Dans l’après-midi, Dominique A nous confiait aux balances sa phobie des orages mais le dieu Lug, protecteur des arts et de la colline en avait décidé autrement pour une des premières dates marquantes des Nuits de Fourvière 2015 à Lyon. Cette soirée était triple puisque se succédèrent successivement sur les vénérables pierres La Féline, Yael Naim et Dominique A.
La Féline est le projet d’Agnès Gayraud qui rencontre un bel accueil avec son premier album, Adieu l’enfance. Un peu plus tôt dans l’après-midi, elle faisait un showcase en solo à la librairie Le Funi et avouait une certaine appréhension à jouer devant les 4000 personnes du théâtre antique. Pourtant, armée de sa très belle Rickenbacker noire et blanche, assortie à sa tenue, c’est crânement et en trio qu’elle entonne Les fashionistes en jeune fille Moderne, les yeux fixés sur la ligne d’horizon pour sortir de la Zone, jamais dans le doute pour dire adieu à l’enfance. Un set électrique et poétique rondement mené qui donne envie d’en écouter plus.
La Féline
Avec Yael Naim, on change d’univers et de catégorie avec trois choristes omniprésents. On aimait bien les débuts modestes de Yael Naim et on aime moins bien ce virage soul avec son show calibré pour Las Vegas. La franco-israélienne donne de la voix, peut être trop, on se croirait dans une émission de télé-crochet. Bien sûr l’ensemble est malgré tout de bonne facture et l’on est sûr que le concert intimiste du lendemain au Lavoir Public fût plus intéressant.
Yael Naim
Quand Dominique A monte sur scène, la nuit est tombée, la pluie menace. Ce grand monsieur qui parcoure nos vies depuis 25 ans, qui crée un sillon régulier et intense dans la chanson française empoigne énergiquement sa guitare et entame raide et droit Cap Farvel qui ouvre son formidable dernier album, Éléor. Puis les Nouvelles Vagues emportent déjà le public dans son univers de mots et de maux marqué ces derniers temps par l’élément liquide, il regarde l’océan avec fascination. On voyage en classe A, on visite le Canada mais aussi la pléthorique discographie du nantais. il y a des moments suspendus comme cette sublime version d’Au revoir mon amour qui fait frisonner, l’amour s’enfuit du théâtre ou encore cette Eléor à la guitare récalcitrante, ou ce Rouvrir, hypnotique et tendu dans sa lente montée vers les cimes de l’émotion. Sur Immortels, Dominique A est pris d’une danse frénétique, saccadée, désarticulée pendant que Jeff, Sacha et Boris atteignent le nirvana. Il nous avait confié un peu plut tôt la difficulté de jouer un set resserré en festival, une quinzaine de titres au lieu des 29 (!!) avec deux rappels en version concert. D’autant qu’il souhaitait conserver 3 morceaux de bravoure, Music Hall et son rideau rouge, Le Convoi,son parcours sinueux et ce vers entêtant, « Et tu prendras peur de l’amour » et en rappel L’Horizon à perte de vue. 3 titres longs, épiques, importants pour Dominique A car « on ne fait pas une setlist pour le public mais pour soi, pour ce que l’on veut montrer ». Mais Bien sûr nous aurons droit au Courage des Oiseaux, hymne d’une génération introduit par un « let’s get punky » ! Oklahoma 1932 clôt le concert comme une étreinte avec ses chœurs séraphiques et bienveillants, le ciel a été clément et Dominique mérite son triple A.