La fin d’après midi était consacrée aux shows case acoustiques de deux groupes locaux, les calamiteux the Kim avec leur hip hop aux paroles nunuches et aux mélodies d’ascenseur et mais surtout aux très prometteurs The Glums et leur pop sixties entre Beatles et Kinks aux harmonies vocales entêtantes. Un groupe soutenu par la Coopérative de mai et à suivre indéniablement tant leur talent et leur humilité transpirent dans leur chansons…
Le soleil déclinait quand survint l’une des claques du festival, ou plutôt un aller et retour : l’auvergnat Garciaphone et l’autrichienne Soap & Skin. Olivier, l’unique membre de Garciaphone subjugue par ses compositions simplissimes et lumineuses, une voix à tomber à la renverse et déjà des tubes comme l’aérien Tornadoes. Il se dit influencé par Bright Lights, Midlake ou encore Nick Drake, et semble lui aussi être né avec Elliot Smith qui a tant bouleversé la scène clermontoise lors de son passage ici. Garciaphone émeut par ses chansons sur le fil de l’émotion, par sa constitution chétive, sa modestie, voir sa timidité, tellement surpris que le public le rappelle alors qu’il ne l’a pas prévu et qu’il n’a plus de chansons. A la fin du set, le public était bouche bée, paralysé comme commotionné par tant de talent, chacun se regardant les yeux brillants et humides, sachant qu’il avait vécu un moment intense et unique, les premiers pas d’un futur grand artiste, l’aube se levant sur la chaine des volcans…
Après la lumière, la pénombre du Club de la Coopérative de Mai, avec un bout de femme qui vous glace de prime abord pour mieux séduire. Le savon sur la peau devrait être doux et c’est plutôt au gant de crin que l’auditeur a droit avec Soap & Skin. Seule au piano, lançant des boucles parfois terrifiantes de son mac, elle vocalise du voix rauque qui contraste avec la jeunesse de son visage. On pense comme figure tutélaire à Polly Jean Harvey pour la niaque, Cat Power pour la morgue, Patti Smith pour la transe extatique. On passe du calme recueilli prostré sur le clavier au maelström vocal où la demoiselle fracasse les touches en psalmodiant. C’est impressionnant, effrayant, bouleversant de la part d’une artiste en devenir qui a déjà son univers entre Baudelaire et Tim Burton avec Nosferatu et M Le Maudit qui se sont penchés sur son berceau. C’est éprouvant mais l’on en sort transfiguré, une expérience digne d’un film de Lynch.
Changement radical d’univers avec le duo Belge de Soy un Caballo qui mêle guitare, basse et marimba. La douceur de leurs comptines pop folk séduit, ils prouvent que l’on peut chanter en français en étant crédible autre chose que du Johnny Halliday, les voix d’Aurélie Muller et Thomas Van Cottom se complètent délicatement et apportent un peu de fraicheur dans la moiteur toride du Magic Mirrors qui a emmagasiné la chaleur de l’après midi.
Retour au pas de course dans la grande salle de la Coopérative de Mai pour écouter religieusement les allemands de Get Well Soon et son leader, Kaiser Konstantin, clone d’un playmobil sous ventoline. On les compare trop souvent à Radiohead ou Arcade Fire alors que leur musique semble moins arty, plus populaire au sens noble du terme. Les morceaux commencent souvent très calmement, s’animent progressivement pour atteindre une sorte d’acmé, de point G irradiant d’émotions en noir et blanc un public enthousiaste. Konstantin écrit seul ses symphonies de poche mais les déploie sur scène avec ses acolytes dont un trompettiste habité et sa violoniste aérienne et choriste de soeur. S’égrainent alors trop rapidement les titres du premier album, Rest now, Weary head! you will get well soon dont les magiques et amples Christmas in adventure parks, ou People magazine front cover. If this hat is missing I have gone hunting met en transe la salle et le directeur du festival lui même qui scande les shoot baby shoot baby du refrain comme un damné. I sold my hands for food so please feed me fut joué en apesanteur, expérience cathartique où l’on ferme les yeux et où l’on oublie tout et un inoubliable Ticktack ! goes my automatic heart qui a pris aux tripes et au coeur, ou un Lost in the mountains (of the heart) où le public sauvait la planète.
Difficile ensuite de passer au groupe hype anglais Bloc Party, la soit disant tête d’affiche du jour. Certes le batteur est impressionnant à laminer ses fûts en cadence mais on a l’impression que le groupe n’est pas là, joue en roue libre. Bien sûr le public de très jeunes groupies affublées du t-shirt du groupe remue mais le coeur n’y est pas. C’est professionnel, carré et en définitive très plat. Les chansons s’égrainent mollement sous un déluge de stroboscope pour masquer l’indigence des titres du dernier album qui n’arrive pas à la cheville de Silent Alarm. La flamme se ranime chaotiquement quand survient Banquet où la voix de Kele Okereke se rapproche nettement de celle du corbeau Robert Smith des Cure. Au final, une déception pour clore cette quatrième journée mais heureusement, de belles pépites nous attendaient le lendemain…