Les chansons de ce groupe originaire de Montpellier nous ont fait le même effet que les pistes que nous découvrions dans les compilations des Inrocks. Coincés entre les grosses cylindrées Tindersticks ou Boo Radleys, on découvrait des petites écuries comme The Folk Implosion ou 16 Horsepower qui nous laissaient des souvenirs impérissables. Héros folk perdus dans les ruelles anonymes de la capitale de l’Hérault, ces gens là viennent de frapper un grand coup.
Avec un mystérieux parolier qui se fait appeler Louis Leprince-Ringuet (un essayiste et ingénieur en télécommunications français mort en 2000), Alexandre Dézé a tout pour séduire les amoureux de l’Amérique profonde.
My Favorite Horses
D’où vient le nom My Favorite Horses ?
Alexandre Dézé : Sincèrement, je ne sais plus ! Bon, la plupart des groupes ont toujours des histoires à raconter sur le choix de leur nom ou la signification qu’ils leur donnent, mais en l’occurrence, je ne m’en souviens plus ! Peut-être parce que ce n’était pas forcément très important pour moi au départ. En tout cas, rien à voir avec le turf ou une improbable passion pour les chevaux !
Discographie
My Favorite HorsesOn peut lire sur votre page Soundcloud que vous avez une approche très DIY. Peux-tu m’en dire un peu plus sur cette « philosophie » et l’approche de Northern Lights II ?
Alexandre Dézé : C’est moins une approche revendiquée qu’une approche contrainte à l’origine. Je n’avais quasiment plus de matériel quand je me suis remis à la musique pour My Favorite Horses, à part mon piano, déjà bien fatigué, et une vieille guitare. Pour les premières démos, j’ai emprunté une caisse claire de fanfare à un ami, les percussions ont été faites avec des bols en bois posés sur le sol, et j’ai enregistré le tout avec une version préhistorique de Cubase, une carte son à moitié périmée et un seul micro. C’est sûr que ça limite tes possibilités, mais en même temps, ce côté artisanal a contribué à façonner le registre et le son de My Favorite Horses. A tel point que notre producteur, David Darmon, voulait qu’on déménage mon piano dans son studio pour l’enregistrement de l’EP ! Bien sûr, on a eu une approche beaucoup plus « pro » pour Northern Lights II, mais tout en cherchant à conserver cet aspect « home made », un peu brut, et en restant attentif à restituer l’authenticité sonore, la densité musicale des instruments.
Qui est ce Louis Leprince-Ringuet qui est l’auteur de vos paroles ?
Alexandre Dézé : C’est un ami d’enfance, un de mes meilleurs amis. Il vit à Bangkok depuis cinq ans, on ne se voit qu’une fois par an, on travaille donc à distance. Mais Louis Leprince-Ringuet tient à conserver son anonymat. Pourquoi ? Je n’en sais trop rien.
Comment s’est bâti le groupe ?
Alexandre Dézé : Avec lui tout d’abord. On s’est mis à travailler ensemble parce que je devais faire un titre pour une compilation du label rémois Partycul System. L’idée de collaborer ne nous était jamais venue. Je lui ai fait écouter quelques démos. Il écrivait de son côté, et en un temps record, il a pondu plusieurs textes tout à la fois intenses et parfaitement ciselés. Bref, ça a collé tout de suite. La musicalité de My Favorite Horses lui doit beaucoup. Mais il a également fait un travail important d’écoute et de sélection des démos qui m’a empêché de partir dans tous les sens. Après avoir enregistré une vingtaine de titres, on s’est décidé à monter un groupe. On a fait appel aux amis : Manuel Plaza (basse), qui lui-même a fait appel à ses amis : Stéphane Chareire (batterie) puis Jean Alvarez (guitare). Ce sont de super musiciens mais aussi des mecs super, et ils ont tout de suite compris ce qu’était My Favorite Horses. Après quelques semaines de répétition, on faisait nos premiers concerts. Ce que je n’osais à peine imaginer quand j’ai recommencé à jouer.
Montpellier-Bangkok
Vous allez faire une tournée d’une dizaine de dates à travers la France. Cela n’a pas été trop difficile à monter ?
Alexandre Dézé : Nous avons un label, Rock it to the moon, qui est piloté par Pierre Tomi et Jérôme B., un producteur, mais pas encore de tourneur. Il a donc fallu qu’on monte entièrement cette tournée, ce que font de toute manière la plupart des groupes. Ce qui est un peu décourageant, c’est que pour la très grande majorité des propositions de concert que tu envoies, tu ne reçois jamais de réponse, y compris négative. Mais bon, j’ai appris que certaines salles recevaient jusqu’à 500 demandes de groupe par trimestre ! On s’est donc débrouillé, avec le label, avec certains groupes qu’on connaît dans d’autres villes, comme Dinno à Lyon ou Feu Roberston à Reims, et on a eu un super contact avec les salles qui nous ont répondu favorablement.
Quelle est l’histoire de la photographie qui a été utilisée pour la pochette de votre EP ?
Alexandre Dézé : Manuel, notre bassiste, prend des photos de manière un peu obsessionnelle et compulsive. Et comme il est doué, on s’est dit qu’on pourrait fouiller dans ses clichés pour trouver la pochette de l’EP. Tu ne sais jamais trop pourquoi telle photo te plaît ou retient ton attention. Ici, la concordance entre ce visuel (le côté minéral de la roche, la brume, la nature un peu sauvage…) et la musique de My Favorite Horses nous a semblé évidente…
Je me trompe où vous avez une certaine attirance pour le noir et blanc ? Pourquoi ?
