Elvis en concert au Zénith de Paris

Elvis en concert au Zénith de Paris
Ce soir au Zénith, Elvis Presley était en concert. Non, ce n’est pas une blague et non vous ne rêvez pas. Cette année ce sont les 35 ans de la mort du King. Impossible de passer à côté. Elvis In Concert tourne depuis 1997 et s’arrêtait le 29 Mars à Paris. Plus on s’approche du Zénith, plus les bananes et les teddys se multiplient. Tatouages TCB (Taking Care of Business) t-shirt Cadillac... Mais il faut bien le dire, si le merchandising s’étale abondamment et avec plus ou moins de gout, on imaginait une foule plus folklorique. Bon d’accord, c’est moi qui imaginais une foule plus bigarrée. Peut être que la vingtenaire que je suis espérait secrètement une plongé dans les 60’s. Au lieu de ça, force est de constater que la seule chose d’époque c’est le public, qui atteint largement l’âge de la préretraite. Ça et là on voit quelques petits jeunes. Venus avec leurs parents ou grands-parents. Visiblement, peu de fans dans la jeune génération. Ou peu de riches, capable de débourser en moyenne 50€ pour voir le show.

Elvis Presley

La foule entre sagement dans l’enceinte du Zénith. On sent la calme excitation et un début de fébrilité contenue. Les ouvreuses placent et réclament leur pourboire « C’est comme au théâtre, on est payé au pourboire ». Naturellement, des sièges ont été installés dans la fosse. Il ne faut pas espérer danser. « Magnum, programme, M&M’s » Une fois placé, sustenté et le programme pailleté en possession des spectateurs, la lumière se tamise. Les messages légaux nous intiment de ne pas faire de vidéos. Les téléphone déjà en mains, les spectateurs semblent envie d’être hors la loi. L’excitation monte.

Le show est forcément à l’américaine. Sur la musique de 2001 L’Odyssée de l’espace, la silhouette en costume frangé blanc d’Elvis traverse les couloirs qui se veulent être du Zénith, entouré de membres du TCB, la garde rapprochée d’Elvis en teddy rouge.
On va voir Elvis, on ne rêve pas. L’excitation est la même que pour un vrai concert alors même qu’on sait que ce n’est pas possible. L’écran se lève, laisse apparaître les musiciens et un grand écran central entouré de deux écrans plus petits. Et Il apparait enfin. On est à ça de devoir refréner un cri de groupie. La plupart laisse aller leur joie.

Le concept est simple. Sur les écrans se sont des extraits du 68 Comeback Special, des concerts filmés de la MGM et du concert satellite Aloha From Hawaii. Pourquoi ne pas regarder tranquillement un DVD en charentaise dans son salon alors ? Parce que sur scène, les musiciens sont ceux du TCB band des 70’s et les choristes sont d’origine. The Inspirations, quartet vocal masculin, montre l’étendu de sa maestria sur un gospel, en solo, sans la voix du King et on comprend qu’il ne s’entourait que des meilleurs. Mais surtout, il y a les Sweet Inspirations, de vrais divas, qui ont tourné avec ce que la planète compte de plus grand (Hendrix par exemple pour ne citer que lui.). A elles seules, elles justifient l‘intérêt du concert et mériteraient presque une chronique à elles toutes seules. C’est peu dire qu’elles maitrisent et que leurs voix hors du commun provoquent des réactions physiques même aux plus hermétiques de l’assistance. Pour compléter le tout, des formations de cuivres et de cordes et Joe Guercio pour diriger l’ensemble.

Durant la première partie du show, ce sont les chansons les plus rock du King qui sont présentées. Mais les versions choisies ne rendent pas toujours hommage aux chansons. Par exemple, Pour Love Me Tender, Elvis Presley ne chante pas comme il le pourrait puisqu’il fait la tournée des dames pour leur offrir un baiser sur les lèvres. (Les co*******). Le choix des extraits n’est pas toujours très judicieux alors qu’on possède un fond très fournies… Pendant Don’t Cry Daddy et In The Ghetto, sont projetées des photos de Lisa Marie et des parents d’Elvis. Tout est fait pour tirer sur la corde sentimentale. Le résultat est d’un gout douteux. C’est le mythe et le personnage qui est à l’honneur. Et ils prennent un peu le pas sur la musique. Pourquoi n’avoir choisi que des versions des années 70 puisqu’on possède quelques vidéos des premières années, où l’orchestration est forcément moins grandiloquente, mais ont le mérite d’être vraiment rock’n’roll et auraient présenté un vrai panel de l’étendue du talent du King. Mais comme on me le fait judicieusement remarquer, la plupart des fans ont grandis dans les 70’s alors ce sont ces images qui leur rappellent des souvenirs. Ce sont ces orchestrations, ces versions, ces costumes un peu outranciers qu’ils aiment et veulent revoir.

