Radio Elvis a passé un cap avec un disque, Les Conquêtes où chaque titre évoque l’ailleurs, le mouvement, le dépassement. Et sur scène, Pierre, Manu et Colin ont pris du muscle. Pas de la gonflette d’opérette, mais un corps à trois têtes qui s’étoffe de concerts en concerts. Fourvière était l’occasion à la nuit tombée d’inaugurer de nouvelles lumières (de simples aux carrés lumineux sans chichi qui mettent en valeur la cohésion du trio) particulièrement réussies qui rappellent celles d’un certain Dominique A, et pour cause c’est Didier Martin son lighteux qui s’y colle.
Et la nuit lyonnaise fût belle, une entame parfaite avec Vers la ruée / Solarium / La route, La force est à ceux qui restent maîtres d’eux chante Pierre alors que le ciel est incertain. Bleu nuit est zébrée d’éclairs et la tension est palpable. Passer le fleuve et sa mélopée unique en trois actes nous saisit et les conduit « d’un pas léger devenir géant ». Assurément.
Discographie
Radio ElvisSurgit La traversée, Colin cliquette à la batterie et nous emmène voir Au loin les pyramides pour mieux « se laisser submerger » au large du Brésil ou par Les moissons fiévreuses et clore sur un Demande à la poussière intense et habité.
Pierre, tu as chanté pour les 40 ans des Francofolies de La Rochelle, c’est toi qui a choisi la chanson ?
Pierre : Non, non, l’organisation était compliquée avec la multitude d’artistes, on m’a proposé ce titre, La nuit je mens et je n’étais pas grand-chose pour m’imposer (rires), la chanson me plaisait, c’est quand même compliqué de refuser une chanson de Bashung… Et puis c’était chouette car la nuit je ments c’est un défi car le public aime beaucoup cette chanson, ce n’est pas ma préférée mais…
Quelle est ta préférée ?
Pierre : Malaxe par exemple car peut être moins connue.
Et parmi les autres artistes de la soirée, certains t’ont particulièrement impressionné, touché ?
Pierre : J’ai trouvé vachement bien la symbiose entre Jeanne Added et Izia pour Gloria, j’ai été très étonné par Youssoupha et sa version d’Hexagone et Christian Olivier avec Marcia Balia qui ont eu un vrai parti pris en modifiant les titres et qui ont été les seuls à prendre un risque. J’ai aussi bien aimé Dominique A et Jeanne Cherhal que j’ai vue au filage la veille, ce n’est pourtant pas trop ma came, je connais peu mais sa reprise de Barbara ma troué le cul.
Alors justement, on vous compare souvent à Dominique A, c’est quelqu’un que tu apprécies ?
Pierre : C’est pour les cheveux (rires)… Oui, on s’est rencontré un peu plus à cette occasion pour la création des Francos, cétait super, j’aurais aimé qu’on le fasse à trois, c’était une sorte d’intronisation dans la grande famille de la chaaaaanson fraaaaançaise (rires).
oui, il y avait un petit côté Enfoirés, léger !
Pierre : on a rigolé la dessus la veille, on s’en dit au rappel on revient chanter « Aujourd’hui, on n’a plus le droit… » (rires). Mais plus sérieusement, Dominique A, en dehors de l’artiste, c’est le mec le plus droit à force de côtoyer modestement le milieu, en fait il pourrait chanter de la merde mais sur scène il a une telle simplicité, c’est pas du tout un poseur, c’est très sincère et juste pour ça on l’apprécie. Mais pareil, Christian Olivier et Têtes Raides ou Miossec ce n’est pas mon truc, mais ces trois mecs là sont des vrais, des simples, droits dans leurs bottes.
Dominique A – Live à Bordeaux (Le Jimmy 28/11/92)
On se retrouve ici à Bourges, au prestigieux théâtre Jacques Cœur, l’an dernier vous étiez aux iNOUÏS… après il y a eu le chantiers des Francos et ces deux titres avant Johnny sur la grande scène, il y a peu les Franco de Montréal, votre parcours est assez fou… vous le vivez comment ? Il y a un côté très sain, il n’y a pas de compromissions ou de grosse tête qui pourrait poindre…
Pierre : La seule casserole c’est quand on a fait les Enfoirés (rires) et puis j’ai couché avec Mimi Mathy un soir, bourré.
C’est allé vite et finalement d’une manière paisible…
Colin : C’est vrai que pour l’instant tout est assez fluide. Je crois que l’on aime bien que les bases soient solides au final, on a besoin de ça pour avancer. En fait moi je trouve presque lent le développement de Radio Elviss mais au final quand on regarde ces trois ans, on a fait tellement de choses, de concerts.
