Encore un tube d'Alex Van Pelt, en attendant impatiemment la sortie imminente de son nouvel album. Un BFF toujours au top.
Not everyone's cup of tea, mais moi je pourrais écouter ça toute la journée. Pèire Boissièra est subtilement accompagné ici par François Dumeaux, que j'avais découvert avec son groupe Crypto Tropic, dont le disque éponyme a été déterminant pour moi.
Je suis venu aux Feelies très tardivement, mais j'ai écouté ça tout l'été (en découvrant en même temps les films des années 80 de Jonathan Demme). Un peu comme avec Lou Reed, il y a là quelque chose qui s'approche de la quintessence du groupe de rock à guitares, un truc très communicatif et vraiment jouissif.
Un titre choisi un peu au hasard dans sa discographie : j'adore Jacques Bertin, je l'écoute énormément. Il est injustement méconnu, ou ignoré, mais à vrai dire même pour moi qui m'y intéresse il reste un grand mystère, il faut aller chercher loin les infos... Et puis c'est hyper exigeant d'un point de vue littéraire - et il faut bien avouer que la plupart du temps, je me perds en route dans la chanson, et je ne capte au final que quelques bribes de sens… mais ça me va bien, le plaisir n'en est pas amoindri pour autant, je suis pas un acharné du sens de toutes façons.
Et oui, pourquoi ? Immense tube en tous cas, découvert dans le van la dernière fois que j'étais en tournée avec Mont Analogue, avant la tempête.
Grosse émotion à chaque fois. Et un bel exemple du pouvoir de la chanson, qui peut, en quelques ligne et une mélodie, dire la condition humaine, toucher du doigt les coeurs battants.
Plus d’informations sur la page Facebook de Ben Lupus.
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