Alexandre Dézé : C’est une association de couleurs plutôt consacrée dans la musique rock. Le noir et blanc accentue le caractère épique des visuels tout en leur conférant une sorte d’intemporalité. Et c’est vrai que notre premier clip (Marble Chest), notre pochette, nos affiches ou les photos du groupe usent de ce code couleur. Disons que cette utilisation systématique permet aussi de se construire une identité.
My Favorite Horses – Marble Chest
Quelle est l’histoire de Judas Gate ?
Alexandre Dézé : C’est toujours un peu énigmatique le moment où une ligne mélodique, une suite d’accords te viennent en tête. J’avais envie d’un bon morceau pop… d’un refrain qui décolle… la structure du titre est venue assez rapidement. Après le groupe s’en est emparé, David a fait un super travail de production, tout comme François Fanelli (Sonics Studio) au niveau du mastering. Et voilà ! Quant au texte, il est volontairement assez nébuleux… Il réfère à ces moments où tu te retrouves dans un état semi-comateux, où tu ne sais plus trop si les choses sont réelles ou pas…
As-tu été surpris par le retour presse lié à la sortie de l’EP ?
Alexandre Dézé : Oui… On partait de rien, ou de pas grand-chose, le groupe a un an d’existence à peine et on est encore tout petit. Alors recevoir autant de retours positifs sur l’EP, ça a été une très belle surprise. On a passé quelques bons moments à fêter ça ! Je pense que ça nous a aussi facilité la tâche pour trouver des dates ou bénéficier de résidences, comme récemment, à Nîmes, à Paloma.
Peux-tu me dire ton meilleur souvenir lié à l’enregistrement de l’EP ?
Alexandre Dézé : Il y en a plein ! Le studio de David (Mirador Recording Studio) est juste incroyable, c’est un endroit où je passerais bien toute ma vie ! Deux moments m’ont peut-être plus particulièrement marqué. Le premier, c’est la rencontre avec le piano du studio, un piano droit de marque Sauter, qui déploie à peu près autant de puissance, de précision, de nuances qu’un piano à queue. Je n’en revenais pas, ça a été un tel moment de plaisir de jouer sur cet instrument…. Le deuxième, c’est l’enregistrement du chant sur My Your Decay. De manière un peu miraculeuse, je l’ai enregistré en une seule prise, la première. Et quand la prise a été terminée, les gars, qui étaient en cabine, ont explosé, je ne sais pas de quoi, de bonheur, de fatigue…. On entendait leurs cris sur les versions non masterisées, et on a failli oublier de les enlever ! Plus largement, on a vécu ces quelques jours en studio de manière assez intense. Comme tout groupe, j’imagine, mais les moments en studio sont vraiment des moments forts.
TOP 10
1) Le meilleur album de 2016 ?
Alexandre Dézé : Je ne sais pas si c’est le meilleur de 2016, et ce n’est sans doute pas son meilleur, mais le dernier album de Nick Cave, Skeleton Tree, m’a pas mal retourné.
2) Le disque que tu attends le plus ?
Alexandre Dézé : Le deuxième album de Mark Hollis.
3) Le disque qui va forcément te décevoir ?
Alexandre Dézé : Arcade Fire. Je les ai vus en concert cet été, je les avais vus à leur début et j’adorais, mais là, j’ai rien compris au cirque qu’ils mènent sur scène ni à leur musique… on aurait dit de la mauvaise disco…
4) Les années 90 ou les années 2000 ?
Alexandre Dézé : Les années 90, bien sûr ! Il y a eu tellement de bons groupes qui ont vu le jour pendant cette décennie.
5) Le producteur de tes rêves ?
Alexandre Dézé : Je l’ai trouvé : David « Dad » Darmon. Il a fait un boulot fantastique avec My Favorite Horses. Il bosse avec plein d’autres groupes, dont l’autre groupe de notre guitariste, Loome, mais ça a été une vraie rencontre.
6) Le meilleur endroit pour faire un concert ?
Alexandre Dézé : Le Rockstore, à Montpellier.
7) Le meilleur endroit pour voir un concert ?
Alexandre Dézé : Le Rockstore, à Montpellier.
8) Un écrivain qui aurait dû se mettre à la chanson ?
Alexandre Dézé : Sophie Maurer, auteure de deux romans magnifiques : Asthmes et Les Indécidables, parus au Seuil.
9) Un chanteur (ou guitariste) qui aurait dû se mettre à l’écriture ?
Alexandre Dézé : Stuart Staples.
10) Ta bande originale de film préférée ?
Alexandre Dézé : Je crains que ce soit 37°2 le matin… bon, je pourrais en citer d’autres, mais le thème principal de la musique du film passait en boucle la nuit à Reims, quand j’étais ado, sur une radio qui s’appelait Radio Primitive. Il m’arrive encore de l’écouter quand je n’arrive pas à dormir.
My Favorite Horses – Northern Lights II
Northern Lights II des My Favorite Horses est publié via le label Rock It To The Moon.
- Judas Gate
- Marble Chest
- Distant Bells
- Six Feet
- My Your Decay