Reza
Le premier plateau s’ouvre sur le groupe Reza, qu’on avait tout comme Cleo T. déjà vu sur scène, au Scopitone, il y a une paire d’années. Avant toute chose, il faut s’occuper des évidences : Reza Hatami a une voix magnifique. Proche de Leonard Cohen. Lorsque ce monsieur s’attarde dans les basses, son ton de crooner magnifie la moindre des chevauchées folk de son groupe. Leur son, leur look, tous semblent tout droit sortis d’un tableau de la Nouvelle Orléans. Sur scène, le chanteur prend son temps. Probablement un peu trop. La teinte profonde de sa voix est indispensable, et offre une écoute studio parfaite, mais devant un public, on en vient à regretter qu’il n’assume pas plus son rôle de frontman. Les contacts avec le public sont limités, les regards pratiquement inexistants. Leur dernière chanson, l’excellent « Save My Life » offre le swing qu’on avait attendu pendant trop longtemps, mais il serait peut-être temps que Reza se dévergonde un peu. A force de faire dans le classicisme, il nous égare en route, et lorsqu’on peut créer une musique aussi belle, c’est vraiment dommage. Son nouvel album est sorti, il y a une semaine. Il vaut très probablement le coup, et l’on ne manquera tout de même pas d’y jeter une oreille.
Cleo T.
Les musiciens de Cleo T. rentreront quelques instants avant elle. Alors que les lumières montent doucement, ils prennent place à leurs instruments, en silence, souriants, confiants. Il faut dire que malgré les changements qui ont été effectués sur le line-up, (tous les musiciens, à l’exception notable du fantastique violoncelliste, M. Almighty (sic) ont changés) le set se déroulera non seulement sans accroc, mais avec le grain de folie nécessaire au cabaret-rock déluré de la miss Cleo. En bonne chef d’orchestre, la chanteuse dirige, danse entre ses musiciens, s’amuse, lorsqu’ensemble, ils se mettent à siffler, gazouiller, caqueter, on sourit. Lorsque elle trépigne, et lance d’une voix subitement rauque et proche du cabaret sa reprise d’It’s a Men’s World, on s’étonne. Sous le timbre aiguë se cache une véritable force de poitrine. La jeune femme est partie enregistrer son album sous l’égide de John Parish, producteur et ami de PJ Harvey, et on ressent, tout du moins dans la setlist, une certaine influence. Quitte, probablement, à abandonner une certaine ligne mélodique dans l’intention musicale. Les rythmes sont très syncopés, très tribaux, la grosse caisse est extrêmement présente, et au final, on peut en venir à regretter que certains morceaux comme le magnifique « I love me, I love me not » ou « We All », et sa splendide envolée restent bien seuls dans le déluge incessant de percussions cabaret. Malgré le besoin bien naturel d’avoir un concert qui « vit », on restera convaincu d’une chose : les quelques moments ou le timbre de Cleo nous aura fait fermer les yeux et dériver lentement aux grès de ses plaintes lascives auront été les meilleurs moments du concert. Dont acte.
Au final, on retient du concert la formidable et langoureuse présence de Cleo T. et de son violoncelliste, véritable showman et soliste : l’homme vers qui les regards se tournent lorsqu’ils ne sont pas trop occupés à détailler la jeune femme évoluer dans la moindre de ses suaves déambulations. Avec un timbre de voix pareil, on la suivrait jusqu’au bout du divan du monde.
J’aime beaucoup sa version de it’s a man’s world.
Pour I love me, i love me not j’ai une lubie personnelle qui préfère la voir assise au piano pour ce titre.
A propos du changement de line up la guitare électrique du frangin fut une belle surprise ce soir là. Encore timide mais ça rappelle un son déjà entendu au Divan.