Murat fait partie des artistes que toute la critique déclare unanimement comme hyper-légitime et hyper-crédible, comme « l’un des derniers poètes français en marge du système ». Bref, il fait du bien à notre ego national, qui veut voir en tout artiste un poète maudit, surtout depuis qu’on a perdu quelques grands noms comme Serge Gainsbourg, ou plus récemment le regretté Alain Bashung. Ce costume va à Murat comme un gant : il a mangé son pain noir, il écrit sans cesse, comme pour tromper l’ennui propre aux post-romantiques, il choisit la campagne auvergnate plutôt que la capitale… en marge, donc.
Très français, et pourtant il affirme une allégeance à l’Amérique « qu’on aime » comme dirait quelqu’un, en allant enregistrer à Nashville, avec des musiciens du cru et un son inimitablement country. Country Américaine, campagne française, on ne peut s’empêcher de voir se rapprocher le sud des US avec son accent caractéristique et le sud de la France avec la délicieuse diction de Murat et ses « o » ouverts dont on ne se lasse pas.
Discographie
Jean-Louis Murat« Comme un incendie » est le premier single, le titre qui ouvre l’album et d’où est tiré le titre de l’album : « le cours ordinaire des choses me va comme un incendie ». Une entrée en matière rock’n’roll et programmatique où le poète parle de lui à la 1ère personne et sans cryptage (enfin presque, on est chez Murat, quand même). Et dans tout l’album l’ombre de ce poète plane, se révèle à demi, en filigrane et avec sensualité. On le voit dans « M. Maudit ». M comme Murat, poète maudit, peut-être, ou dans « Chanter est ma façon d’aimer ». Le tout est une fresque qui dresse un portrait en demie-teinte du Poète Chantant, comme sur la pochette où les photos floues de Murat sont superposées avec des images végétales.
Du début à la fin, le Poète Chantant (et Aimant, d’ailleurs, je vous laisse le soin de décrypter les métaphores amoureuses) se grime de parures médiévales et courtoises emplies de chevaliers errants, d’amphores, d’ébats dans la nature, avec parfois un chapeau de cowboy en guise de heaume.
Le mélange entre un imaginaire du vieux continent, porté par la très ancestrale langue française, et la musique américaine, jeune et libre, est affirmé avec conviction pendant tout l’album ; mais notre Poète Chantant avoue aussi les paradoxes qui en découlent : « Comme un cowboy à l’âme fresh / Voilà ma pauvre chanson / L’occasion fait le larron / Au reposoir francisé / Reste que dalle à chanter / Comme un cowboy à l’âme fresh » peut-on lire dans « Comme un cowboy à l’âme fresh », morceau très country.
« Le Cours ordinaire des choses » est donc un aller-retour entre et le sud des US et l’Auvergne, entre Nashville et Orcival, entre Music Row et le Mont d’Or. Cet album s’inscrit dans un temps long, moderne et en même temps un brin retro, intemporel en somme.
Laetitia Masson
« Falling in Love Again »
Le film de Laetitia Masson est à la fois son propre récit de son voyage à Nashville avec JLM et la construction d’un personnage fictif. Solange, évoquée dans « Chanter est ma façon d’aimer », est une groupie qui rêve l’Amérique de son idole. C’est Elsa Zylberstein qui incarne ce personnage muet, dont la vie et les pensées sont décrits de manière fragmentaire par une voix-off.
L’alternance entre la fiction et le documentaire est intéressante, mais la partie « fiction » n’est pas toujours convaincante. La voix-off a un timbre nasillard et la qualité de l’enregistrement même n’est pas excellente. Du coup, si cette voix est tout à fait crédible quand elle parle à la première personne de son voyage à Nashville, elle ne l’est tout à coup plus lorsqu’elle se fait narratrice de la vie imaginée de la groupie. La talentueuse Zylberstein, réduite au silence, est condamnée à errer dans des couloirs le regard perdu, et n’arrive pas plus à nous faire croire à Solange.
En revanche, les images du studio à Nashville sont très bonnes. La caméra se fait à peine remarquer, et Murat ne s’en soucie jamais, ou du moins feint de ne jamais s’en soucier. On le voit beaucoup de dos, on voit ses épaules, sa chemise à carreaux, sa tignasse, sa barbe, son visage à demi caché par un micro. On le voit jouer de la guitare dans son pull camionneur. On voit sa silhouette en filigrane, à nouveau, se refléter sur les vitres du studio qui semble être une église reconvertie. On voit comment travaillent les musiciens. On entend le métronome. On voit un ingé son écouter Murat et s’extasier sur son « Uuunn, deeeuux » préliminaire tellement « cool », en vouloir un échantillon.
Un film qu’on regarde avec profit et plaisir car il nous fait réellement voyager.
Murat-le-Quaire ;-) ;-)
Album assez décevant quand même, pas besoin d’aller à Nashville pour obtenir ce son… On est loin de Dolores ou Mustango….
belle chronique
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