Isabelle Casier est une de ces rares exceptions vocales qui vous emporte loin de votre quotidien dès qu’elle se met à chanter. Elle pourrait nous réciter l’annuaire du Gers qu’on l’écouterait béatement. Il y a Stuart Staples et ses décibels magnétiques, Milton Walsh et ses lettres mordues jusqu’au sang et Casier et ses rimes anglaises chantées à la perfection.
Avec ses Fine Feathers (le batteur Abdesslem Gherbi et le contrebassiste François Fuchs), il sera question de l’annuaire du Tennessee. En effet, ce trio défend les chansons qu’Isabelle a écrites lorsqu’elle se trouvait dans le sud des États-Unis. On quitte donc les rives de l’album Mainland (2013) de Pollyanna pour les terres chaudes de la Bible Belt et son atmosphère si particulière.
We Are Like Birds
Comment avez-vous rencontré Julien Bourgeois qui a réalisé le clip de We Are Like Birds ?
Isabelle : Je l’avais contacté à l’époque de mon précédent album, The Mainland, sorti en 2013 chez Vicious Circle, pour en faire la pochette. A l’époque il travaillait avec pas mal de groupes qui passaient par la plate-forme Microcultures : c’est comme ça que je l’ai connu. C’est marrant, on s’est retrouvé sur plein de points – il a commencé par vouloir faire les photos de ma pochette à Dunkerque, sans savoir que je venais de ce coin-là. C’est donc tout naturellement que je lui ai demandé de faire aussi notre pochette de Polly & the Fine Feathers (pour laquelle j’avais à peu près le concept) puis le clip. Il a beaucoup bossé dessus… Je crois que ça lui a pris plus de temps qu’il l’aurait cru au début… Mais l’animation, c’était son idée. J’ai été très impressionnée par son boulot : il fourmille de trouvailles ! Depuis, il a fait un énorme chemin, comme on s’y attendait, et ce n’est pas usurpé : ce gars-là est bourré de talent.
Polly & the Fine Feathers – We Are Like Birds
Quelle est l’histoire de cette chanson ?
Isabelle : Elle mélange plusieurs histoires avec des souvenirs d’enfance. Une ligne fait une allusion à une personne, la suivante à une autre. Globalement, c’est une chanson sur l’ennui – un thème que j’aborde souvent. L’histoire d’une femme qui passe ses journées à regarder les oiseaux par la fenêtre, à l’automne (puisqu’ils se préparent pour migrer) et se demande si elle n’est pas en train d’en avoir marre de sa vie, de sa routine conjugale. Elle rêve de voyages, et se demande si la vie n’est pas trop longue pour éviter la lassitude.
Polly & The Fine Feathers – Chocolate Jesus
Polly à Memphis
Comment le groupe s’est formé ?
Isabelle : En 2010-2011, Pollyanna, mon projet principal, était en pause car je n’avais plus de groupe. En parallèle, j’avais une belle collection de chansons un peu plus « bluesy », un peu moins rock, et je connaissais bien Abdesselem Gherbi (mon ex beau-frère, pour tout dire) dont j’admirais beaucoup le travail mais qui n’évoluait pas du tout dans la même scène que moi – il est batteur de jazz. Je le connaissais depuis dix ans sans avoir tellement osé lui demander de jouer sur mes chansons, que j’imaginais trop binaires pour lui. Je me suis dit que c’était le bon moment pour monter un set ensemble. Nous avons vite ressenti le besoin de chercher un bassiste, et je me suis tournée vers François Fuchs : je savais qu’il venait aussi du jazz, mais il jouait avec des formations pop-folk (Reza) et le truc qui me frappait chez lui, c’est qu’il souriait tout le temps sur scène. A l’époque, j’avais vraiment besoin de sortir du folklore rock/chanson où on se prend la tête et vachement au sérieux. Voire des virtuoses pareils se poiler, c’était très rafraîchissant. Ils ont tous les deux dit oui tout de suite, ce qui m’a plutôt flattée et ma foi, ça a l’air de bien les amuser, mes petites ritournelles.
Polly & The Fine Feathers – Last night
Pourquoi ce nom de Pollly & The Fine Feathers ?
Isabelle : Cela vient d’une expression anglo-saxonne, « fine feathers make fine birds », littéralement « les belles plumes font les beaux oiseaux » que l’on pourrait traduire par « l’habit fait le moine » ou « le costume fait l’homme ». Polly, c’est moi, les belles plumes, ce sont les autres musiciens : je suis venue avec mes chansons folk un peu nue et eux, ils en ont taillé le costume sur fond de jazz, de country blues et de New Orleans (le domaine de prédilection d’Abdes).
L’auberge espagnole
Quels sont vos projets pour 2017 ?
Continuer à chercher des dates, ce qui est parfois compliqué car nous tournons en groupe exclusivement. Et faire quelques nouvelles compos. Par ailleurs, je tourne désormais beaucoup, en solo ou avec de nouveaux musiciens, avec mon projet d’origine, Pollyanna. Je joue beaucoup en Allemagne, où The Mainland vient seulement de sortir, et je commence à aller plus régulièrement en Grande-Bretagne. Je pense qu’une fois que cela sera fini, je m’attellerait à faire sortir aussi Polly & the Fine Feathers en Allemagne.
Aujourd’hui, les deux groupes se rejoignent puisque nous travaillons tous sur un nouvel album. Le seul truc qui change entre les deux formations, au final, c’est la couleur musicale et le batteur : avec Pollyanna, j’ai un vrai rocker derrière les fûts et c’est pas tellement swing ! En revanche, Abdes viendra jouer du trombone avec nous. Je cultive cet esprit « auberge espagnole » en espérant ouvrir un peu les horizons : nous avons peu de moyens, mais tous ces musiciens sont très, très talentueux donc je fais le pari qu’en les lâchant ensemble dans un studio, ça donnera forcément quelque chose de bien, très organique – c’est LE point commun entre la folk et le jazz, il me semble. Ce que j’essaie de faire avec eux tous, c’est une musique intelligente mais simple et accessible, avec le plus de sincérité possible.
L’album de Pollyanna & The Fine Feathers est disponible via Microcultures.
Pollyanna & The Fine Feathers sera en concert le 19 novembre 2016 au P’tit Bar de la Mairie à Saint-Ouen-D’attez dans le cadre du festival Chant d’Elles.
Pollyanna sera en concert avec ALGO et Odds & Ends à L’International le samedi 26 décembre 2016.