Cascadeur, mélancolie délicate sous un visage masqué

Tout dans Cascadeur interpelle, avant même la première écoute. De ce nom étrange jusqu'à la pochette de l'EP qu'il a sorti il y a trois mois à peine chez Mercury, aux ambiances onirique et enfumées. Drôle d'oiseau timide que ce pianiste à la voix fragile et féminine, drôle de personnage qui a choisi de rester éternellement caché sous un masque de catch, ou un casque de moto.


L’homme ne sort pas de nulle part. Entr’aperçu sur différentes scènes de festival, entre autres les Francofolies en 2010 et le festival des Inrocks, Alexandre Longo avait déjà autoproduit plus de trois albums avant de finalement signer chez une Major, un très beau coup lorsque l’on considère sa musique, pas vraiment la définition d’une machine à tube.

Cascadeur – Meaning (Francofolies 2010, HibOO d’Scene)

Et pourtant, à la seconde où le son commence à arriver dans mon casque, je stoppe ma réflexion. Une respiration, lourde, et puis des bruits de pas léger. Lorsque l’instrumentalisation commence, j’oublie mon jeu des références. Il est clair qu’avec une telle puissance discrète, ce bonhomme n’a besoin qu’on le rattache à personne. Lorsque enfin la voix surgit, c’est une complainte presque féminine, timide, comme prononcée à l’oreille, et pourtant évidente, presque martiale, avec ses coeurs féminins et ses notes de piano et de xylophones égrenées comme par hasard, perdu au détour d’une machine plus lourde et imposante, d’un fond sonore d’orgue et de guitares électriques, toujours étouffées, apaisées, pour laisser place à la merveilleuse voix du chanteur. Même lorsqu’il utilise l’électronique pour déformer ses paroles, c’est une déchirure feutrée, un hurlement de velours qui bouleverse peut-être, mais toujours en douceur, pour redescendre, enfin, dans le bruit des pas de ce « Walker » qui ne semble jamais finir de marcher.

Discographie

Cascadeur – Walker

Les quatres autres titres de l’EP épousent peut-être une forme plus classique, mais ils n’en perdent pas moins de force, en particulier grâce au timbre si particulier que notre mystérieux catcheur distille tout au long de ses chansons. Bien que le piano reste son arme principale, il faut noter la chanson ByeBye qui avec cinq accords de cordes et de très jolis lyrics, dont ma préférence pour la frenchisation « you said, c’est fini/wake up meant c’est fini… » reste en tête comme une très belle mélodie, empreinte de la même mélancolie tranquille qui caractérise le maxi. Belle idée, aussi, de reprendre sa chanson Meaning en titre bonus, cette fois ci chantée par une chorale. Cette union de voix fantomatiques ne fait qu’imposer un peu plus la cotonneuse étrangeté de Cascadeur, son peignoir de boxe, son masque de catch, son casque de moto, finalement autant d’artifices pour masquer l’identité d’un homme qui n’a besoin que de sa voix pour se définir.

On dit de certains artistes qu’ils ont une patte propre : une mystérieuse manière d’imposer leur signature, cette décharge émotionnelle et mélancolique qui nous traverse et nous possède encore après plusieurs écoute. Cette sensation précise, a défaut d’un visage, on pourra désormais lui attribuer un nom.

1 réponse sur « Cascadeur, mélancolie délicate sous un visage masqué »

Absolument superbe, merci pour la découverte… Très bel article, d’ailleurs, qui m’a beaucoup donné envie d’écouter les morceaux de l’artiste.

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