Cet événement, de renommée internationale nous vient de Chicago, et est au départ une création du magazine éponyme. Si les parisiens étaient au rendez-vous, beaucoup de festivaliers sont également venus des quatre coins de l’Hexagone, ainsi que de l’étranger. Il est vrai que l’unique date française de MIA, les péripéties électroniques de Floating Points en live, ou encore de Moderat, Acid Arab et Motor City Drum Ensemble ne pouvaient que rameuter les foules, mais ce qui fait aussi l’intérêt de ce festival est son éclectisme pointilleux, lié à la présence également de groupes post-rock comme Suuns, Explosion in the Sky ou Parquet Courts. SK* a pu couvrir ces trois jours intenses et vous raconte tout ça.
Jour 1
La fièvre Parquet Courts démarre en trombe dès 18h50 avec Master Of My Craft, suivi d’un Human Performance évolutif, et terminant en beauté avec un One Man, No City qui nous a mis une jolie claque. Les quatre rockeurs jouent d’une traite et allument la Grande Halle, encore une peu endormie par leurs riffs électrisants. Ils ne plaisantent pas, Parquets Courts, tu t’accroches ou tu pars en courant.
Parquet Courts – Human Performance
Suuns suit tout à fait sur cette lancée. Rock, grunge et atmosphérique, ils nous entraînent dans une belle épopée, toute en tensions électroniques. Leur univers sombre et déroutant est un jeu auquel il faut se prêter pour en comprendre les effets. Leurs tribulations électrisantes et incantatoires nous emportent dans un trip psyché qu’ils vivent en profondeur : plus connectés avec leur musique qu’avec leur public, on ne verra jamais les yeux du chanteur derrière sa chevelure, et le claviériste finira genoux à terre et bouteille de vin à la main. 2020, In Touch, Minor Work ou encore Past The Nursery en finiront de nous achever, pour ceux qui seront entrés dans leur bulle, comblés.
https://www.youtube.com/watch?v=k3NckEz2fi8
À 20h25 seulement, lorsque Floating Points s’installe, nous flottons déjà dans un espace-temps indéfini. Pour ce live étoilé, il est entouré de musiciens. Batteur, guitariste, bassiste donnent une dimension de conquête spatiale à ce qui se déroule sous nos yeux. Planant, interstellaire, instrumental, on ne peut que se laisser porter et emporter. Une belle réussite, mon coup de cœur de la soirée.
Floating Points – Full Performance (Live on KEXP)
Jour 2
En ce deuxième jour du Pitchfork Festival, j’arrive à 19h45, juste à temps pour les incantations gravitationnelles de Flavien Berger, french touch poétique électronique de la soirée, qui nous emmène dans ses eaux troubles en lentes brasses coulées. On se laisse délicatement emporter. Démarrage tout en douceur pour cette soirée qui s’annonce mouvementée.
Flavien Berger – Léviathan
Les pérégrinations constellaires d’Explosion in The Sky se dessinent ensuite en un crépuscule tamisé. Entre riffs lancinants et lumières enfumées, deux options sont possibles face à leur chant sans paroles : être pendu à leurs cordes et ressentir la moindre implosion musicale des soubresauts de leur live, ou alors rester de marbre si l’on ne connecte pas à leur prestation. Je pense que c’est un groupe qui transcende lorsque l’on réussit à faire corps avec. Peut-être un qu’un festival n’est donc pas le contexte idéal pour les voir. Personnellement l’alchimie a fonctionné avec moi, mais si l’on prend trop de distance, ça ne prend pas.
Explosions In The Sky – NPR Music Front Row
Plus tard dans la soirée, c’est Todd Terje qui vient finalement envoyer ses rayons chauds et ensoleillés, dissipant quelque peu l’ambiance brumeuse qui a envahit la Villette. Accompagné par son live band The Olsens, ils viennent donner un coup de fouet à nos sens avec leurs notes colorées, presque incandescentes. Les rythmiques de Todd sont tapageuses et addictives, balançant dans toute la salle un groove funky electronico-exotique. Climat paradoxal pour ce grand nordique ! Il se retire sur son célèbre Inspector Norse alors même que la foule en redemande ! Si sa mission était de faire danser la Grande Halle à coup de rythmes chaloupés, défi relevé.
Todd Terje – Inspector Norse
Le clou de la soirée, pour finir ce vendredi soir en beauté, c’est tout de même Moderat. Lorsque la voix puissante de Sacha Ring fait écho dans l’immense hangar, le temps semble s’arrêter sur la béatitude admirative de la foule. Je regarde à droite et à gauche, mes voisins semblent dans le même état que moi : submergés. J’avais déjà eu l’occasion de voir ceux que je considère comme les Radiohead de l’électronique lors des Nuits Sonores à Lyon, cette année, et j’avais peur d’être déçue tellement cette prestation m’avait marquée. Mais que nenni, l’effet escompté était bien là, toujours le même, la même teneur enivrante des sonorités à la fois brûlantes et glacées.
Moderat, c’est le tumulte orageux des beats électro tout en profondeur et la caresse du spleen délicat d’une voix dont la texture se situerait entre le velours et le cristal. GhostMother, Running, Eating Hooks, Animal Trails, Bad Kingdom, A New Error, les trois virtuoses de Moderat ont su clôturer ce deuxième jour de Pitchfork comme il fallait.
Moderat – Eating Hooks
Jour 3
Bon, MIA. c’était la tête d’affiche du festival en ce troisième jour, et dire qu’elle était très attendue sur cette unique date en France serait un euphémisme. En effet, la foule se pressait tellement devant la scène qu’il était à peine possible de respirer. Difficile d’apprécier ce show dans les meilleures conditions, même si en soi, tout avait été mis en oeuvre pour qu’il soit grandiose. Seulement, il n’a selon moi pas été à la hauteur des attentes du public. Le son n’était pas top, et le gros de la prestance scénique était mieux assuré par la danseuse et choriste de MIA que par cette dernière elle-même qui était, semble-t-il, malade. Elle a d’ailleurs raccourci le show qui a fini plus tôt que prévu, après avoir tout de même joué ses tubes phares comme Paper Planes et Bad Girls, et certains titres de son dernier album, AIM.
M.I.A. – Go Off
Heureusement, face à une MIA finalement un peu mitigée, d’autres ont su s’imposer avec des prestations live sans fautes et très puissantes, comme notamment Acid Arab. Avec pour seul décor une boule ajourée et enfumée, leur transcendance électronique arabisante nous transporte d’un bout à l’autre de leur live crescendo, nous laissant avec brio sur une apogée émotionnelle et rythmique, prêts à accueillir MCDE et son groove électrique. C’est à l’arrivée de ce dernier que la Grande Halle prend réellement des allures de dancefloor, où l’on oublie horaires et changement d’heure, dansant jusqu’à pas d’heure sur les salves des rythmes funky et psychotiques de Motor City Drum Ensemble, brillamment suivi par Daphni et Tale of Us jusqu’au bout de la nuit.
Motor City Drum Ensemble – Raw Cuts #5