Quand on écoute 11 Love Songs, le doute n’est pas permis : ces gens ont sévèrement été biberonnés au son des Cramps. Mais les Vagina Town ne s’interdisent rien et vont braconner sur les terres des groupes psychédéliques et mâtinent leur son d’une approche assez pop. Au final, on se rappelle les premières des Bewitched Hands. Et ça, ça vaut tout l’or du monde.
Californication
Pourquoi avoir adopté ce nom de groupe « Vagina Town » ?
Jérémie : Pourquoi, je ne sais pas… Quand on a commencé le groupe avec Gina, on avait une liste de nom qu’on trouvait cool. Je crois qu’il y avait aussi des trucs genre « Sex minute » ou « Ravachol crack ». On a gardé celui-là, pourquoi ? Aucune idée. Je sais juste qu’on l’a entendu dans un épisode de Californication, ce qui fait un peu chier aujourd’hui parce que c’est une bonne série de merde, il faut bien le dire… Mais bon, s’il avait fallu se référer à une série de qualité, le groupe s’appellerait « Omar » ou « Bubbs », ce qui serait un peu nul pour le coup… Et puis voilà, ça sonne bien, “going down to vagina town / walking along through vagina town”…
Kythibong
Comment avez-vous rencontré le label Kythibong ?
Jérémie : On faisait partie avec Gina d’une bande de jeunes, « les loubards pédés », qui organisait des concerts dans un squat avec piscine couverte reconvertie en lieu de concert. Ce faisant, on a rencontré les copains de Kythibong et la myriade de groupes qui gravite autour (dont Rachel notre claviériste fait partie d’ailleurs). Cet endroit qui a participé à l’éclosion de plusieurs groupes, et je dirai même d’une certaine façon de faire, a été fermé à grand coup de flics et d’huissiers pour être détruit et a laissé place à une saloperie de lotissement cimetière.
Il faut dire qu’à Nantes, il y a beaucoup de culture sur dépliant et papier glacé, beaucoup de fric jeté par les fenêtres pour payer des adjoints du délégué de l’attaché à la com’ de je ne sais pas quoi. Mais par contre, dès que les gens essaient de faire des trucs par eux même, en général de manière bien plus pertinente, que ce soit des patrons de bars, des assos, bah on fait tout pour les faire crever. Par contre, après coup, par exemple, on peut te proposer de faire une expo avec les affiches du lieu qu’on n’a pas essayé de défendre une seconde. Une sorte de philosophie Roc-Eclerc de la culture. Tout ça pour dire que les mecs de Kythibong, c’est des vrais, des bonshommes, des mecs à l’ancienne, des mecs prêts à te coller une patate de forain.
Comment s’est déroulé l’enregistrement de l’album « 11 Love Songs » ? Combien de temps cela vous a pris ?
Jérémie : On a passé quelques mois, par intermittence évidemment, à enregistrer des morceaux par nous-mêmes, en essayant plein d’idées pourries et d’autres qu’on a gardées. Ensuite, on a été dans le studio d’Olivier Ménard (Corner Box) qui nous a très sympathiquement accueilli. Je crois qu’on est arrivé un lundi et reparti le vendredi. L’enregistrement a été fait par notre pote Meriadeg Orgebin (qui a enregistré tous nos disques jusqu’à présent). Et par la suite, chez Meriadeg, on a réenregistré des petits bouts de zigouigoui et mixé tout ça. Il n’a pas compté son temps. Alors ça a bien pris un an avec toutes les étapes et les pauses entre chaque étape.
Quel est ton meilleur souvenir lié à cet enregistrement ?
Jérémie : Bah, je dirais quand on passait et repassait des trucs dans un vieux delay en fumant de la grosse weed. Ce qui est toujours assez kiffant. Aussi quand on a fait enregistrer la partie de saxo (sur Need Money) par Tom Bodlin qui revenait d’une grosse soirée au Grigri (lieu associatif pour les jeunes à Nantes). Quand on est passé le chercher, il était tout gris, et après deux prises, il était tout rouge/violet… On a dit « OK, c’est bon on arrête là ! ». Et les deux prises étaient nickel.
Le pire souvenir ?
