L’envolée de Swann

Son album, Neverending sort en mars 2013 et comme SK aime les artistes en devenir, on a eu envie d'aller du côté de chez Swann qui vient juste de faire la première partie de Barbara Carlotti à la Cigale.

Swann

Swann est une jeune parisienne de 23 ans qui risque de faire beaucoup parler d’elle une fois le sapin de noël remisé à la cave. Chloé Lenique alias Swann a collaboré pour son premier album avec une équipe de choc, le guitariste Mocke Depret (Holden), le contrebassiste Bradney Scott (Jacques Higelin, Alain Bashung), l’ogre Rob Ellis à la réalisation, le tout enregistré dans un charmant cottage anglais, les studios Bryn Derwen à une heure trente du Liverpool John Lennon Airport au Pays de Galles. Une voix profonde, un anglais pas frenchy, des textes sombres et lumineux.

Peux-tu nous dire d’où tu viens, ton parcours, car à 23 ans, une voix pareille, de la maturité, un disque solide, comment fait-on pour en arriver déjà là ?

Discographie

Je suis née et j’ai grandi à Paris ; la musique fait entièrement partie de ma vie, puisque j’ai commencé la guitare classique à l’âge de 8 ans, après avoir acquis quelques bases de solfège et de piano. Je viens d’une famille qui accordait beaucoup d’importance à la musique, et c’est dans cet environnement que j’ai grandi. J’aimais bien l’école. Puis j’ai fait des études littéraires, qui m’ont particulièrement marquée, et qui m’inspirent encore parfois. J’ai toujours continué à jouer, à écrire, pendant ma scolarité, car j’avais besoin de cela, un besoin vital. J’ai eu (et j’ai toujours) une vie assez normale, rien de spectaculaire à raconter ! J’ai eu une enfance très heureuse, mais j’ai toujours eu l’impression de vivre les choses avec beaucoup d’intensité.

Tu sembles connaitre assez bien l’histoire de la musique, ce qui se fait rare, comment l’as-tu acquise ?

Je l’ai acquise tout d’abord grâce à mes parents, qui écoutaient autant les Rolling Stones que Leonard Cohen, ou encore Bowie… et beaucoup d’autres. Ils m’ont toujours appris à respecter les artistes. Jamais je n’ai été forcée à écouter tel ou tel type de musique, j’ai évolué à mon rythme, en passant bien sûr par des phases plus ou moins glorieuses ! Ma formation de guitare classique m’a également fait aimer la musique classique, que j’adore toujours autant. Ensuite, c’est la curiosité qui m’a poussée à en apprendre davantage. Et je continue toujours à découvrir des choses grâce aux rencontres que je fais. Par exemple, mon frère est fou de jazz et de blues, et c’est toujours un plaisir d’échanger avec lui. J’adore parler de musique, vivre avec la musique écouter de nouvelles choses… C’est une vraie passion pour moi. Et c’est également une façon d’évoluer dans son propre travail, bien sûr.

Contrairement à pas mal d’artiste français qui chantent en anglais, you’re english is very fluently ;-) une explication ?

Ah, l’anglais… c’est comme la musique, pour moi, c’est une passion. Depuis que j’ai commencé à l’apprendre, je ne m’en suis jamais séparée. La première chanson que j’ai écrite était en anglais – un anglais très moyen, mais en anglais ! La musicalité, la référence aux artistes que j’aime particulièrement, à des courants musicaux qui me parlent… C’est donc une évidence pour moi. Et comme je suis exigeante avec moi-même, j’ai voulu que mon anglais soit encore meilleur. Je suis donc partie vivre à Londres quelques temps. Et je travaille avec deux anglais (Stephen Munson, guitariste et manager, et Brad Scott, contrebassiste), ce qui me plaît beaucoup. C’est naturel pour moi aujourd’hui ; j’aime beaucoup le fait de travailler avec des anglophones, car au-delà de la langue, cela permet d’échanger véritablement et de mêler différentes cultures.

Swann par Victor Picon
Swann par Victor Picon

L’album est sombre et lumineux à la fois, beaucoup de références « religieuses », God is dead, Angel, A prayer… es-tu croyante ?

