En 2001, les Strokes avaient remis de l’argent dans le jukebox rock avec Is This It. En effet, le 30 juillet 2001, la Casablanca Party commença et emmena dans son sillage toute une flottille de disques. Les directeurs artistiques signèrent le pire comme le meilleur. On oubliera de citer le pire.
Mais pour le meilleur on se rappellera de l’été 2002 avec Turn on the Bright Lights d’Interpol et le premier disque des Coral. Les États-Unis et l’Angleterre se disputaient de nouveau la première place. Les Strokes donnèrent la victoire à l’Amérique par KO dès le premier round dans cette Coupe Davis du rock.
Et l’Irlande dans tout ça ?
Les Thrills ouvrirent une brèche à Dublin avec un coté très west coast. La bande de Conor Deasy publia en 2003 So Much for the City mais ne transforma pas l’essai avec le disque suivant.
On ne leur en tiendra guère rigueur. Par contre, on peut leur en vouloir d’avoir complétement éludé le chef d’œuvre des Hal.
En effet, la presse européenne s’était focalisée sur les Thrills et le disque des Hal passa à la trappe. Il y eut tout de même quelques exceptions : Magic! en fit son disque du mois et Uncut lui colla une excellente note. Mais cette couverture médiatique fut insuffisante.
Signés chez Rough Trade, ces garçons proposaient une musique qui était un alliage magnifique des Beach Boys et de Van Morrison. Merveille parmi les merveilles, ce disque marqua la jeunesse musicale de quelques bienheureux.
Retour sur ce disque avec deux des principaux protagonistes : Stephen O’Brien et David Allen.
Stephen O’Brien
Comment as-tu rencontré les frères Allen ? Qui est l’étrange C.E. Mullan qui a co-écrit certains titres de l’album ?
Stephen O’Brien : J’ai rencontré Dave Allen par l’intermédiaire d’un ami : le fameux Conor Mullan. Nous vivions tous dans le même secteur. Nous écrivions des chansons et nous avons enregistré quelques démos. Nous avons travaillé sur le titre C’est la vie.
Conor a déménagé à Londres. Dave et moi avons continué le groupe. Nous avons engagé Paul Allen, son frère, à la basse. Il n’en avait jamais joué avant mais je l’entendais chanter quand il faisait du thé dans la cuisine; c’était assez évident qu’il avait un talent inné pour la musique.
Nous avons trouvé rapidement un batteur et on a commencé à joué des concerts dans des petites salles du coin en 2001.
Edwyn Collins a produit un de vos titres je crois. Comment l’avez vous rencontré ?
Stephen O’Brien : Edwyn Collins a produit un de nos singles, Play The Hits. Nous avons pu le rencontrer grâce à Geoff Travis de Rough Trade. C’était cool de travailler avec lui et nous sommes toujours en contact avec lui même si nous n’avons passé que deux jours avec lui.
Une bonne ambiance.
Le premier jour de l’enregistrement nous étions tellement bourrés que nous n’avons rien pu jouer.
Edwyn a prétendu que nous très occupés quand Geoff Travis est venu contrôler l’avancée de l’enregistrement. On s’est remué les fesses le lendemain et on a obtenu ce que nous voulions.
Hal – Play The Hits
Comment vous êtes-vous retrouvés sur Rough Trade ?
Stephen O’Brien : On s’est retrouvé sur Rough Trade grâce à leur réputation et leur manière d’être. Ils étaient super enthousiastes en ce qui concerne notre musique et ils nous ont offert une belle opportunité. Ils nous aussi donné pas mal d’argent ce qui nous a pas mal aidé. Leur contrat était très simple et facilitait notre vie artistique. Et puis il faisait que deux pages…
Vous avez enregistré l’album aux studios de Bow Lane. Cela a pris combien de temps ?
Stephen O’Brien : L’album a été enregistré avec Ian Stanley, le clavier de Tears for fears. Il a co-écrit Shout. C’est quelqu’un de très méticuleux et qui sait ce qu’il fait. C’est un bon producteur et il a travaillé avec Peter Gabriel et The Beautiful South.
On a enregistré entre 2003 et 2004 pendant 9 mois. Nous alternions les tournées et les séances d’enregistrement.
Cela a prit un certain temps mais nous voulions bien faire les choses.
Geoff Travis est venu écouter les premières chansons et a dit que ce n’était pas bon. On a donc du tout recommencer… J’étais en colère mais il avait raison. Toutes les personnes impliquées voulaient juste faire le meilleur album possible.
Quel est ton meilleur souvenir de cette époque ?
Stephen O’Brien : Un de mes meilleurs souvenirs a été d’enregistrer les cordes et les cuivres aux studios Angel à Londres. La cerise sur le gâteau ! Avoir les musiciens qui ont joué la bande originale de Star Wars et qui jouent des « grands classiques » a été un réel honneur pour David et moi. Superbe !
