Noir c’est noir. Michel Pastoureau dans Noir, histoire d’une couleur évoque les siècles (avant le 17ème) où le noir était considéré comme une « non-couleur » avec le blanc. Et ce sont les artistes qui au début du 20ème siècle ont peu à peu redonné au noir et blanc leur statut de couleurs authentiques. On pense aussi aux photographies d’un Marc Riboud ou d’un Elliott Erwitt tous deux exposés en majesté à Lyon. Bien sûr on est tout aussi fasciné par l’outrenoir de Soulages. Ces multiples noirs invitent aux voyages intérieurs et immobiles et la musique entêtante de Jean-Sébastien Nouveau invite elle à la pérégrination, l’errance, la divagation. On est happés par ces sonorités répétitives qui deviennent une drogue dure dès la première écoute. Point de contemplation ou de méditation ici. On est capturés et captivés par cette musique changeante à chaque nouvelle écoute où les variations même infimes ou les quasi silences ouvrent de nouvelles portes de notre inconscient. Vous ne trouverez pas de mélodies mais des boucles qui enlacent sans nous laisser ténébreux, veuf ou inconsolé. Jean-Sébastien Nouveau indique sur son site les influences graphiques et littéraires de ce disque, on lui a alors demandé une playlist commentée de morceaux importants pour lui, à écouter après ou avant le formidable Soleils Noirs.
Les Marquises sera en concert le mercredi 22 novembre à Besançon (Bains Douches Battant) et le vendredi 15 décembre à Lyon pour la release party (Périscope)
La playlist des Marquises
Papivores est le fruit d’une collaboration fructueuse entre Agathe Max et Tom Relleen. Leur seul et unique album « Death And Spring » est sorti sur l’excellent label Hands In The Dark. Je connais Agathe depuis qu’elle a joué sur notre album « A Night Full Collapses » sorti en 2017. Depuis nous sommes restés en contact car nous nous entendons très bien, et parce que j’aime beaucoup son travail au sein de ses nombreux projets. Quand « Soleils Noirs » - que j’ai élaboré seul, commençait à prendre forme, j’ai ressenti le désir que quelqu’un d’autre apporte une autre couleur, une distorsion à mon son. J’ai alors pensé à Agathe, et j’ai été très enthousiasmé qu’elle accepte de collaborer à ce disque. Sa touche y est essentielle.
J’adore spécifiquement ce titre de Midget ! J’y sens l’éclosion au ralenti d’un monde. Une lumière peu à peu apparaît. C’est languissant, mystérieux. J’avais un peu envie de créer la même sensation avec mon titre « L’Etreinte de l’Aurore ». Je me suis rappelé de scènes de brouillard dans la montagne avec la lumière qui peu à peu le perce, d’un trajet en train au Laos au petit matin où le soleil apparaissait derrière l’horizon.
Ce titre est admirable pour moi de par sa construction, et pour sa réussite d’avoir mêlé la voix avec une musique très ambient. Ce mélange n’est pas si évident, mais là c’est une belle réussite. La voix de Eno s’intègre parfaitement à la musique, tout en la dominant et en lui donnant un autre sens. On est à un point idéal entre la « pop » et l’ambient. En faisant un album ambient – pour aller vite – il y a toujours un grand risque pour moi de sombrer dans l’abstraction totale, la complaisance, en larguant l’auditeur dans un néant abscons. Pour ma part, j’ai toujours le souci que l’auditeur ne « s’ennuie pas », qu’on lui donne un fil, un ancrage minimum pour qu’il fasse le voyage qu’on lui propose. Pour moi il faut toujours garder quelque chose – même de succin – de la « pop ». Un certain souci d’efficacité pour continuer de capter l’auditeur tout le long du voyage.
J’aime beaucoup Läuten der Seele et je me sens proche de l’approche de Christian Schoppik et de ses sonorités. Comme lui je pratique le sampling, et pour « Soleils Noirs » ça a été la base de mon travail. J’ai samplé plein de bouts de sons de documentaires obscurs que j’ai ensuite retravaillés, triturés. Ca a été la matière première pour poser des ambiances, des couleurs, avant d’attaquer une construction dans le temps. Ce premier album éponyme est sorti aussi sur le label Hands In The Dark. J’ai contacté Morgan Cuinet – un des deux membres fondateurs du label – qui réalise de superbes photomontages pour réaliser la pochette de « Soleils Noirs ». Il est l’auteur de nombreux art works de son label.
Ce morceau est un modèle pour moi, et je crois m’en être largement inspiré dans l’élaboration de « Soleils Noirs ». Je pense l’avoir découvert grâce à Matt Elliott. Il est construit à partir d’un sample de musique classique, auquel vient s’agréger d’autres sons, dont la voix - je crois me rappeler - d’une chanteuse vietnamienne que Holger Czukay a enregistrée sur place. C’est un beau croisement de cultures, et un bel exemple de longue dérive.
J’aime beaucoup la voix de Genesis P-Orridge et comme il la pose sur ce titre. C’est très simple, très délicat, sans effort. Juste et vrai. Pour le titre « single » « L’Ailleurs » j’utilise un peu cette intention. J’essaie juste de déposer ma voix dans le creux de la musique. Elle vient guider, donner des pistes, mais s’efface sans gêner. Elle est juste là pour dire quelques mots et s’évapore pour laisser place à la musique.
Les Marquises - Soleils Noirs
- L'Etreinte de l'Aurore
- Le Sommeil du Berger