Lauren Stuart s’est donc prêté au jeu des cinq questions accompagnées d’une playlist composée d’albums intemporels.
Lauren Stuart en cinq questions
Ton souvenir de concert ?
Discographie
Lauren StuartAvec Lauren Stuart, j’évoquerais un concert donné en avril 2014 au Hot Club de Lyon, un club de jazz où l’histoire de la musique suinte de tous les murs, où sont passés Miles Davis, Duke Ellington, Boris Vian et d’autres, depuis 1948. Me retrouver là, modeste chansonnier pop, ça m’a paru complètement fou. Même si j’ai parfois joué dans des lieux beaucoup plus grands, je dois dire que j’étais très impressionné. Il y avait un piano ¼ de queue sur scène, j’étais accompagné ce soir là par Valentin Gerdil, Sophie Moulin et Christian Quermalet (The Married Monk), c’était une belle soirée, j’ai trouvé le public particulièrement attentif – peut-être était-ce lié à la charge émotionnelle du lieu ? J’ai le souvenir d’un très beau moment musical en tous cas, et d’un certain sentiment de fierté je dois l’admettre.
Ta rencontre en tournée ?
Il y en a eu tellement ! C’est le principe et l’intérêt même des tournées, les rencontres. Celle qui me vient à l’esprit immédiatement date un peu, mais elle a encore des répercussions aujourd’hui dans ma vie de musicien. Je parle du moment où j’ai croisé Alex Kacimi pour la première fois. Ce n’était pas vraiment en tournée, mais en studio : A*Song, son groupe d’alors (et celui de Thibauld – Trumpets of Consciousness), enregistrait au même endroit que Déjà Vu, mon groupe d’alors. C’était en 2005. Nous nous sommes rencontrés à ce moment là et nous avons partagé de nombreuses scènes et tournées par la suite. Plus tard, Alex est parti à Genève et lança ses Rebels of Tijuana, mais nous sommes toujours restés en contact. Aujourd’hui nous faisons enfin un album ensemble et c’est Lauren Stuart meets The Monkberry Moon Orchestra sur lequel il joue de la basse. Une belle collaboration, une belle histoire d’amitié musicale, qui dure, vraiment chouette.
Lauren Stuart meets The Monkberry Moon Orchestra – Eternal
Ton anecdote dans le van ?
Bah on n’a pas vraiment de van en fait, maintenant. On en a eu un à l’époque de Déjà Vu, un vieil Iveco Daily que j’avais acheté grâce à mes indemnités de licenciements (avec un ampli Orange et une guitare Epiphone !). Mon rêve avait toujours été de tourner et c’était le moment de se lancer, j’ai crânement tenté ma chance, les autres ont été assez fou pour partager ce rêve avec moi. Il ne m’en reste que des bons souvenirs avec le recul, même si on a vécu pas mal de galères. Un pneu qui explose sur l’autoroute en revenant de Bordeaux ; une fois où on a du pousser le camion chargé pour qu’il redémarre, sur une aire de repos. C’était une vieille bétaillère peu vaillante, qu’on a probablement trop poussée dans les tours, et qui a fini par rendre l’âme. Je crois qu’un gars nous a racheté la carcasse pour une somme symbolique, je me demande bien ou elle est maintenant.
Ton prochain album ?
Honnêtement, je n’en sais rien. A l’heure actuelle, je ne sais même s’il y en aura d’autres. Tout est devenu tellement difficile, tellement incompréhensible. Je me sens un peu largué tout de suite. Ce dont je suis sûr, c’est que je continuerai à faire comme je l’ai toujours fait : écrire quand j’en aurai envie, quand j’en ressentirai le besoin, et voir ou ça me mène. Pour moi, ce sont toujours les chansons qui m’indiquent la direction à suivre, la façon d’enregistrer, les musiciens avec qui collaborer. En fonction de l’ambiance, de ce que ça raconte. Il y a encore beaucoup de rêves que je n’ai pas accomplis, alors je ne suis pas trop inquiet pour la suite. Je n’ai aucune pression, c’est l’avantage d’être totalement indépendant. Par contre, je ne crois pas faire un EP un jour, je trouverai ça régressif. Ou alors un double EP, avec deux thèmes et deux sons totalement différents, ça pourrait être sympa.
Ton prochain rêve ?
J’aimerais enregistrer avec un orchestre à cordes. J’aimerais faire un album de musique électronique. J’aimerais pouvoir produire un truc totalement barré. J’aimerais enregistrer un album en 5 jours, totalement live, à l’ancienne, avec des musiciens qui découvrent les chansons au fur et à mesure. J’aimerais faire un disque foutraque et kaléidoscopique. Je ne sais pas si une vie suffira pour tout ça, ni même si j’ai assez de talent, mais je vais essayer. Ce qui compte surtout pour moi, c’est de donner du sens à ces rêves.
