Tu vas [écouter le nouveau disque de Mansfield. TYA, NYX.] Détends-toi. Concentre-toi. Écarte de toi toute autre pensée. Laisse le monde qui t’entoure s’estomper dans le vague. La porte, il vaut mieux la fermer ; de l’autre côté, la télévision est toujours allumée. Dis-le tout de suite aux autres : « Non, je ne veux pas regarder la télévision ! » Parle plus fort s’ils ne t’entendent pas : [« J’écoute !] Je ne veux pas être dérangé. » Avec tout ce chahut, ils ne t’ont peut-être pas entendu : dis-le plus fort, crie : « J’écoute le nouvel album de Mansfield. TYA » Ou, si tu préfères, ne dis rien ; espérons qu’ils te laisseront en paix.
Qu’Italo Calvino me pardonne cet emprunt au début de son roman Si par une nuit d’hiver un voyageur, mais il y a des albums qui vous envoûtent : NYX hypnotise et ensorcelle. On voyage dans les ténèbres sans bouger de chez soi, on franchit la Loire comme on traverse le Styx, Charon vous prend par l’oreille pour vous guider dans les méandres d’un disque en quatre parties, bande son d’un rêve ou d’un cauchemar. On pense pèle mêle au révérend Harry Powel et son love & hate, à Rosemary sans son bébé, à Lynch, à Lautréamont, à François Villon forniquant avec Gilles de Rais et Nosferatu tenant la chandelle. Bref un disque qui ne laisse pas indifférent. Hargneux, baroque, expérimental, on n’est pas loin des madrigaux du moyen âge, les arpèges de violons sont enivrants, les glissando sont inquiétants, l’absence de guitare est salvatrice pour une pop minimaliste et animal, un sabbat musical en quête de lumière dans cette nuit inquiétante et pourtant protectrice. Mais « après minuit commence la griserie des vérités pernicieuses. » disait Cioran alors Mansfield. TYA crée sa propre cosmogonie, inspirée de la mythologie gréco-chrétienne, Cerbère, les Cavaliers, l’Apocalypse. L’album progresse vers la levée du jour et nous laisse pantelant, hagard, de « La notte est terrifiante » à « tous les moyens sont bons, surtout les plus dérisoires » en passant par « peut-on devenir un animal si l’on fixe à ses pieds des fers » ou encore « C’est la mer du Nord mais avec toi tout est lancinant ça devient Rio, tout est lancinant et tout est trop chaud pourtant ce soir il fera zéro ». Encore un formidable disque français, encore un groupe que l’on aimerait voir un peu plus dans les médias de masse pour briser le train train taratatesque des artistes aseptisés. « Je meurs chaque nuit pour ressusciter chaque matin » prétendait Bernanos, à l’écoute de ce disque étincelant de noirceur, on reste confiant sur l’avenir et la diversité musicale en France.
Mansfield.TYA – Animal (by thomR)
Discographie
Mansfield.TYA- Ouverture
- La Notte
- Animal
- Première Partie - Chevelure de Bérénice
- An Island in an Island
- 22h38
- Xoxo
- Nightdrive - Apocalyspe
- Seconde Partie - l'Horloger du Roi
- Logic Coco
- Des Coups
- des Cœurs
- Cavaliers
- Au Loin
- Final
- Cerbère
Une bien jolie chronique.
J’adore ce groupe, il mérite bien une chronique comme celle-ci! :-) La chanson Logic Coco me touche particulièrement, j’aime beaucoup les paroles.