Monogrenade : Composite, sortie en apesanteur

Monogrenade : Composite
Cela fait trois ans maintenant, et c’est toujours la même chose. La première fois qu’on a écouté Monogrenade, ça avait sonné comme une évidence. Le son qu’on cherchait, l’alliage parfait de la musique, atmosphérique, magnifique, alliée à une voix et un chant en français, simplement, sans fard, sans ambages, comme beaucoup ici ont cherché à faire, sans jamais vraiment y arriver, ou à de trop rares exceptions.

Monogrenade n’est pas un groupe français. Le collectif vient de Montréal, et c’est peut-être ce qui explique la réussite de leur musique. Ils ont l’espace nécessaire à la folk, et la décomplexions indispensable à l’écriture pop française. Qu’il était beau ce morceau du précédent album, « Ce soir », et ses lyrics cadrées, magnifiques, directes : « Ce soir j’te fais danser, j’t’ai pas oublié, c’est juste que ça me hante, que tu me vois étrange, qu’un jour on se réveille, plus jamais pareil, et qu’on se dévisage ». Comme une promesse dérisoire face à l’oubli des vies et des amours, une prière face au renoncement inéluctable des relations amoureuses. L’album Composite a un peu de tout ça, un peu de cette magie simple qui fait décoller chaque morceau, chaque seconde, qui fait quitter les bureaux, les rues grises, les femmes qu’on aime moins qu’avant, et le temps qui vous colle aux tempes.

Monogrenade

Avec sa lente montée de cordes et son discret battement, on a pris place à bord d’une navette qui décolle vers l’espace, et c’est comme si l’on se retournait pour regarder derrière nous, une dernière fois, comme apaisé, avant Composite, morceau éponyme, voyage à lui tout seul qui démarre en apesanteur et finit au milieu d’un champ d’astéroïdes, avec la grâce inhérente au collectif, qui caractérise et sublime chaque seconde de l’album. Monogrenade sait être progressif. Il sait aussi être pop, avec les rythmiques rapides et entraînantes de « J’attends », tout en y apposant sa patte mélancolique, son talent pour les souvenirs.
Si il y a une nouveauté pour l’album Composite, c’est la direction volontairement électronique amorcée avec Tantale. On entend du Kavinsky dans Metropolis et son roulement phonique, ses inquiétantes descentes de cuivre, comme si subitement les niveaux d’oxygène descendaient, que les voyants tournaient au rouge, que la navette amorçait une lente dérive vers l’oubli.

Discographie

https://www.youtube.com/watch?v=WdPEnoqaIjM

Et puis il y a « Tes yeux ». Le morceau phare. La beauté brute est paisible, la lettre d’amour absolue, la comptine pop sans envergure qui se révèle être le morceau le plus percutant de l’album, avec ses basses funk, son air de ne pas y toucher, son amour tranquille. « Tes yeux, sans âge et sans adresse, je pourrai m’y perdre et m’y perdre des kilomètres encore. » Là, c’est la sortie du cosmonaute, la beauté, la vraie. On l’a écouté tout l’été, et on ne peut s’empêcher de s’émerveiller devant ces deux minutes et trente sept secondes de bonheur.

Finalement, en se refermant sur « Le fantôme », l’album laisse le souvenir gracieux d’une sortie en apesanteur. D’une beauté à couper le souffle, risquée, saisissante. Après quelques minutes d’hyperespace, c’est presque un tango qui vient nous prendre, comme si l’humain revenait, finalement, au centre des préoccupations du quintet montréalais. Sur une merveilleuse ligne de piano,’astronaute ouvre les yeux, absorbe le paysage lunaire, l’infini noir, sublime, troublant. Enfin, ce sont ces violons, les splendides violons de Monogrenade, tour à tour sublimes et inquiétants, qui viennent jeter l’ombre d’un doute sur nos certitudes. Rentrera-t’on un jour à la maison? Pas sur. Allô Houston, nous avons un chef d’oeuvre.

L’album sur le player web tout vert de Spotify. Clique, écoute, apprécie.

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