On sait qu’on est face à une vidéo, mais l’illusion fonctionne un temps et plus encore, les morceaux du King et la prestation des musiciens, sont sans failles. Ça fonctionne un temps parce que la mise en scène a ses limites, on sent les ficelles d’un show qui n’est pas d’une authenticité folle (sic ). On aimerait ne pas penser qu’on est là que pour le compte en banque des ayants droit, ça gâche un peu notre plaisir.

L’ambiance est un peu trop sage. Les têtes battent à peine la mesure, les lèvres chantent les paroles qu’elles connaissent par cœur. Il faut dire qu’on est assis et que comme précisé plus haut, le public n’est pas de prime jeunesse. Un fan chevronné dont la pancarte dit qu’il a vu deux fois le King, s’agite sur son siège en plastique, lève les bras et hurle des « Elvis, on t’aime ». La majorité silencieuse a les mains près du visage occupé à tenir appareils photo et Iphone pour immortaliser cet instant déjà figé sur pellicule… ils font tout comme à un vrai concert. Qui peut les blâmer. Là où on peut par contre jeter la première pierre, c’est pour If I Can Dream… Personne ne bouge. Alors qu’on est face à la plus belle chanson d’Elvis et peut être la plus belle chanson tout court. Et comme on a eu de la chance, c’est la version du 68 Comeback Special qui est donné à voir.

https://www.youtube.com/watch?v=j55JBdEHjZY

Et voilà l’entracte. Si je versais dans l’humour noir, je dirai qu’il faut changer les Tena et prendre soin de prostates. Mais ce n’est pas mon genre. Je parlerai plutôt de la bande qui nous intime de passer par les stands de merchandising, où l’on peut, pour la modique somme de 80€, se procurer un superbe teddys version bleu garçon ou rose fille. Les bourses plus modestes se rabattront sur les t-shirts à strass ou les chemises à flamme. Quand on aime Elvis Presley, on doit être condamné à aimer un certain kitsch. Pour l’ambiance musicale de l’attente, ce sera Lisa Marie Presley et sa soupe pop variété. Le talent n’est pas héréditaire, mais ce n’est pas un scoop.

La seconde partie du show met le versant crooner d’Elvis encore un peu plus à l’honneur. Et on comprend pourquoi même pendant la période variété Las Vegas, le King reste le King. D’abord parce que sa voix n’est pas celle de tout le monde. Il fait preuve d’une maitrise et d’une puissance assez folles. Ensuite parce qu’il est le roi de l’interprétation. Il peut dire les choses les plus mièvres, on y croit. Et l’incroyable finit par se produire ! Standing ovation sur Bridge Over Troubled Water. Quelques téméraires se lancent vers la fosse libre de sièges.

Les Sweet Inspirations font le show discrètement, à coup d’œillades et de saluts au public. Elles sont incontestablement les reines de la soirée. Les jambes se dégourdissent, des couples dansent des rocks et des slows… Les fans sont en véritable communion, les morceaux gospel font ressembler le Zénith à une salle de prêche évangéliste. Le King est un demi dieu dans les regards des fans. Voilà, c’est plus comme ça qu’on imaginait le concert. A défaut de foulards du King, le public se bat pour obtenir l’un des 20 médiators que lancera le guitariste ce soir là, relique de la soirée. Sur Can’t Help Falling In Love, les écrans diffusent les paroles, pour que le public les reprennent en cœur. Mais de toute façon, tout le monde connaît la musique, nul besoin d’antisèches. On nous annonce qu’Elvis Presley a quitté le Zénith et c’est la fin. Juste comme ça. Sans rappel, sans précaution sans douceur, sans rien…

La frustration, c’est le maitre mot. D’une fin trop brutale, de morceaux pas toujours à leur avantage, d’un public froid et de n’avoir eu que des vidéos en guise de King. Frustration d’avoir perçu les ficelles d’un show très écrit et à l’exploitation lucrative. Evidemment, il n’y a rien à dire des chansons d’Elvis Presley dont le talent est décuplé dans une salle de la taille du Zénith, relevé en plus de musiciens live. C’est probablement une occasion unique de découvrir ces chansons dans ce cadre.
Et on peut dire à la sortie qu’on a vu Elvis en concert. Même si le subterfuge ne fait pas oublier que ce n’est qu’illusion.

Date : 29 mars 2012

Discophage et habituée des salles parisiennes, Queen Mafalda donne son avis, surtout si on ne le lui demande pas.

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