Ce genre d’endroits, tu peux l’imaginer un peu comme tu veux, moi je vois une pièce sombre, seulement éclairée par la lumière poussiéreuse d’un vasistas cassé, avec un piano un peu désaccordé, dans un coin. Dans ce genre d’endroit, réunis sur le bout d’un vieux canapé défoncé, il y a encore quelques personnes qui se réunissent pour écouter de la musique, une musique un peu à part, oubliée, portée par le même petit groupe d’adorateurs. Cette folk un peu embrumée, douce, rauque, cette musique « indépendante » comme aiment à l’appeler les majors de la pop, effrayés par les ventes et l’argent, et qui ne pensent même pas à écouter leurs artistes, cette musique là, c’est celle dont je vous parlerai, et c’est celle dont fait partie Soso.
Soso : Tinfoil on the Windows
Récemment, sur Soul Kitchen, vous avez pu entendre parler du label Kütu Folk Records, label qui proposait à la découverte 14 morceaux plus beaux les uns que les autres, éventail de leur catalogue. J’y ai naturellement jeté une oreille intéressée, et mon attention à été retenue par ce canadien un peu étrange dont personne ne semble avoir entendu parler auparavant, et qui débarquait en France grâce au label. Pour situer l’actualité, son album « Tinfoil on the window » est sorti le 21 juin dernier dans l’hexagone et depuis quelques années déjà au Canada. Le casque vissé sur les oreilles, je suis parti à la découverte de l’univers Soso.
L’intro de Rubber Rings, première piste de l’album dessine doucement les contours de l’imaginaire du canadien. Le bruit de fond d’une nuée d’oiseaux nous amène en travelling le long d’une plage abandonnée, et doucement, un orgue se lève, et la mélodie s’impose, comme l’aube qui semble poindre sur la chanson. Pareil à un grand oiseau, la guitare électrique menée à l’Ebow survole le paysage, et nous fait décoller, les yeux fermés, pour nous amener quelques pas plus loin, au pied d’un homme à l’air fatigué, las. C’est Soso qui commence à chanter, et alors que les premières paroles résonnent, on sent tout le poids de sa voix, et l’étrange mais magnifique mariage de la folk avec ce rap aux accents amers et désespérés. « I feel like I’m eight years old, waiting for my father to come home. » C’est un boxer cassé, un homme trop tôt grandi, qui promène son regard contemplatif le long de la vie, rude et désenchantée.
N’hésitant pas à chanter hors de son registre habituel, Soso étonne en montant dans les aiguës , sort des sentiers battus, relançant la chanson là où elle se serait logiquement arrêtée, surprend, et au final nous enchante.
Discographie
SosoA l’écoute de l’album, trois pistes s’imposent : Rubber Rings, All the useless things these hands have done, et le sublime final en deux parties de Girl on a faraway hill.
Il y a dans la voix du chanteur une poésie rude et brute, ancrée aux problèmes quotidiens des vies malheureuses qui vous prends aux tripes, et vous laisse à la sortie avec une boule dans la gorge et une furieuse envie d’en réentendre. Evoluant au milieu d’un paysage onirique surdéveloppé, cette voix froide et lucide, plus basse que terre coupe le souffle, et pose la signature de Soso, inscrivant ainsi dans la musique dark folk la marque d’un des plus grands. C’est triste et magnifique, marqué par les remords, les regrets, la rudesse de la vie qui n’a aucune pitié, et laisse tout le monde sur le carreau. Tout ça, Soso l’a vécu. Il a aussi pensé qu’un bon moyen pour se débarrasser de ces démons serait d’en faire un album. Heureusement pour nous.
Un bien bel article qui donne envie d’en entendre davantage et qui retranscrit à merveille l’ambiance de sa musique.
Belle découverte.
Merci.