Pierre : Ce qui est cool entre nous trois et les gens qui nous suivent, c’est que depuis le début ce que l’on avait envie de faire et la manière de la faire, tout se déroule comme prévu, on touche du bois. Dès le début on voulait avoir un développement à l’ancienne en passant par la scène, on parlait souvent de Louise Attaque dans leur manière de faire au début de leur carrière. Bon, on vend moins de disques que Louise Attaque (pour l’instant intervient Colin !)
Ou Renaud avec ses 500000 albums ! Tiens, est-ce quelqu’un qui représente quelque chose pour vous ?
Colin : Oui, plus pour moi que pour les autres, même si je n’ai pas écouté son dernier disque car je sais que je serais forcément déçu. J’ai envie de le respecter comme je l’aimais quand j’étais petit, c’est surtout mes parents qui l’écoutaient et j’écoutais avec eux dans le camion, du coup je connais plein de chansons par cœur, je l’ai vu quelque fois en concert et à chaque fois je pleurais, c’était hyper fort. J’adore ses mots, j’adore ce mec, mais voilà, c’est difficile aujourd’hui sans faire de polémique, voilà, ça me fait du mal d’entendre les gens en parler.
Manu : J’ai écouté Hexagone en live sur youtube et c’est clair que le mec est prenant, cela chante une époque comme Coluche, le mec est hyper beau, pas sûr que l’on puisse aujourd’hui écrire et chanter ce type de chanson dans les médias…
Radio Elvis – FrancoFolies 2016
Evidemment, votre écriture est très différente, cela ne vous pèse pas que cette étiquette très franchouille de pop littéraire ?
Pierre : C’est surtout qu’on ne voudrait pas que cela nous coupe d’un public qui ne lit pas forcément… parce que cela peut être rebutant. Et puis en plus on ne voudrait pas que cela soit malhonnête…
Je ne lis pas non plus plus que cela… Je n’ai pas fait d’études de littérature, je sais parler des livres que j’aime comme n’importe qui aime lire un peu. La seule chose que je peux dire, c’est que quand je lis, j’essaye vraiment de m’imprégner des choses… Un livre je le lis intensément, j’essaye d’en retirer beaucoup de choses, je griffonne dedans, j’écris même des chansons dedans, j’aime relire les passages que j’ai soulignés, j’essaye d’en tirer une matière première. Je lis d’une manière populaire, c’est quelque chose qui m’élève. Je lis des romanciers assez populaires au final, comme Fante qui me touche mais d’autres.
Jim Harisson décédé récemment ?
Pierre : J’ai lu mais ce n’est pas un auteur fondamental pour moi. On a lu Légendes d’automne, moi j’ai lu Dalva mais il y a très longtemps, cela me parait loin…
Pour terminer, vous êtes ambassadeur pour AGI-SON, pouvez-vous nous en dire deux mots ?
Colin : C’est clair que c’est un sujet important, à Paris les salles souffrent beaucoup de la problématique des nuisances sonores… Alors, moi je ne prône pas du tout la protection absolue des oreilles… Par contre, notre démarche est de faire attention au son de plateau, au son du groupe, et hier Manu la très bien dit, ce n’est pas une question de volume, c’est une question d’équilibre de sons, d’harmonie, pour pas qu’il y ait de sons agressifs. On peut écouter un son peu fort mais très agressif et dérangeant et un son très fort mais parfaitement équilibré. C’est plutôt la dessus que l’on travaille. Et puis c’est bien qu’AGI-SON ait l’expérience d’un groupe.
Vous avez eu le temps de voir quelques concerts ici à Bourges ?
Radio Elvis : Très peu, mais Dionysos.
C’est un univers qui vous touche ?
Pierre : Je les ai beaucoup écoutés au lycée. J’avais le live électrique. Et puis je les avais découverts quand j’étais livreur de pizza quand ils sont passés aux Victoires de la musique, que Mathias avait piqué les lunettes de Delarue et slamé sur un public assis, j’avais halluciné.
Dionysos – Song for Jedi (Les Victoires de la Musique 2004)
Remerciements : Loll Willems pour ses photos, Les Nuits de Fourvière, Patricia Teglia et le Printemps de Bourges.
Radio Elvis sera en concert à la rentrée avec en particulier le 17 septembre à Charnay en Beaujolais dans le cadre du Festival les Vendanges Musicales, le 4 octobre à Annecy (Brise Glace) dans le cadre du Festival Attention les Feuilles, le 8 novembre à Paris (La Cigale), le 12 novembre à Cébazat (Festival Sémaphore en Chanson) et le 16 février à Romans-sur-Isère (La Cordonnerie).