Vestale évanescente au milieu des villes mélancoliques, de territoires sauvages, fauves même… Et puis des ombres, des lumières… Des couleurs, or, pourpre, rouge et bleu… La nuit et puis le jour… Fougueuse… Une colère, autant qu’une caresse, et des mots à l’oreille… Une ligne sur des espaces en tension, qui mouvent, qui s’ouvrent béants, et qui fusionnent, se fondent ou explosent, au gré des nappes, des nuances de sons, métalliques, saillants, charnels… Un essaim… Une musique assaillie de tout, mais qui jamais ne tangue, jamais ne se brouille. Oui, Blondino c’est précis, bâti, simplement beau.
A partir de là, les ressentis deviendraient propres à chacun, des espaces de libertés dans lesquels fabriquer ses refuges. Avec Un Paradis pour moi, Blondino construit peut-être le sien. Et si elle ne le construit pas, elle l’anticipe, elle l’appelle, l’esquisse au moins. Un Paradis pour moi se situe entre ces balises lointaines. Dans ces espaces ouverts, qu’elle traverse ou crée, dans ces mêmes fugues incandescentes, débutées et continuées avec Oslo et Jamais sans la nuit. Pourtant, ici, tout se fait peut-être moins fugitif. La course se ralentit, l’errance se fige. La voix se fait crue. La vestale est une femme. Et on écoute celle qui se confie, chancelante, celle qui est déjà tombée, celle qui se relèvera, et se révélera encore. Touchante. Souvent nue. Un Paradis pour moi est un sanctuaire, car ce sont des aveux. Au milieu de colère, de mélancolie sans rancœur, de réponses déterminées, et d’émerveillements silencieux.
Discographie
BlondinoBlondino – Sauvage, amoureuse
Alors si tout ici est traversé de lumière, tout est aussi forcément sombre, un peu ou carrément. Blondino sait faire, et les chansons se font désarmantes ou désespérées, quelques fois vénéneuses. On galope, même, dans des fuites à rebours. Les mots créent des césures, des abstractions, des labyrinthes. Angoissants. Effrayants. Saturés de peur. Peuplés de monstres et de bêtes fantastiques, belles ou carnivores ; la différence est tenue, comme à chaque fois avec Blondino. Méandres fabuleux ou louvoiements chronophages. Ceux du temps perdu à éplucher ses doutes, à se fabriquer des prisons. A rentrer dans celles de l’époque, d’un consumérisme en fin de course, moribond mais encore mortifère. A devoir s’en accommoder, y ressembler. A vouloir correspondre.
L’époque est lisse, et puis elle polit, rien ne dépasse. A l’unisson, et d’un même élan. On réclame, on applaudit, un courant d’air après l’autre. Le tir groupé cache mal la masse informe. Où est l’individu, singulier ? L’époque est à la compote. Lourde, inoffensive. Parce que c’est pratique la compote, ça s’accommode à tout, surtout à l’étau. Ça se meut toujours, même lorsqu’on la serre. Blondino, elle, est au-dessus. Elle l’a toujours été, mais elle le revendique encore, et frontalement. Ce n’est pas un défi, ni une bravade. C’est un refus.
Pourtant, de cette femme qui se livre, il ne pourrait rester que des morceaux. Cassée, concassée, défoncée. Offensée. Ce n’est pas impossible, et plus forcément si grave. Ces morceaux, Un Paradis pour moi les raconte, les disperse, ou plus souvent les recolle. Il aurait fallu commencer par ça, car Blondino l’assume, ouvre l’album sans faux-fuyants, l’explication est en introduction : se défaire et puis se refaire. Finalement se faire. Son paradis est à venir, son paradis sera cette femme. Celle qu’elle est, et qu’elle préservera.
Alors au milieu du désarroi, dans des moments de grâce infinie, dans des envolées sans parole, dans ces mélancolies planantes, on devine des corps à corps, et leurs doux mouvements. Là-bas, dans d’autres nappes enveloppantes se cachent d’autres endroits, d’autres volutes, d’autres lames. Aiguisées ou de fond, qui rappelleraient des douleurs ou des envies. D’autres fuites encore. D’autres beautés.
Un Paradis pour moi est une balafre vive. C’est aussi une forteresse ouverte. C’est une confession. Peut-être un pardon. C’est une certitude, le début d’une offensive, c’est une suite. Amoureuse.
Blondino – La foudre
Blondino – Les Madrilènes
Un Paradis pour moi, le deuxième album de Blondino, est disponible en version vinyle ou CD sur Diggers Factory. Toute sa musique, toutes ses vidéos se trouvent aussi sur son site.
Blondino sera en concert à La Boule Noire, le 18 novembre 2021.
- Faire
- Mes indépendances et ma révolte
- Un paradis pour moi
- Les Madrilènes
- Sauvage amoureuse
- Monde caché
- La foudre
- Liza pourquoi aimer
- Centaure
- Les reines du désarroi
- Troisième planète