Agnes Obel
Nous étions passés à côté de la délicate Agnes Obel lors du festival Europavox en 2010. Philarmonics n’était pas sorti, avec sa pochette Hitchockienne, portrait austère de cette blonde venue des frimas scandinaves, au regard marmoréen avec son polo tricoté main par mère grand en compagnie d’un hibou grand duc hypnotique.
Un an plus tard et malgré une presse dithyrambique et un disque de platine en France, la
danoise semble loin de l’image de la petite sirène de Copenhague, loin aussi de la lolita des charts avec son renversant Riverside, c’est une trentenaire façonnée par Berlin où elle réside depuis 5 ans. C’est donc l’une des belles surprises de l’année.
Discographie
Agnes ObelElle débarque à Lyon, sous une chaleur étouffante avec la lumière rasante et dorée de cette fin juin, après un voyage éprouvant de 16 heures en avion depuis l’Irlande avec à la clé la perte de ses bagages. Elle investit la scène de l’Odéon dans une tenue sobre, un jean et une chemise noire prêtée par l’organisation des Nuits de Fourvière. Un long piano à queue, scintillant de sa laque noire trône sur scène, Agnes Obel ne sera accompagnée que de sa complice Anna Müller au violoncelle. « Le piège serait de chercher à étoffer le son, ajouter trop d’instruments et de musiciens. J’aime cette idée que l’on n’a rien à cacher, que tout se voit et s’entend » explique t-elle dans Télérama. Le duo va donc jouer quasi intégralement Philarmonics dans le plus simple appareil, à nu. 1h30 de musique onirique, mélancolique mais jamais plombante, un spleen aérien envoûtant de simplicité. L’auditoire est attentif, on se moque de la moindre toux déchirant l’atmosphère recueillie entre les morceaux. Les doigts d’Agnès courent sur les touches noires et blanches du piano, ruban adhésif de son âme. C’est moins sautillant qu’une Sarah Blasko, moins mortifère qu’une Soap & Skin, moins énervé que la pithie Polly Jean, moins sophistiqué qu’une Joanna Newsom.
Le crépuscule est tombé quand Agnès entame Close Watch, une reprise du corbeau John Cale. Les notes oscillent métronomiquement, battement de coeur musical, horloge vivante et lancinante, on rêve soudainement du mythique rayon vert nous transperçant de part en part.
Agnes Obel – Close Watch
Elle s’amuse de l’excellence de l’acoustique, dédicace chaque morceau, à l’avion récalcitrant, au taxi, à la directrice des Nuits de Fourvière, au public. Agnès radieuse, s’amuse, elle ne joue pas du piano, elle joue avec, inspirée par les Gymnopédies (en grec « fêtes des enfants nus ») de Satie, par la suite bergamasque de Debussy ou encore les airs spontanés à la Bartok. « J’ai toujours été attirée par les mélodies toutes simples, presque enfantines. Que j’entendais comme des chansons. J’ai d’ailleurs mis longtemps avant d’écrire des textes, les airs que j’aime me semblent déjà raconter une histoire, projeter des images » avance t-elle.
Agnes Obel chante les rivières, les forêts, les fleurs, la terre, les collines (Riverside, Wallflower, On Powerder Ground, Over the Hill), austère et lumineuse, elle livre ses récits de l’intime au milieu de 4000 personnes captivées. Agnès et Anna ont l’art de l’épure, presque intimidées pour présenter de nouvelles « melody » que l’on retrouvera peut être sur un futur album. Même les cigales goûtent la douceur du moment, cette simplicité envoûtante. Une standing ovation salue le rappel Smoke and Mirrors, et l’ange échappé des Ailes du désir s’éclipse dans la torpeur de l’été.
L’album Philharmonics, est disponible en Edition Deluxe limitée depuis le 2 Mai.
Avec 6 titres live et 5 versions piano inédites et un édito par Didier Varrod (France Inter).
Je ne mets pas de comm régulièrement (voire même jamais) mais comme le bouton « like » déconne c’est l’occasion !
Ça fait plaiz de lire un article comme ça, aussi bien écrit. On est plongé dans le concert … à lire avec « Close Watch » en fond sonore !
C’est un vrai plaisir de lire un tel article, vivement le prochain :)
Merci, cela fait vraiment plaisir :-)