Zak Laughed
Il est indéniable que Zak Laughed a grandi et pas qu’en taille. Sa musique a pris de l’ampleur même en duo ici avec le couteau suisse Ceddy Gonot (Coming Soon, Red, Miss Mary Mack) à la basse, guitare, orgue Farfisa, batterie et chœurs pour l’ouverture de cette soirée french touch. Les deux larrons nous offrent un set resserré dans un exercice périlleux et culotté avec des titres réarrangés juste pour l’occasion. Fini de rire donc pour Zak qui nous balance un folk garage dans une grange, on pense à Jonathan Richman ou à Lou Barlow, c’est Love in a – dirty – carpet avec les titres âpres de son second disque (chez Kütu Folk Records). D’une voix assurée, il s’amuse gravement avec les personnages de son petit théâtre personnel, enfin libre avec Voiceless declaration, un Sculpture of Birds sur le fil, une Dear Girl vibrante, l’émouvante 18th teen song à l’orgue, un Wolf lunaire, un Funny John pas si drôle, un Lucky random déchirant ou un Traveling Cat inédit à la guitare. Zak remercie enfin l’assistance dont il a longtemps fait partie et ce magnifique festival au milieu des bois et des étangs corréziens.
The Bewitched Hands on the Top of our Heads
Les balances à l’arrache du sextet rémois The Bewitched hands font craindre le pire, voix gouailleuses et anglais à la François Baroin. Pendant que le sosie de Landru roule des yeux exorbités, le bassiste redneck hurle dans son micro et la guitare du blondinet lunetté façon Agnan sans petit Nicolas rugit. Ils commencent par Happy with you comme sur leur second album et c’est déjà une explosion de couleurs chamarrées, une onde communicative de bien être. C’est beaucoup plus électrique et rock sur scène, sans doute moins éclectique et travaillé que sur le disque, il y a beaucoup de reverb’ dans les voix et les titres finissent un peu par se ressembler. Mais le groupe est champion pour transformer de leurs ‘mains’ la scène en sabbat musical avec des hymnes fédérateurs à faire remuer les bras et secouer les guiboles. Ils égrènent des tubes en pagaille, Hard to cry (litanie de l’année ? I’m crying forever), Work, Birds & drums avant de passer en mode Cloco électrocuté en balançant un Cold que ne renierait pas Didier Wampas dans son futur effort solo. On se quitte sur Sahara dream et son entêtant refrain kaléidoscope « don’t you want to says goodbye » qui transforme la grange en maison du bonheur.
Syd Matters
Avec Syd Matters, on passe la vitesse supérieure avec un talent hors norme, une absence totale de pose et une musique absolument amniotique. Le temps se suspend pendant l’interprétation de véritables symphonies de poche à la richesse incroyable. Syd Matters sidère et excelle dans la fabrication d’une pate sonore foisonnante aux couches amples. Le groupe jouera une bonne partie de l’opulent dernier opus Brotherocean où la voix calme, aérienne, stratosphérique de Jonathan Morali apaise et fait des miracles. Mais seul, il n’atteindrait pas le nirvana musical sans ses quatre comparses, frères musiciens en total harmonie qui étoffent chaque titre de chœurs subtils, de claviers chatoyants, de boucles envoûtantes, de flûte ‘debussyienne’ pour au final créer un rock folk progressif cathartique, onirique, impressionniste qui donne à voir autant qu’à écouter. On se sent dans une bulle, des atmosphères sont créées pour chaque titre mais sans artifices de lumière ou autres fanfreluches. L’ensemble est à pleurer de beauté simple, Hi Life donne envie de mordre la vie, River Sister de plonger pour rejoindre l’autre rive, Rest de craquer pour une sieste crapuleuse, I Might Float de faire la planche au milieu des nénuphars de la mare du domaine de Sédières. Un pur moment de douceur, d’apaisement, et de sérénité avec un groupe qui n’infantilise pas son public.
The Dø
The Dø a jeté ses cahiers (Oxford) au feu avec la maitresse au milieu. On les avait quitté en duo énervant et gentiment consensuel avec leur premier album phénomène gloubiboulgaesque ‘A Mouthful’, on les découvre six sur scène avec deux impressionnantes batteries de casseroles de cuisine pour mieux concocter des plats pop sucrés / salés. Dan jongle toujours avec ses claviers et sa basse pendant qu’une Olivia ballerine électrique vocalise à la façon de Bianca Castafiore avec parfois un mégaphone enguirlandé et lumineux. Certains parlent d’expérimentation, de déstructuration de chansons, de recherches sonores sophistiquées mais cela se transforme vite en grosse machinerie théâtralisée sans âme. Il y a sans doute beaucoup de talent, d’idées originales mais le tout gagnerait à être plus simple, moins tapageur, moins tape-à-l’œil comme avec l’intro seule à la guitare d’Olivia sur On my shoulders qui rend enfin grâce à la justesse de sa voix.