On comprend mieux alors ce qui peut séduire Têtes Raides à mettre en musique Le Condamné à mort de Jean Genet, On ne quitte pas son ami de Robert Desnos, Je voudrais pas crever de Boris Vian ou encore Rimbaud, Apollinaire, Antonin Artaud, Stig Dagerman et son Notre besoin de consolation est impossible à rassasier ou enfin le génialement cinoque Isidore Ducasse, comte de Lautréamont et ses Chants de Maldoror.
Dans le cadre du Printemps des Poètes 2013 sur le thème de la Voix des poèmes, Christian Olivier s’exclame dans un poème inédit, « Il n’y a pas de poésie pour la poésie, il y a le sang, il y a le vent, il y a la terre, il y a la mer […] on est un corps dans le mot, on est des mots de corps et je ricoche à l’infini… » Il sera le président du jury du 5e concours Andrée Chedid où chacun est invité à composer une chanson à partir d’un poème de Jacques Lacarrière.
Discographie
Têtes RaidesRevenir au texte donc, au suc des mots. C’est ce que propose donc au théâtre des Bouffes du Nord du 6 au 15 décembre le groupe Têtes Raides dans ce spectacle inédit, Corps de mots que l’on espère voir en tournée.
Têtes Raides – Corps de Mots
Corps de mots
On est un corps
avec des mots
dire le texte
c’est dire la mort
qui nous unit
les mots c’est pas nous
c’est des secousses
que l’on pousse
flamme de nos vies
les cordes vocables
vibration
résonance
miroir d’un écho
alors manger
et recracher
et rejaillir
il n’y a pas de poésie
pour la poésie
il y a le sang
il y a le vent
il y a la terre
il y a la mer
dire dire toujours
le temps qui s’écartèle
noyé dans les espaces
et les secondes qui nous fracassent
l’être est humain
dire demain
on est un corps dans le mot
on est des mots de corps
et je ricoche à l’infini
les corps de mots
les corps de cris
à travers les lumières
et les ombres mouvantes
j’aperçois un extrait
une esquisse un reflet
arrivé à l’autre bout
rien et tout
courroie de transmission
quel est ton nom
je suis un corps de mots
une mélodie de chair
qui éclate dans les airs
dire encore
c’est elle qui m’a pris
les mots qui nous transpercent
et les rires aux éclats
à coups de décibels
qui déchirent la nuit
et quand tout finira
j\’en recommencera
t’as qu’à voir nos trombines
quand tu nous fais la rime
on ne peut que t’offrir
le dessous d’un sourire
quand j’ai mal à Rimbaud
je repense à Michaux
on est des bouts de terre
on nait dans le ruisseau
j’ai le ventre tout gros
alors chante
s’écrie l’oiseau
j’ai tout mis par terre
la ferraille et le verre
enfin je suis nu
comme un vers
alors le silence
alors l’inspiration
un temps
alors le ventre
alors la pression
un temps
alors le souffle
alors la colonne
deux temps
alors la langue
alors la bouche
un demi-temps
alors tu meurs
alors tu vis
plus le temps
alors
les petits bouts de mots
les étoiles de bruit
chuchote moi toi aussi
ce bout de mélodie
on ramasse les miettes
pour remplir nos assiettes
je te bois
et ma gorge sèche
se remplit de toi
les corps de mots
c’est des corbeaux
perméable toi
au plus profond de toi
alors juste un baiser
un regard déplacé
ça fait des milliards d’années
des fois que j’en aurais rêvé
je rebondis à l’infini
les corps de mots
les corps de vie
une rafale de mots
m’a laissé sur le carreau
on est un corps avec des mots
on est des corps de mots
Christian Olivier – Editions Printemps des poètes 2013