Comment écriviez vous vos chansons ?
Stephen O’Brien : Les chansons avaient pour point de départ une émotion ou un sentiment lié à la musique. Une petite phrase avec une petite mélodie. Cela donnait le départ. Nous avons écrit quelques paroles mais elles sont venues en dernier. La musique est universelle et dépasse les frontières, les mots sont secondaires. Tu peux entendre une chanson dans une langue étrangère et être touché par elle sans comprendre ce qu’elle raconte.
Dave a ce talent, celui de savoir vraiment se laisser aller et de laisser la musique venir à lui. Une sacrée époque !
L’album s’est classé à la trente et unième place des charts. Cela a été une déception pour vous ?
Stephen O’Brien : Oui, l’album s’est classé à la trente-et-unième place. Comment mesures-tu le succès ? Nous sommes très fiers de ce disque. Avant de le faire ce disque, je m’étais fait la réflexion (et j’en avais parlé à Dave) que notre disque finirait dans un bac à soldes et qu’on entendrait plus jamais parler de nous. Mais une fois arrivé à la maison, cette fameuse personne qui a acheté notre disque dans ce bac à soldes va découvrir un petit bijou. Et cette personne, ces gens vont être heureux. Cela nous suffit. Nous n’avons jamais voulu être célèbres. On a juste essayé de faire de la bonne musique. Nous nous considérons très chanceux car nous avons pu faire ce disque.
Bien entendu, nous n’aurions pas dit non au fait de vendre un million de disques et d’être numéro 1 un peu partout…
Vous avez été surpris par l’excellent retour de la presse ?
Stephen O’Brien : Nous étions très contents de ces chroniques. Elles étaient très enthousiastes. Nous avons eu un super retour de la France et nous avons gagné un prix au MIDEM.
Peut-être nous aurions dû déménager en France. On aurait travaillé différemment et les choses se seraient déroulées différemment.
Nous ne sommes pas très connus en Irlande. Je regarde en arrière et je me dis qu’on aurait dû avoir plus de succès. Cela c’est presque fait mais non. C’est la vie.
Avoir les musiciens qui ont joué la bande originale de Star Wars et qui jouent des « grands classiques » a été un réel honneur pour David et moi. Superbe !
Quelle est ta chanson préférée sur ce disque ?
Stephen O’Brien : Pour moi, les chansons de l’album ont la signification que chacun veut bien leur donner. Toutes les chansons sont de bonne qualité. J’aime Slowdown car c’est juste Dave, Paul et moi qui jouons dessus et que nous avons terminé ce morceau en quatre heures. J’aime My Eyes car elle nous a pris des semaines et cela a été un vrai défi. C’est comme si tu avais trois chansons en une. Mais je pense que c’est une question injuste. C’est comme si tu me demandais lequel de mes enfants je préfère. Ils sont tous différents.
Qui a réalisé la pochette ?
Stephen O’Brien : Je ne m’en rappelle pas. Et je n’ai pas d’exemplaire du disque donc je ne peux pas vérifier.
Ah si ça me revient, les pochettes ont été faites par le graphiste Seb Marling. Il bosse pour Blue Source.
Et quel est le sens à donner à cette pochette ? Et à celle des singles ? Le thème est le même.
– Stephen O’Brien : Elles sont toutes tirées de vieux livres. On pensait que ça marcherait bien.
Elles nous ont aussi servi pour les badges.
Et pourquoi avez vous attendu aussi longtemps pour publier le second disque de Hal ?
Stephen O’Brien : Nous avons arrêté de tourner en 2006 et nous sommes tous partis chacun de notre coté. J’ai construit un studio, enregistré des groupes et fait de la musique pour des dessins animés. Nous avons tous travaillé de notre coté et nous avons vécu chacun nos vies. La vie est bien remplie.
Dave Allen
Ta voix est complétement hallucinante sur ce disque. Comment as-tu appris à chanter ?
Dave Allen : Mes premiers souvenirs liés au chant sont ceux de ma mère. Elle et mon père ont joué dans pas mal de groupes et mon frère et moi avons toujours baigné dans la musique. On nous a toujours encouragé à jouer de la musique et à chanter. Je m’en rappelle comme si c’était hier, nous n’arrêtions pas de chanter. Cela n’a pas changé pour moi.
Tu avais des modèles ? On pense forcément à Brian Wilson…
Dave Allen : Je ne vais pas te cacher que j’ai été complétement hypnotisé la première fois que j’ai entendu Brian Wilson et son frère Carl. J’avais énormément d’influences et ma discothèque est assez variée. Je pense que les influences de notre premier album sont à chercher dans notre enfance. Elles ont ressurgi sur ce disque. Avant de jouer dans Hal, j’ai joué dans des groupes qui sonnaient complétement différemment et qui s’apparentaient à du Stereolab ou du My Bloody Valentine.
Tu avais quel âge quand ce disque est sorti ? Quel est ton meilleur souvenir ?
