Le théâtre antique de Fourvière était plein comme un oeuf pour le très attendu retour de Portishead en Gaule. Pourtant point de gaule, il y eut, même si bien sûr le concert fût plaisant dans la moiteur générée par les vieilles pierres.
C’est Silence extrait de Third à qui le groupe fera la part belle qui ouvre le set. Et le morceau porte bien son nom, dans la fosse, c’est plutôt une Beth de son, on n’entend pas grand chose de la voix magnétique de la diva du Somerset. On se dit que cela ne va pas durer mais l’on doit encore tendre l’oreille sur Nylon Smile. Les auditeurs se regardent cois mais subjugués par la Beth de scène. Avec Mysterons, le concert décolle malgré tout avec cette voix frissonnante suivi d’un The Rip efficace, enivrant, aux claviers perpétuels et hypnotiques. Mais avec Sour Times, le public rugit montrant que ce morceau n’a rien perdu de sa séduction vénéneuse et amère. Sur Magic Doors, une clameur monte, les gueux debout demandent plus de voix et Wandering Star arrive à point nommé puisque joué en trio, on touche la nue, le temps se suspend avec ce morceau chanté prostré, susurré sous les étoiles, diamant noir de Dummy, dans une version plus lente et plus théâtrale.
Discographie
PortisheadMachine Gun réveille d’une certaine béatitude avec ses déflagrations électroniques, ses sirènes stridulantes qui vous entraînent par le fond avec un déferlement d’images violentes dont Christine Lagarde (!). Le calme relatif revient avec Over où la voix de Beth s’élève en volute sans fumée par dessus les scratchs et une guitare saturée. Quand surgit par surprise Glory Box, une partie du public qui ne connaît que ce titre se désengourdit. Bien sûr les poils se dressent dès les premières notes de cette chanson qui vous broie le cœur, l’âme et l’on voudrait donner tant de raisons à la belle Beth. Chase the Tear chasse le spleen mais pas les larmes, le rythme lancinant met quasi en transe malgré les ratés de Geoff Barrow et Clive Deamer. Cowboys est un autre sommet du set avec ses scratchs rageurs et cette voix stridente scandant « The truth is sold ». Le concert se finit sur le fil avec Thread et sa lente montée psalmodique à la Janis Joplins, ses sirènes de paquebot et sa rythmique martiale. Après une courte pause, le groupe revient pour deux titres pour un concert qui décolle enfin, un somptueux Roads, « Storm… in the morning light » alors que la nuit paisible nous enveloppe, où la voix se fait encore plus fragile flottant sur la pédale wha wha et un We Carry On qui transforme le théâtre en dancefloor.
Portishead
It’s time to move over…
Au final que retirer de cette prestation ? une impression mitigée pour ceux qui ont eu la chance de voir Portishead en 1997 au Transbordeur par exemple ou au théâtre antique de Vienne il y a deux ans. Bien sûr il y a d’excellents morceaux, une pâte sonore très riche, une Beth Gibbons à qui on n’apprend plus à faire la grimace, sept musiciens hors pairs dont le commandeur Geoff Barrow, le guitariste Adrian Utley, le batteur Clive Deamer ou ce claviériste jouant de la clarinette basse et de la flûte basse tout en faisant des photos. Pourtant on ressent une routine, la setlist est la même depuis des lustres, 1h20 sans un mot pour un spectacle qui in fine a vieilli tout comme son dispositif scénique et ses vidéos live en noir et blanc que l’on peut faire chez soi. Apparemment, le son n’était pas mauvais partout, réglé comme souvent pour le milieu des gradins, le carré VIP assoupi. On se dit que même si Portishead fait de la la bonne musique, il serait temps de créer, de proposer de la matière neuve et ne pas basculer définitivement dans ces prestations tiroirs caisses qui écument les festivals et grèvent les budgets. Vraiment, It’s time to move over….
Portishead – Wandering Star – Nuits de Fourvière 2014
Set List
- Silence
- Nylon Smile
- Mysterons
- The Rip
- Sour Times
- Magic Doors
- Wandering Star
- Machine Gun
- Over
- Glory Box
- Chase the Tear
- Cowboys
- Threads
Rappel
- Roads
- We Carry On