Jérémie : Alors, je ne crois pas que c’était lors de cet enregistrement, mais un précédent, mais je te la raconte quand même vu qu’on était les mêmes personnes au même endroit. Notre pote Meriadeg qui enregistre les disques habite à la campagne, dans la pampa entre Nantes et Rennes, là où vont se réfugier tous les gens qui n’ont pas assez de thunes pour habiter en ville ou qui refusent d’habiter dans un 11m² à 400 balles par mois.
Bref, ça faisait pas longtemps qu’il avait investi dans une maison à retaper. Pas de chauffage, pas de gazinière. Un vieux poil, mais pas de bois. On a fini par faire chauffer des pâtes sur le poil en brûlant le gros stock de baguettes pétées de Jérémie (le deuxième Jérémie, batteur de Vagina Town). C’est dans ces conditions qu’on a mixé le 45T d’Ecstasy au retour de Nouvel An qui plus est, donc pas au mieux de notre forme… Eh oui, on a une motivation à toute épreuve ! Après tu vois, ça reste un bon souvenir même si c’est un peu bourrin.
Magic Town
Qui a réalisé la pochette de 11 Love Songs ? Pourquoi avez-vous choisi cette pochette ?
Jérémie : C’est moi. On n’avait pas assez de thunes pour avoir recours à un mec compétent. N’étant pas graphiste, on a essayé d’opter pour la simplicité. Les petits dessins (verso vinyle et intérieur CD) ont été faits en majeure partie par des potes du collectif de sérigraphes-illustrateurs. PAN!
Bah ça fait trois semaines que j’écoute que du Niagara et que je me lave les dents à la galette saucisse et au Lait Ribot. Je t’avoue que la dernière fois que je suis allé au Trans, c’était en 99, je crois… Et putain, c’était la guerre !!
Et le clip de We’ve Got The Magic ? Comment avez-vous rencontré Charlie Mars ?
Jérémie : C’est Gina qui est la plus proche de lui. On le connaissait vite fait, mais on s’est retrouvé à l’occasion de l’enterrement d’un pote il y a quelques années. Et puis, un jour, ils se sont revus tous les deux. Il devait être un peu bourré : « Allez, mais je vous fais un clip moi ! Carrément ! ». Tourné en un après-midi, et ensuite il a super bien bossé tous les trucs animés, le montage, etc. Grave efficace le gars ! C’est un balèze !! Et pour l’univers du truc, on a discuté genre 10 minutes, et on était direct d’accord.
Vagina Town – We’ve Got The Magic
Milk Milk Milk
Quelle est l’histoire de Milk Milk Milk ?
Jérémie : Au niveau de la zik, on fait souvent des morceaux avec des parties très différentes, sans forcément le prévoir, ça se fait comme ça. Sur Milk Milk Milk, c’est particulièrement accentué. C’est un truc que j’adore sur la fin des Beatles, par exemple (genre Happiness is a warm gun…). Sinon niveau texte, je participais à une émission de radio pour laquelle on a essayé une méthode débile qui consistait à baser la prochaine émission sur un thème choisi au hasard par l’un ou l’autre d’entre nous. Et à un moment, y a eu le « lait maternel ». De mon côté, je m’étais fixé comme contrainte d’écrire un morceau par thème. La plupart ont fini aux oubliettes, mais celui-là est resté. Alors par contre, c’est pas exactement sur le lait maternel, mais sur les mecs qui sont en surkiff sur le lait « mammaire » en général. Et pourquoi pas ? D’ailleurs ça existe. J’ai vérifié. Alors il faut bien que ces gens soient représentés quelque part d’une manière ou d’une autre.
Vagina Town – Milk Milk Milk
Et celle de I Call Your Name ?
Jérémie : C’est notre côté messe noire, vieux films d’horreur et drone. Ça, c’est juste du pur plaisir, enregistré pendant le mixage avec synthé et cloche tibétaine. Typiquement le moment à la cool en train de tripoter des boutons avec Meriadeg. Et c’est aussi une chanson d’amour et de dévotion à Satan.
Vous allez jouer à Rennes le 1er décembre. Cela vous procure quel sentiment d’être affilié aux Trans Musicales de Rennes ?
Jérémie : Bah ça fait trois semaines que j’écoute que du Niagara et que je me lave les dents à la galette saucisse et au Lait Ribot. Je t’avoue que la dernière fois que je suis allé au Trans, c’était en 99, je crois… Et putain, c’était la guerre !! « All aboard the drug train ! » J’imagine que le XXIe siècle et sa cohorte de flics ont dû réussir à bien aseptiser tout ça… En même temps, d’après ce que j’ai pu en voir, on ne le domestique pas comme ça le Rennais ! Le mec, il vient pas pour déconner !
