Helmet : Seeing Eye Dog

chronique : Helmet - Seeing Eye Dog En 2004, après un hiatus de sept années, et la déconvenue de l’accueil d’Aftertaste, Page Hamilton reprenait les armes et remettait Helmet sur les rails avec un tout nouveau line up. Size Matters se révélait enthousiasmant. Restant fidèle à ses riffs en béton armé et ses progressions mathématiques en open tuning, il s’ouvrait à des sonorités parfois plus pop. La contribution de l’impeccable John Tempesta à la forge amenait un groove jusque là inédit et Hamilton, lui-même, tirait un parti plus intéressant de son registre vocal limité. Au final, un album qui, comme on dit, faisait avancer le schmilblick.

Helmet

C’est pourquoi la sortie en 2006 de Monochrone avait été une rude déception. Tenter l’aventure de l’autoproduction n’était en rien une excuse à l’indigence du son, brouillon et mal équilibré. Les tentatives vocales d’Hamilton, notamment sur la tonalité, viraient au grotesque et, même si l’on n’avait guère cru que Tempesta ferait carrière aux fûts, son départ se faisait cruellement ressentir tant il avait su insuffler un sérieux coup de frais à la section rythmique.

2010, et Helmet revient de nouveau avec Seeing Eye Dog, son septième album. Toujours autoproduit, non référencé sur iTunes et avec une pochette « plus-terne-et-moins-impactante-t-es-un-dos-de-paquet-de-corn-flakes », Hamilton n’est pas un gars qui cherche la facilité. Ça n’a d’ailleurs jamais été le cas et c’était précisément pour ça, qu’Helmet était l’un des groupes les plus intéressants des années 90. C’est donc d’un cœur léger que tenaille nonobstant une légère angoisse qu’on s’attaque à ce drôle de clébard perdu sans collier. Et première constatation, la prod n’est toujours pas au niveau. Manque cruel d’espace, ampleur minimale et compressions particulièrement mal inspirée, on frôle l’incident. « Ouais, me direz-vous, c’est roots, fait avec les moyens du bord… » Ben non ! Pas qu’on s’appelle Page Hamilton et pas en 2010, quand le premier clampin venu peut produire un album décent dans sa cave et le faire tout beau tout propre avec douze heures de lock up dans n’importe quel studio un peu sérieux. On étouffe dans Seeing Eye Dog. On voudrait respirer un peu plus fort, prendre nos aises pour se sentir emporté par le son. Or cela n’arrivera pas. Pas complètement, du moins.

Ne reste donc que les compos pour défendre le projet, et là encore, de l’excellence on ne peut attendre que l’excellence. So Long le titre d’ouverture attaque avec l’un de ces riffs à la scie qui ont fait le son d’Helmet, mais se trouve quelque peu désamorcé par un chant de tête à la hargne bizarrement factice chez un mec de cinquante ans. Seeing Eye Dog, qui suit renvoie aux morceaux millimétrés en stop & go d’Aftertaste. Certainement l’un des meilleurs de l’album, normal qu’il lui ait donné son nom. Dans une veine plus directement punk rock, Welcome To Algiers emporte l’adhésion.

Pour LA Water, changement d’ambiance, guitare en nappe, presque Anglaise, voix flottante, assez inédite et pas totalement inintéressante. Pour un peu, on pourrait presque se croire à un concert hommage aux Stone Roses. Étrange, mais assez accessoire. Nettement plus juvénile, si In Person, ne vous fait pas penser au Foo Fighters, c’est à n’y rien comprendre. Et comme un morceau des Foo Fighters, c’est sympatoche, mais ça ne va pas beaucoup plus loin. Morphing, est une démonstration d’éclectisme comme Hamilton les aime. Sans doute inspiré par ces expérimentations symphoniques passées, il se risque dans l’atonal à la Sigur Ros. C’est gratuit, n’amène rien, casse la dynamique de l’album. Aucun intérêt.

White City est une chorus song lancinante et sans conséquence, qui n’a guère que le mérite de remettre les instruments en chauffe. Suit la reprise carrément dispensable de And Your Bird Can Sing, des Beatles. Assez moche et qui nous conforte dans l’idée qu’Helmet n’est, décidemment, pas un groupe à covers.

Miserable fait un instant refrémir le vieux fan, avec son riff hâché et le solo lyrique et désespéré qui renvoie, quelque part, à la détresse écorchée vive de celui de Role Model sur l’obligatoire Meantime.

She’s Lost, enfin, est une incursion stoner dans l’univers du groupe. Morceau en vagues de mélancolie, assez jolie conclusion pour un album en demi-teinte, bien meilleur que le tartignole Monochrome, mais qui n’ajoute rien de vraiment consistant à l’aventure Helmet. Hamilton, s’il évite la relégation, ne se maintient en première division que par l’indulgence du jury. On tourne en rond à l’écoute, et difficile de se départir de l’idée que le groupe n’en fait pas autant, enfermé dans sa logique d’autoproduction. On se dit qu’un œil – et surtout une oreille – extérieur serait un moyen pour Helmet d’échapper à lui-même et de reprendre la route de la créativité et de l’inventivité.

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