Dave Allen : J’avais 24 ans. Mon meilleur souvenir ? Argh, c’est difficile de répondre. J’en ai plusieurs.
Le premier est le jour où nous avons terminé d’enregistrer le disque. Je pense que Stephen serait d’accord; ce fut un moment joyeux car on pouvait enfin entendre l’objet qui nous avait demandé un investissement total. Je pense que beaucoup de groupes ressentent la même chose. Je me rappelle qu’un des musiciens a dit : « C’est comme construire un océan avec un couteau à beurre ».
Après les meilleurs souvenirs sont liés à la tournée. Ce fut un grand honneur de rencontrer les gens après les concerts, de parler de musique et des groupes et des influences. Nous avons eu un accueil formidable en France. Là encore parler de musique fut formidable. On discutait des sentiments, des émotions. Ces moments de partage furent merveilleux car chacun apporte sa pierre à l’édifice.
« C’est comme construire un océan avec un couteau à beurre. »
Worry About the Wind, What a Lovely Dance, Play The Hits, Don’t Come Running… Ce disque possède quatre singles. Vous adorez ce format ?
Dave Allen : Oui, je me rappelle que nous avons travaillé sur l’ordre de publication.
Je crois que nous l’avons fait en réfléchissant à bien faire la distinction entre la face A et la face B. C’était très important pour nous. Cela a été très difficile mais je pense que cela fonctionne. Non ?
Si je pouvais revenir en arrière, je pense que je publierais en single Keep love as your Golden Rule.
https://www.youtube.com/watch?v=Cz3q7L_hL8s
Et ton meilleur souvenir de concert ?
Dave Allen : Mon meilleur souvenir en concert… Il est lié à notre second disque qui a été publié en 2012 et quand nous avons joué à Dublin. Je me sentais vraiment heureux lors de ces concerts. Je ne sais pas trop si j’aime faire des concerts mais ce qui est sûr c’est que je suis autocritique à propos de tout. Pas dans le mauvais sens mais je suis toujours inquiet à propos de tout. Est-ce que je sais chanter ? Bref…
Nous avons joué quelques concerts et ce fut génial. Je vais aussi te confier ma pire expérience (qui est aussi la plus drôle). Nous avons joué un soir au Royaume-Uni avec deux groupes. Starsailor et Snow Patrol. On avait fait deux chansons quand j’ai pensé que ce serait cool de remercier les groupes pour nous avoir demandé de les rejoindre sur cette tournée. Donc j’ai dit « Je voudrais remercier Starpatrol et j’ai rajouté « Oh non, Snowsailor ! » J’ai quitté la scène en plantant le groupe. Personne n’a rien compris.
C’est très amusant maintenant.
Hal – Magnificent @ Live at The Button Factory (Dublin – 2012)
C’était facile d’écrire des chansons à l’époque ?
Dave Allen : Il y a des chansons qui naissent plus facilement que d’autres. Beaucoup d’entre elles font le lien entre la réalité et les rêves, les vœux.
Il faut savoir détecter le potentiel d’une chanson et savoir voir où elle peut aller musicalement avec les arrangements.
Je pense que le fait de travailler sur une chanson, c’est toujours imaginer quel instrument servira de la meilleure manière une mélodie.
Tu te sentais proche de quel(s) groupe(s) à l’époque ?
Dave Allen : Rétrospectivement, je pense que les Hidden Cameras et Arcade Fire sont mes groupes favoris de 2005.
Mississauga Goddamn est un disque fantastique et Funeral d’Arcade Fire m’a complétement obsédé quand il est sorti. Nous avons été très chanceux de pouvoir jouer avec eux au Japon. Les entendre jouer était génial. J’ai adoré leurs arrangements et leurs chansons sont superbes.
Nous avons aussi tourné avec Fionn Regan cette année là. Il avait joué de la guitare pour Hal et avait ouvert pour nous sur quelques dates de la tournée.
Bien que son album The End of History soit sorti l’année suivante, nous avons passé des moments inoubliables sur la route. Ces moments mériteraient un article à eux seuls.
Hal - Hal
- What A Lovely Dance
- Play The Hits
- Keep Love As Your Golden Rule
- Don't Come Running
- I Sat Down
- My Eyes Are Sore
- Fools By Your Side
- Worry About The Wind
- Satisfied
- Slow Down (You've Got A Friend)
- Coming Right Over
Merci pour cette IW. C’est fou de ne pas avoir connu un vrai succès (autre que d’estime quoi) quand on écrit d’aussi nombreuses merveilles. Ce ne sont pas les premiers, encore moins les derniers, mais c’est regrettable.
encore aujourd’hui, je laisse ces notes, ces voix, ces harmoniques tournoyer; ses chansons impriment à chaque écoute un sillon lumineux. Et je reste « assis par terre »…évidemment ;)
Et vous avez bien raison!