Je ne pense pas être croyante à proprement parler. Je n’ai pas reçu d’éducation religieuse et je suis une enfant de l’école laïque. Mais je crois à la spiritualité, au paranormal, et à toutes ces choses qui vous fascinent et vous effraient à la fois. Effectivement c’est un thème récurrent dans l’album, car, comme beaucoup, croire à ces forces spirituelles me rassure et me fait croire à la rédemption finale. De la même façon, je suis convaincue que l’Amour permet de mieux vivre ensemble ; mais je crois aussi aux bienfaits de ce que d’autres appelleraient « péchés », ce qui me diffère d’une personne croyante ; je sais que le dieu auquel je fais référence se fiche que je chante « God is Dead ». Si Dieu existe, qui sait, il doit être bien au-dessus de tous ces vulgaires jugements humains. En cela, je me sens athée, car je ne me sens pas proche de la conception de Dieu que nos sociétés ont construite et imaginée. Si je fais référence à la spiritualité dans mes chansons, c’est parce que je crois à la petitesse de l’humain et de sa connaissance par rapport à l’univers.

Quelques mots sur l’impressionnant Rob Ellis qui a magnifié tant de filles dans la musique ?

Je connaissais le travail de Rob Ellis avant qu’on ne le contacte pour lui proposer de travailler avec nous. C’est un musicien que je respectais et que j’admirais déjà beaucoup, pour ses collaborations avec PJ Harvey, Anna Calvi et Marianne Faithfull particulièrement ; mais aussi pour son intérêt pour la musique classique. C’est d’ailleurs cela qui m’a particulièrement intriguée et attirée. Ces aspects, beaucoup peuvent également en parler. Aujourd’hui, à titre lus personnel, je peux également affirmer que Rob Ellis est une personne réellement « à part » dans le monde de la musique ; il se met au service de la musique avec une modestie déconcertante. C’est cette attitude qui m’a particulièrement frappée. Il a su me parler, me « rediriger » lorsque j’en avais besoin. Et il nous conduisait souvent dans les montagnes, près du studio (au Pays de Galles) pour respirer, le matin, avant de commencer la journée. Cette bienveillance, je ne l’oublierai jamais.

Idem avec Bill Ryder Jones de The Coral ?

C’est un cas de figure différent, car Bill a chanté sur deux chansons de l’album. Mais il est vrai qu’on a pas mal parlé de l’album avant et après l’avoir enregistré. J’aimais The Coral depuis longtemps, et j’ai découvert le travail solo de Bill en 2010, peu de temps après son départ du groupe. C’est mon amie photographe Sophie Jarry nous a mis en contact. Je lui ai proposé, à tout hasard, de faire partie du projet, et il a accepté. C’est un immense honneur pour moi. Son album « IF… » est un véritable chef d’œuvre à mes yeux. J’aime sa modestie vis-à-vis de la musique ; j’étais heureuse qu’il accepte, en tant que guitariste, de chanter sur « Love You Tonight » et sur « Poem #1 » ; je savais au fond de moi que sa voix « ouvrirait » ces chansons, et qu’elle apporterait une dimension supplémentaire à ces chansons. Son prochain album sortira bientôt (chez Domino), et je peux d’ores et déjà vous dire qu’il va être très beau et très différent du précédent !

Bill Ryder-Jones par SophieJarry
Bill Ryder-Jones par SophieJarry

Tu sembles assez réservée, comment te transformes-tu sur scène ?

C’est grâce à l’alcool ! Un verre de vin blanc, comme un Chablis ou un Pouilly, ou un verre de Rosé. Ou un bon crémant de Bourgogne brut, à défaut d’une petite coupe de champagne. Après, c’est aussi parce que je me sens légitime et utile sur scène.

Quel serait l’artiste rêvé(e) pour faire sa première partie ? ou inversement, un artiste pour faire la tienne ?

Je ne donnerai pas de réponse car ça va me porter la poisse ! Dans les deux cas, ce seraient des artistes que j’aime, mais qui pourraient être très différents de moi. La différence, c’est ce qui m’intéresse.

Les filles ont la baraka ces derniers temps, notamment en France et dans le folk rock, Lou Doillon, Mensch, Le Prince miiaou, Savages, Pamela Hute, Mansfield. TYA, Fiodor Dream Dog… ? les écoutes-tu ? une explication ?

Oui j’ai vu que beaucoup de filles sortaient en ce moment. Je trouve ça normal… enfin ! C’est un milieu assez masculin, et parfois même sexiste. Je ne suis pas une grande féministe, mais je suis contente de voir que les choses évoluent un peu. Travailler dans un métier d’homme n’est pas évident, mais les codes ont bougé ces derniers temps. J’ai beaucoup aimé la chanson « ICU » de Lou Doillon. Les femmes que j’aime sont des femmes de caractère ; comme Cat Power, PJ Harvey, Holly Golightly, Anna Calvi, Amy Winehouse, pour ne citer qu’elles … Et j’ai récemment découvert une artiste canadienne incroyable, Cold Specks.

Swann par Sophy Jarry
Swann par Sophy Jarry

Quels sont les 5 titres sur ta platine (vinyl ? CD ? MP3 ?) en ce moment avec une petite explication ?

