Vite, Vivre !

Et si c'était le jour parfait pour Brigitte Giraud, prix Goncourt pour Vivre vite, enquête intime et instantané d'une ville et d'une époque.

Le chiffre 13 a porté bonheur à Brigitte Giraud ou peut être le mektoub. Après de formidables livres comme Un loup pour l’homme ou Jour de courage, Vivre vite démonte la mécanique du destin pour tenter de comprendre l’incompréhensible et revenir à la vie. Ce livre est un formidable livre d’amour, pour l’être perdu, pour Rillieux-la-Pape, pour Lyon et pour la musique. « Les mots conjurent le sort et l’intime n’a de sens que s’il est relié au collectif aux autres » précise Brigitte Giraud sur le seuil du restaurant Drouant.

« J’ai écouté Dirge en boucle pendant des mois, parce que mon dévolu (et peut-être davantage) s’est porté sur ce morceau. Et sur ce groupe britannique fondé par Richard Fearless. Je connais chaque seconde de ce chant lancinant qui commence avec des guitares et une voix féminine, puis absorbe doucement la rythmique, se déploie avec l’entrée d’un synthé distordu, monte d’un cran quand une guitare un peu sale fait son apparition, soutenue par une batterie qui passe presque au premier plan. J’ai éprouvé chacune des nappes qui viennent augmenter, intensifier, donner corps à ces quelques notes répétitives (fa, mi, ré, fa, do, ré) qui revêtent une intensité impossible à interrompre. Je mets quiconque au défi de shunter Dirge avant la fin, c’est ce que je me suis toujours dit, ce serait comme suspendre une montée sexuelle, rallumer la lumière au moment du plaisir qui vient. On est partie prenante de la saturation, du tremblé, les notes sont tenues, retenues, grimpent par paliers, emmènent de plus en plus loin, en toute quiétude addictive, le flot se veut psychédélique et punk à la fois, dans l’épaisseur d’une ouate où l’on s’immerge avec l’espoir de ne pas en sortir. C’est si bon.

Et c’est bien le problème.
Vas-y ! Coupe le son ! Ne te laisse pas séduire.
Prends tes affaires et tire-toi.

Je me demande ce que Claude en aurait écrit, s’il avait dû en rendre compte pour le journal, comment aurait-il saisi ce morceau de 5’44, sans autres paroles que la la la, la la la. Il avouait fréquemment qu’il était impossible d’écrire sur la musique, il n’en revenait pas de lire les papiers tellement inspirés de Greil Marcus ou de Lester Bangs, ces légendes de la critique anglo-saxonnes qui ont su donner au rock leurs lettres de noblesse. Admettons que je viens de tenter ces quelques lignes pour le surprendre, une dernière fois. J’aimerais que ça le fasse au moins sourire. Ce sérieux laborieux que j’y mets, et cette conviction démonstrative. »

Extrait de Vivre vite de Brigitte Giraud, page 153 et 154 paru chez Flammarion.

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...

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