De 2007 à 2011, les Coral publièrent leurs deux grands disques (Roots and Echoes et Butterfly House) et commencèrent à regarder chacun de leur coté.
Ce fut Ian Skelly, le batteur, qui dégaina le premier un disque solo. Puis vint le tour de James Skelly, de Bill Ryder-Jones (qui avait quitté le navire en 2008) et de Paul Duffy. Seul Lee Southall n’a à ce jour rien publié.
Et Nick Power dans tout cela ? Qui ça ? Nick Power, vous savez le clavier du groupe. Les Coral sont des types discrets. Nick Power est le plus discret d’entre eux. Caché derrière le groupe lors des concerts et toujours affublé d’une casquette, Power fait rarement parler de lui. Pourtant il n’a pas chômé. En bon camarade, il a donné ponctuellement un coup de main à ses collègues. Et il s’est mis à publier des recueils de poésie. Oui, oui, de la poésie ! Certes la chose peut étonner. Une étude minutieuse des livrets de The Invisible Invasion ou de Butterfly House montre que la grande majorité des chansons du groupe de Hoylake est le fait de la doublette James Skelly/Nick Power.
Green Is the Colour? Skelly & Power.
Who’s Gonna Find Me? Skelly & Power. Tout comme Jacqueline !
En 2014, Power a publié un premier recueil de poèmes intitulé Small Town Chase. Avant de faire la promotion du nouveau disque des Coral (Distance Inbetween) et d’entamer une tournée européenne, Nick Power a répondu à nos questions.
Nick Power
Tu as publié ton premier recueil, Small Town Chase en 2013. Cela a été facile pour toi d’écrire Holy Nowhere après ce premier essai?
Nick Power : Cela n’a pas été trop difficile. Surtout j’aime quand les projet se superposent. Je me souviens avoir écrit quelques poèmes présents sur Holy Nowhere à la fin du cycle Small Town Chase. Ils ne collaient pas à ce dernier mais étaient assez bons pour figurer sur un autre projet.
Cela a été difficile à mi-chemin quand les choses se sont calmées. J’ai fait une pause et mes idées sont redevenues claires. Je pouvais de nouveau les paysages que je voulais décrire.
Butterfly Net
Elle est allongée sur le lit avec ses pieds sur mon ventre, tapotant les cendres dans une tasse de polystyrène. La télévision est allumée, le son coupé et la lumière du soleil pâlit derrière les volets.
Elle change de manière distraite les radios du monde. Elles hurlent à travers les enceintes avec une clarté étonnante:
Une station populaire américaine de country
Un documentaire sur le label Factory.
Ronnie O’Sullivan parlant de religion.
Un orchestre de chambre new-orkais interprétant The Big Sleep.
De la musique serbe du Kolo avec des instruments gitans.
Un violon aigu.
Un Cimbalum
Il semblerait que nous ayons trouvé de l’or ce soir.
Elle navigue entre les stations et nous sommes comme hypnotisés par elles
Je commence à remarquer des sons venant de l’extérieur, la houle de la mer arrive dans les terres, l’électricité lourde des sombres nuages de la tempête
Des oiseaux de nuit dans des hauts nids se réveillent. Je sens ça en moi.
Comme un torrent de vie travers mes os. Qui devait se libérer, dans une violente bourrasque, libérant les émotions
Je ne peux fixer d’action dessus.
J’ai lu que tu avais été inspiré par David Peace, James Ellroy et Malcolm Lowry. Il s’agit uniquement de romanciers. Lowry est certes un poète mais son chef d’œuvre est un roman (Under the Volcano). Comment t’ont-ils influencé? Je crois reconnaitre l’influence de Peace dans l’absence des verbes dans de nombreuses phrases. Je me trompe ?
Nick Power : J’aime bien la direction prise par Peace et Ellroy car certaines séries de leur oeuvre contiennent leur propre monde. Ils ne font pas mention d’un monde, d’une réalité extérieure (Los Angeles pour Ellroy et le Yorkshire pour Peace) mais leur propos semble hors du temps. Tu ne te sens jamais happé par une époque quand tu lis leurs livres. J’aime ça. Lowry est venu plus tard . Son monde est tellement complexe que je n’arrive pas à me rappeler par où j’ai commencé.
Le nom de ton recueil est Holy Nowhere. Mais ta poésie est très géographique. En premier la mer, elle est partout (The Trawl, All I Could Steal, A Message from our War Correspondant sont marqués par la mer. Comment expliques tu cette présence ?
Nick Power : La mer est pratiquement sur le pas de ma porte… C’est le même chemin que l’on voit se dessiner dans Under the Volcano. En face de moi il y a la mer d’Irlande, à ma gauche la rivière Dee et les collines du Pays de Galles et à ma droite les docks de Birkenhead et de Liverpool puis la Mersey.
Ils exigent que tu écrives à propos d’eux.
Dans Joe’s Confession, nous pouvons voir le lien entre les drogues et la religion avec le crucifix de la pharmacie. La solution est devant nous, elle vient du paysage ?
Nick Power : Il y a en effet un message qui existe entre la croix de la pharmacie et la croix du Christ qui représentent la même chose : la croyance dans l’addiction, le salut, etc…
C’est une sorte de porte de sortie pour les âmes perdues.
Mais j’ai simplement décrit le monde autour de moi, ce qui se trouve en face de moi ou ce qui se trouve dans mon imagination. Parfois les deux se confondent.