J’écoute de la musique sur vinyl, CD, et mp3. La meilleure qualité est sur vinyl pour moi, j’y suis très sensible ; le son est tellement ample et profond, c’est un univers dans lequel on s’engouffre. Mais puisque j’écoute de la musique partout, j’utilise aussi des versions mp3. Ma playlist change très régulièrement, mais en ce moment, c’est à peu près ça :
– « All The Things You Are », par Phineas Newborn : C’est mon frère qui m’a fait découvrir cette version. On se laisse perdre entre musique classique et jazz, porté par un piano qui ne suit aucun métronome. C’est une version magique et très surprenante, presque dérangeante, tout ce que je recherche dans la musique.

Phineas Newborn JR. – All The Things You Are

– « Velvet Goldmine », de David Bowie : j’aime beaucoup cet artiste, et j’aime à peu près tous ses albums jusqu’à « Heroes ». En ce moment, j’écoute beaucoup « Velvet Goldmine », qui est sur « The Rise And Fall Of Ziggy Stardust » ; mais… parmi beaucoup d’autres !

David Bowie – Velvet Goldmine

– « Winter Solstice », de Cold Specks : cette fille a une voix absolument incroyable, elle envoûte. Je l’ai vue en concert au Point Ephémère en octobre, car Rob Ellis jouait avec elle. Je ne peux pas en dire davantage, il faut juste écouter…

Cold Specks – Winter Solstice (Hoxton Hall Session)

– « Beautiful Ones », de Suede : c’est Stephen Munson qui m’a fait découvrir ce groupe anglais des années 90’ que je ne connaissais que de nom. Quel sens de la mélodie ! Je pense faire une reprise de ce morceau bientôt.

Suede – Beautiful Ones

– « Yesterday Once More », de The Carpenters : un classique, simplement…

The Carpenters – Yesterday Once More

Quelle est ta pratique du net ? Suis-tu des blog musicaux par exemple ? Regardes-tu des clips, des sessions acoustiques ? Quel rôle Noomiz a joué dans tes débuts ?

J’utilise internet au quotidien, notamment pour découvrir de nouvelles choses ; je regarde donc des sessions acoustiques sur le site du Cargo par exemple, et des vidéos de concerts ou des clips sur YouTube souvent. Noomiz m’a permis de faire découvrir ma musique à des professionnels ; c’est d’ailleurs grâce à eux que j’ai rencontré mon label actuel, Atmosphériques. Ils proposent des choses concrètes à leurs utilisateurs : des concerts (la NIP, chaque mois à L’International), des rendez-vous avec des directeurs artistiques, etc. Je leur dois beaucoup et je les porte vraiment dans mon cœur.

Je suis de Lyon et ici en ce moment il y a le festival Lumière dédié aux films du patrimoine du cinéma, un film de chevet ?

Je m’y connais davantage en musique qu’en cinéma, pour des raisons un peu personnelles. Mais par exemple j’ai toujours adoré le film « Broken Flowers » de Jim Jarmusch – la B.O. est exceptionnelle en plus. J’aime aussi « Down By Law », du même réalisateur. Et… j’adore les films qui parlent de musique, comme « D.I.G. » par exemple, sur les Dandy Warhols et le Brian Jonestown Massacre.

Il y a aussi une nuit musique et cinéma avec 4 films ce vendredi soir, tu serais plus American Graffiti, A hard Day’s Night, This is Spinal Tap ou Walk The Line et pourquoi ?

Je suis autant « A Hard Day’s Night » que « This is Spinal Tap » que « Walk The Line » ! J’adore ces trois films. Mais je décerne une mention spéciale à « Spinal Tap » qui m’a fait mourir de rire… voilà, j’aimerais faire la première partie de The Spinal Tap !!

Pour le titre de l’album Neverending ? une référence cinéma de jeunesse ?

Absolument pas, non ! Tout comme Swann n’a rien à avoir avec Brian De Palma… ! « Neverending », c’était une façon de faire un pied de nez à ma peur obsessionnelle de la fin : la fin de la vie, la fin d’un moment heureux, la fin de l’amour, la Fin. Un appel à la spiritualité. Car l’acte de créer est lui-même un acte d’espoir et d’optimisme, puisqu’on accouche de quelque chose de nouveau.

On ne sait pas si Swann s’est levée de bonne heure mais son histoire risque de se poursuivre dans le paysage musical et on l’espère sans fin dès que vous aurez entendu son album, Neverending à paraître en Janvier 2013.

Swann par Sophy Jarry
Swann par Sophy Jarry

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...

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