TOP 10
1) Le meilleur album de 2016 ?
Jérémie : Je dois nous compter dedans ? (rires) Je t’aurais dit J.C. Satàn, mais c’est peut être de 2015. Y’a aussi celui de Nursery, excellent groupe nantais. Notre pote Romain Marsault de Birds Are Alive s’est mis à la chanson et se tire avec brio de cet exercice périlleux. Et Seal of Quality (sur Kythibong aussi) ! Bah en fait y en a plein… Mais je t’avoue que j’écoute principalement des mecs morts depuis un bail…
2) Le pire ?
Jérémie : Ou bah là, c’est pas le choix qui manque… On m’a parlé d’un duo Bruel/La Fouine, mais j’ai pas encore eu la chance de l’écouter… Christine and the Queens, c’est bien affreux par exemple. Mais je sais pas si c’est de 2016 non plus… Sinon y a pleins de petits groupes comme nous qui font des disques bien merdiques, mais dont je tairais le nom par corporatisme de petit producteur poujadiste.
3) Le disque que tu attends le plus ?
Jérémie : Le disque où on entendra Poison Ivy refaire un truc. Et le disque où Eagles of Death Metal apportera son soutien à Jean-Luc Mélenchon. Et le disque caritatif de Noël chez Born Bad avec un couplet Magnetix, un couplet Cheveu, etc, façon Arménie.
4) Le disque qui va forcément te décevoir ?
Jérémie : Notre futur feat avec Booba, parce que je ne saurai pas quoi dire quand on me demandera de quoi ça parle…
5) Le disque que tout le monde a écouté sauf toi ?
Jérémie : Ah bah là, y en a pas mal… Faut que je te dise que je n’ai jamais vu Titanic, Amélie Poulain, Forrest Gump, etc. Bah en zik, c’est pareil ! J’ai jamais vraiment entendu Metronomy, tous les trucs de mecs avec des tronches blasées… les trucs pour tweetos dépressifs. Ou sans le savoir en faisant mes courses quand je me demande quel choix faire entre deux marques de lardons. Quand je vois les trucs qui passent dans des énormes salles ou festivals, j’en ai jamais entendu parler… J’écoute plutôt du Shirley Ellis, Lee Moses, Nathaniel Myers, Jackie Wilson, Ike and Tina… c’est te dire que c’est pas facile tous les jours…
6) Le disque que personne ne te soupçonne d’écouter ?
Jérémie : Appetite For Destruction des Guns N’ Roses (mais en général j’arrête à la moitié…), Les gens du show-business de Sardou (le punk ultime ce mec…), Princes de la Ville du 113. Mais alors là, les autres vaginettes ont vraiment honte… et on les comprend !
7) Ta bande originale de film préférée ?
Jérémie : Halloween de Carpenter, Terminator (le premier hein !), Lords of Salem de Rob Zombie, le morceau au centre de l’histoire est bien creepy ! Et Coup de tête, L’aile ou la cuisse. Et sinon celles de Tarantino sont pas mal en général. Et celle de Twin Peaks bien entendu !
https://www.youtube.com/watch?v=dTp6d7Bw79A
8) CD ou Vinyle ?
Jérémie : CD, vinyle, K7 tant que tu me l’achètes !
9) Le producteur de tes rêves ?
Jérémie : Alors ça dépend de ce qu’on appelle producteur… Geoff Emerick, le gars c’est un tueur !
Sinon le producteur de mes rêves, ça reste moi-même dans le sens où je suis très attaché à l’autoproduction, pour ce qui est de mes rêves.
10) Si tu pouvais créer un festival… Quel nom lui donnerais-tu ? Quels groupes inviterais-tu ?
Jérémie :Le DEAD FEST avec James Brown, Lux Interior, Daniel Balavoine, Al Green, Jean-Jacques Perrey, Michael Jackson, Sky Saxon, Paul McCartney et Jean-François Copé.
Vagina Town – 11 Love Songs
11 Love Songs des Vagina Town est disponible via Kythibong Records.
- We've got the Magic
- Say the word
- Satan
- I wanna be your puppy
- Hvala
- Need Money
- Chicken space pie
- Countdown
- The Drug Train
- Milk Milk Milk
- Black Hole