« J'avais 12 ans la première fois que j'ai marché sur l'eau. L'homme aux habits noirs m'avait appris à le faire, et je ne prétendrai pas avoir pigé ce truc du jour au lendemain. » sont les deux premières phrases de Mr Vertigo de Paul Auster... Un prénom d'une syllabe, Walt/Zak, un roman d'apprentissage où la lévitation est la métaphore de la curiosité culturelle qui fait tant défaut aujourd'hui...

Zak Laughed – The last memories of my old house

« On s’enivre du monde, bonhomme. On s’envivre des mystères du monde » affirme maitre Yehudi à son élève. Pour Zak Laughed, l’homme en noir pourrait être évidemment Johnny Cash mais aussi Mathias Malzieu, Mark Oliver Everett, Leonard Cohen, Nick Drake et bien d’autres encore… et même s’il ne boit encore que des bocks de limonade,  Zak a soif de Rock.

Zak Laughed (- Zach a ri en grand breton, mais tout le monde l’avait saisi), déboule dans le paysage musical avec un premier album The last memories of my old house sur le dynamique label 3ème Bureau qui vient de signer La Maison Tellier. Les internautes curieux ont suivi son petit bonhomme de chemin : d’un EP enregistré dans sa chambre avec une étonnante pochette en liège à sa première grande scène place de Jaude pour la fête de la musique en 2007 adoubé par des Cocoon encore dans leur cocon, en passant par cette désarmante reprise du The end has no end des Strokes qui lui fait remporter le concours du prestigieux label Rough Trade qui n’a jamais signé en 30 ans de frenchy, aux sélections du Printemps de Bourges avec ses copains les Glums à sa participation au vinyle l’Auvergne revisite le Velvet à l’occasion des 40 ans du mythique album à la banane ou encore sa présence en tant que fourmi à la Cigale au festival des Inrocks 2008 juste avant Foals, Friendly Fire, Soko et Seasick Steve ou enfin le festival Europavox avec Seb Martel et Camille, qui lui n’a jamais connu d’annulation de dernière minute…

Discographie

2_zak Laughed (c) Renaud MontfournyPhoto : Renaud Montfourny

Ce préambule pour évacuer la question stérile de la jeunesse, le jeune homme a déjà une solide expérience et une énorme marge de progression. Sauf qu’en France on aime peu la jeunesse ou juste pour l’idôlatrer dans des télé crochet rances pour adulescents, on ne goute guère le talent, on voit toujours du business et de la fabrication là où il n’y a que passion et simplicité. Les anglo-saxons n’ont pas ce problème, a t-on soupçonné Ben Lee à ses débuts avec Noise Addict, Adam green avec sa nounou d’enfer Kimya Dawson ou encore Ben Kweller avec Radish, ou plus proche de nous les excellents toulousains de The Dodoz, voir même les très surestimés Tiny Masters of Today d’être préfabriqués ? On est ici très loin de la baudruche parisienne Naast, Second Sex , Shades voir BB Brunes dégonflée aussi vite que l’homme aux lunettes noires leur avait enflé la tête.

Alors oui Zak est jeune, mais avant tout passionné et avide d’apprendre et d’avancer. Il bénéficie sans doute de conditions favorables, un oncle qui lui offre à Noël un ukulélé et non guitar Hero pour singer Metallica,  un papa photographe chineur fanatique aux 5000 vinyles qui lui a fait rencontrer précocement les conseils précieux de Mathias Malzieu de Dionysos qui l’incite à inaugurer « la manufacture amoureuse des vraies chansons ». Il a aussi la chance de naitre « au dessous du volcan » musical, dans cette Auvergne aux 800 groupes, nouvel Eldorado de la musique dans la récente capitale du « rock » hexagonal, Clermont Ferrand sortie vainqueur cet été de la battle contre Bordeaux au dernier festival Fnac Indétendances. En effet, la région s’est muée en véritable pépinière de groupes, soutenue par la Coopérative de Mai et l’on trouve ici désormais plus de bons musiciens que de fromages ou d’eaux minérales.