En écoute avec Lauren Stuart
Lauren Stuart - fait sa playlist
- I AM KLOOT – Hold back the night (live)
I am Kloot est un trio de Manchester qui égrène les albums réussis depuis le début des années 2000, oscillant entre pop, folk et feeling jazz. Ils ont sorti l’an dernier un live regroupant leurs titres les plus marquants et c’est de très haut vol. Certaines versions, plus vivantes, me semblent encore meilleures qu’en studio, et la voix nasillarde du chanteur/guitariste John Bramwell est typiquement Mancunienne. Si jamais vous êtes passé à côté…
- LOVE – Forever Changes
Un classique que j’écoute régulièrement depuis peut-être 20 ans maintenant, mais qui ne cesse de m’étonner. J’ai l’impression de le redécouvrir à chaque fois que je le pose sur la platine, c’est assez unique. Le songwriting est de haut-vol, les arrangements millésimés, c’est totalement intemporel et pourtant complètement dans son époque. Du très grand Art.
- AIR – 10 000 htz legend
On a tendance à l’oublier, mais le groupe le plus classe de ces (presque) 20 dernières années est français, et s’appelle Air. De Premiers Symptomes à Talkie Walkie, c’est un sans faute. Mon préféré est sans doute ce 10 000 htz legend, leur disque le plus iconoclaste, qui mélange cordes et beat électro, envolées psychédéliques floydienne et même parodie de hit radio made in USA. Le tout pourrait tomber dans le kitch, mais c’est fait avec tant de classe et d’érudition que l’admiration s’impose.
- Kevin MORBY – Singing waw
J’ai découvert Kevin Morby un peu par hasard, je ne sais plus par quel biais, peut-être sur un forum musical. Je n’ai pas totalement accroché, immédiatement. Mais après une écoute attentive de Singing Saw, évidemment, je suis tombé sous le charme. Plus encore après l’avoir vu en concert à l’Epicerie Moderne. Pour moi c’est vraiment ce qui se fait de mieux en ce moment, une écriture très pure.
- Paul McCartney – Ram
Il est toujours de bon ton de railler le gentil Paul McCartney, mais pour se remettre de sa dépression whisky post-beatles, il est allé vivre deux ans en pleine campagne en Ecosse avec femme/enfants/chevaux/moutons. En retour il nous a offert ce disque fou et bucolique, complètement décomplexé, ou il se lâche comme jamais. Folk, blues, pop songs chantées en canon, petits machins sans prétention, grandes envolées de cordes, il y a plus de vie sur Ram que dans l’ensemble des albums de nombreux contemporains.
- John Coltrane – Ole
Ole Coltrane c’est l’album qui m’initia à John Coltrane et je suis toujours autant fasciné par ce LP. Le piano de McCoy Tyner y est particulièrement envoutant, c’est presque du psychédélisme avant l’heure, la dissonance est magnifique. L’influence de la musique espagnole y est palpable. Et puis il y a ce son, partagé par les plus grands disques jazz, à écouter en vinyle : on a le sentiment que les musiciens jouent en direct dans la pièce, c’est fabuleux.
- Pete Astor – Spilt Milk
Pas un gamin Pete Astor, il officiait déjà au début des années 80 au sein de The Weather Prophets. Il a sorti en 2016, en toute confidentialité, un album merveilleux, simple et gorgé de petites pépites pop, en bon artisan. L’influence du Velvet Underground y est assez palpable. Le genre de disque qui ne devrait pas passer si inaperçu.
- Pink Floyd – The piper at the gates of dawn
J’ai récemment lu un ouvrage très complet sur Syd Barrett, fondateur/chanteur/songwrtier originel de Pink Floyd, donc je suis donc retombé dedans. Syd est allé explorer des espaces étranges, inédits, et n’en est jamais revenu. Il nous reste 3 albums – Piper, Madcap laughs, Barett – et puis le silence d’un homme troublé qui s’est volontairement (ou pas) mis en retrait du monde. Cela restera la plus grande énigme de l’histoire du rock et un poignant témoignage des ravages des drogues psychédéliques sur toute une génération d’aventuriers.
- MGMT – Congratulations
Un disque frénétique, avec des tonnes de chansons à tiroir, des idées qui fusent de partout, c’est un véritable festival. Avec autant de matière, certains auraient pu écrire trois albums, mais MGMT a simplement écrit l’album psychédélique moderne parfait. Au-delà du son et des arrangements (beaucoup copiés depuis), c’est surtout l’écriture qui m’intéresse, et malgré le fait que la pochette soit probablement la plus laide de tous les temps, je crois que c’est simplement l’un des meilleurs albums de ces dernières années.
- Nick DRAKE – Five leaves left
Impossible de ne pas citer Nick Drake. Bon, je me rends compte que cette playlist est très classique dans son ensemble, mais j’ai volontairement choisi d’évoquer des albums et des artistes qui comptent énormément pour moi et bien sûr, Nick Drake en fait parti. Quant à la musique, il n’y a rien à en dire, il suffit d’écouter.
- Father John Misty – I Love You, Honeybear
C’est un peu comme si Bonnie « Prince » Billie avait mangé Graham Parson qui aurait mangé une cathédrale avec des cordes et des cuivres déguisés en ours. Ce Father John Misty, qu’on pourrait trouver un peu emphatique de prime abord, nous offre quelques chansons d’une beauté à couper le souffle. Je vous conseille d’écouter attentivement Bored in the USA et Holy shit !
Plus d’informations sur Lauren Stuart sur son site.
Lauren Stuart - Meets the Monkberry Moon Orchestra