Ton recueil est le parfait guide de voyage de l’Angleterre du Nord. Mais tu décris la part sombre de ton pays. C’est de la poésie politique ? Quel rôle donnes-tu au poète ?
Nick Power : Je n’ai pas voulu faire quelque chose de politique. Pas du tout. Mais j’ai simplement décrit le monde autour de moi, ce qui se trouve en face de moi ou ce qui se trouve dans mon imagination. Parfois les deux se confondent.
Qui est le Molloy de A Return to Lingham ?
Nick Power: Molloy est un nom que j’ai utilisé. Molloy a rejoint les The Coral récemment et j’ai pensé que c’était un chouette nom de famille. Dans le poème, c’est un entraîneur de boxe qui travaille avec des enfants errants. Ce personnage m’a été vaguement inspiré par quelqu’un que j’ai croisé autrefois.
Quelle est ta définition de la poésie ? J’ai l’impression quelle est assez large et ne se résume pas à seulement des mots. Tu as travaillé avec Low Coney et Kevin Power pour ce nouveau recueil. Peux-tu m’en dire un peu plus au sujet de ces collaborations ?
Nick Power : Je pense que la poésie est un ensemble de mots qui permet de t’élever par rapport à ton état de tous les jours. Pour moi il doit y avoir une sensation de mouvement. La plupart du temps j’entends de la poésie dans les conversations de tous les jours. C’est ce genre de pépites que je recherche.
Low Coney est artiste plasticien et un vieil ami. Nous avions collaboré il y a un petit bout de temps. Il surgit dans certains poèmes. Mon frère Kevin est un bon photographe. Nous aimons tous les deux William Eggleston, Martin Parr et Tom Wood. Je vois des mots quand je vois des bonnes photographies.
Kevin Power – How Things Really Are
Tu as écrit Green Is The Colour avec James. En lisant Holy Nowhere, j’ai mieux compris cette chanson et ce titre. Le vert EST la couleur de ce recueil de poésie. Il y a un lien entre ton travail solo et celui des Coral ? Tu travailles différemment quand tu travailles uniquement pour toi ?
Nick Power : Le vert EST la couleur d’Holy Nowhere. Définitivement. Le néon vert dans le ciel noir.
Oui je travaille différemment quand c’est pour moi car j’ai un contrôle total. Mais ce n’est pas évident car tu dois résoudre tous les problèmes seul. Le travail à plusieurs est plus amusant. Mais j’aime aussi la solitude qui vient avec l’écriture.
The Coral – Green Is The Coral
Dans Advance Showing in the Afterlife, nous pouvons voir ta vision de la mort et ta définition de l’après vie. Es-tu effrayé par la mort ?
Nick Power : Le livre entier tourne autour de la mort vraiment, sans qu’il sonne trop « morbide ». Au départ je voulais l’appeler Under the Underbelly (mais j’ai gardé ce titre pour un des poèmes). J’ai tenté d’aller vers nos cotés les plus sombres que nos cotés les plus honteuses. Toutes ces choses de notre société comme l’addiction, la violence ou la dépravation ont un point commun assez profond comme un désir d’évasion ou comme le rapport de chacun avec la mort.
Quels sont tes poètes préférés ?
Nick Power : Garcia Lorca, Ferlinghetti, Muldoon, Heaney, Ted Hughes, Larkin, Bukowski, Ginsberg, Charles Simic.. Mais je ne peux pas me rappeler de tous.
Molloy, Manchester, Liverpool… La réalité est très présente dans ta poésie. Quel rôle lui confères-tu
Nick Power : Encore une fois, j’aime mélanger la réalité extérieure avec mon for intérieur, de telle sorte que les lieux et les noms familiers peuvent changer entre leur existence réelle et leur existence littéraire.
Il y a une absence totale de ponctuation dans One Way Conversation ou Gut – Wrench. Pourquoi ?
Nick Power : C’est le rythme des choses qui m’intéressent. Si des signes de ponctuation ou si des mots sonnent mal, ça ne me dérangent pas de les enlever.
Dans Interpreting the Photograph, le mot « Pharmacy » se transforme en « Harm ». Tu sembles très pessimiste par rapport à notre monde qui est dominé par les drogues et les religions. Je me trompe ?
Nick Power : Eh bien … un peu, oui. Je pense que c’est juste un des aspects de ma région que j’ai voulu décrire. Il y a d’autres éléments qui entrent en jeu, mais je pense que celui-ci est un angle pertinent. Les sectes sont essentiellement une question de contrôle. La religion et les médicaments utilisent les mêmes types de manipulation, du moins au départ.
Janine Plays Dead a une fin heureuse. Dans ce poème l’espoir vient de l’homme, des relations entre les êtres humains. Tu adhères à la philosophie existentialiste ?
Nick Power: C’est une question difficile car personne ne semble pouvoir contrôler le cours des choses. Mais effectivement, les thèmes sont communs.
Qui est Layney, le dernier personnage qui apparait dans Holy Nowhere ?
Nick Power : C’est juste quelqu’un que j’ai imaginé. Il met sur écoute des gens de la pègre pour les faire tomber.
Il réfléchit à sa vie en même temps qu’il marche sur les docks un matin d’hiver. Il pense qu’il pourrait se faire tuer. Mais ça nous ne saurons jamais.
Holy Nowhere de Nick Power a été publié le 05 décembre 2015 via la maison d’édition Erbacce-Press.
Distance InBeetween des Coral sera publié le 04 mars 2016 via SKeleton Key Records/PIAS.
Les Coral seront en concert le 06 avril 2016 au Trianon (Paris).