De ce formidable vivier émergent des artistes sur la scène nationale comme les locomotives Cocoon, Kaolin ou Kidam, mais aussi les flamboyants membres du label Kütu Folk (The Delano Orchestra, St Augustine, Pastry Case, Leopold Skin), les très efficaces Elderberries, ou encore les très pop Glums ou Wendy Darlings et les très déjantés Bolik ou la Position du Tireur Couché.

Tout le monde se connait, tout le monde se supporte et Zak Laughed baigne dans ce microcosme depuis longtemps, il va aux concerts, soutient les copains. C’est donc tout naturellement qu’il enregistre un premier album, « The last memories of my old House » produit par Big « D » alias Denis Clavaizolle (Murat, Bashung, Cocoon) véritable Vulcain des Avernes qui forge en artisan consciencieux dans son antre de Sophiane Production non pas des traits de foudre mais patiemment de jeunes talents comme Zak Laughed.

hobos_boissauPhoto : Rémi Boissau

A l’écoute de ce premier opus, on est troublé par cette voix d’une candeur infinie mêlée à un style musical d’une troublante maturité. Le Kid d’Obeer city comme il se plait à se nommer étonne avec ses chansons polaroids de «chaque jour» de sa jeune vie d’ado. On est loin des Beaux Gosses désœuvrés de Riad Sattouf ou de la jeunesse bobo dorée de LOL. Pendant que certains passent leur temps à multiplier les statuts stériles sur Facebook ou Twitter, Zak nous balance ses comptines où l’on croise une Emily, un chat fugueur, Joe Blix, des trains volants, des clochards célestes, des coccinelles ou des infirmières thaumaturges. Toutes ces petites historiettes séduisent par leur simplicité, renforcée par des orchestrations subtiles et aériennes.

A Letter for Emily touche par sa folk amoureuse saupoudrée de trombone en sourdine et de tuba rigolards de bastringue, Each day charme par sa mélodie pop accrocheuse et son choeur surf vintage et féminin, Queen or sweet est une ballade déchirante et désenchantée, spleen adolescent, nappée d’un écrin de cordes discrètes, Ballad of celestial railroad nous fait croiser un clone d’Hucklebbery Finn avec un banjo voyageur, Traveling cat est un titre  frais et ingénu que ne renierait pas Mark Oliver Everett, avec ce grain dans la voix et un clavier bien tempéré, Apologies song est une chouette rengaine velvetienne, brute de décoffrage, au son volontairement crade, 2’13 de folk punk avec le ukulélé des débuts en version abrasive, Wrong Clown, sommet de l’album aux arpèges majestueux avec cette voix fluette dénonçant les « stupid lies » de celui qui se sent intelligent mais qui n’est qu’un imbécile omniprésident, (le Fool On The Hill des années 2000 ?), Bad Cough lente valse au piano qui nous fait croiser quelques figures amies, Howard et Billy des Coming Soon ou encore Silly Bird, bucolique et douce, comme si on ouvrait la fenêtre de sa chambre sur la campagne après la sieste, avec les sons, les odeurs, le rayon de soleil salvateur qui vous happent dans une mélancolie joyeuse.

Mathias Malzieu dit de cet album qu’il est « tendre comme la neige d’édredon, on a envie de se blottir dans les mélodies fortes et ludiques à la fois ». La filiation semble évidente entre eux car la principale « mécanique » leurs chansons est leur cœur, et Zak Laughed avec sa pop-folk-punk fragile et maligne est la meilleure réponse d’un petit auvergnat aux clichés récents d’un autre âge.

Zak Laughed – Each Day

Zak Laughed sera en concert avec son groupe, The Hobos Company à la Maroquinerie le 30 septembre.

Lyonnais qui revendique sa mauvaise foi car comme le dit Baudelaire, "Pour être juste, la critique doit être partiale, passionnée, politique...", Davantage Grincheux que Prof si j'étais un des sept nains, j'aime avant tout la sincérité dans n''importe quel genre musical...
1 réponse sur « Giant Zak »

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