Kid We Own The Summer (Vietnam/Because Music) vient de sortir. Il fait suite à l’excellent Night Moves qui a reçu de nombreuses louanges. Comment tu as envisagé ce nouveau disque, une évolution dans la continuité ? Ce disque est à la fois proche et différent de Night Moves.
Le précédent disque a été une étape importante car il m’a ouvert des portes dans la tête, notamment revenir à quelque chose de plus simple dans la composition et dans la narration. J’ai voulu parlé d’histoires humaines simples, sans filtres sans métaphores filées comme sur les précédents disques, sans avoir besoin d’un fil rouge. Donc forcément cela amène quelque chose de plus intime. Et du coup j’ai aussi essayé de changer mon rapport à la voix, de chanter plus doucement, avec beaucoup plus de proximité.
Discographie
H-BurnsTu as donc composé dans ton home studio ?
Ce qui est amusant c’est que le son du disque vient un peu des contraintes et des moyens du bord, j’ai presque tout fait sur un petit orgue en plastique avec des boites à rythme et des sons de flûte, et du coup il y a à l’origine ce son un peu synthétique. Et l’on s’est rendu compte que sur les maquettes il y avait des sons de boites à rythme que l’on aimait bien, que l’on n’aurait pas avec une vraie batterie. Donc on a gardé quelques éléments pour coller à l’impulsion de départ, par exemple on a remplacé les cymbales par des boites à rythme. Et d’ailleurs dans l’édition deluxe sortie le 3 février on a mis un disque avec les démos pour se rendre compte de la matière sur laquelle on a travaillé.
On a souvent évoqué Springsteen à ton propos car tu as repris I’m on fire mais il y a une vraie proximité sur Kid We Own The Summer.
C’est sans doute parce que sur I’m on fire par exemple, il a un batteur métronomique. Mais un autre disque du Boss a été une vraie source d’inspiration, c’est Tunnel of love en 1987 enregistré chez lui, quasi tout seul avec une boite à rythme, il en parle dans son autobiographie Born to run que je viens de finir.
Bruce Springsteen – Brilliant Disguise
S’il on revient à ton disque et à ce titre, d’où vient cette très belle expression, Kid We Own The Summer porteuse de lumière et tellement rassurante dans ce monde aux nuages sombres.
C’est toujours difficile de se rappeler de l’impulsion originelle mais pour ce morceau, je voulais absolument finir sur une phrase qui n’arrive qu’une seule fois en conclusion, qui fasse un peu comme la dernière réplique d’un film que l’on retient, avec un côté donc très cinématographique. Je voulais cette phrase-là qui symbolise la fin de l’adolescence, le passage à l’âge adulte, la perte de l’innocence. Le disque évoque tout cela, le dernier été avant la fin de la jeunesse. Je me suis plongé dans plein de teenage movies pour être dans une écriture innocente, tenter d’attraper ce truc-là, cette idée de cocon adolescent qui disparaît à jamais. J’ai revu tous les John Hughes avec bien sûr en tête Ferris Bueller’s Day Off qui n’est pas qu’une comédie, une sorte de 400 coups version teenage movie, avec par exemple le monologue d’un personnage qui veut se rebeller et sortir de son carcan familial et social, être lui-même, devenir quelqu’un. Cela en est presque émouvant et c’est ce que j’ai voulu capturer dans mes petites histoires de gens qui se croisent, de gens qui se loupent.
Ferris Bueller’s Day Off – Opening Monologue
Et la magnifique pochette c’est le crépuscule ? L’aube ?
Cette photo a été prise dans les steppes russes donc on ne sait jamais si c’est le début ou la fin de journée. Moi je penche pour la fin et surtout c’est quelqu’un qui avance vers une destination inconnue.
Tu as enregistré ce disque dans le ‘Wooden D’, l’antre de Denis Clavaizolle (Bashung, Murat, Darc) à Cournon d’Auvergne ?
Denis avait travaillé sur les pré-prod de Night Moves et je voulais faire de ce nouveau disque un disque de claviers et dans un cocon. On a visité son nouveau studio, une véritable cathédrale de bois dans un jardin où tu te sens comme à la maison avec dedans un musée des claviers vintage. Alors on s’est tout de suite senti bien et comme je voulais cela soit un album qui prenne le temps, à la fois que l’on sente que l’on a pris le temps de le faire, que l’on prenne le temps pour l’écouter, quitte à prendre le temps de l’apprécier, qu’il reste. Je voulais que cela ne soit pas de la consommation immédiate qui s’évanouit, même si on ne l’aime pas forcément au départ mais sur la durée, cela me plairait davantage.
Il risque de rester car il y un vrai sens des mélodies qui accroche l’oreille, cela semble facile…
Je ne suis pas le mieux placé pour en parler mais en tout cas je m’attache à la simplicité et ce que j’admire par exemple chez Springsteen c’est qu’il est capable avec trois notes de synthé et deux accords de faire un film entier en trois minutes trente et je tends vers cela. Donc chez Denis, on avait tout sous la main, on est resté un mois et demi, c’était un terrain de jeu hyper agréable. Et puis ensuite Rob Schnapf a apporté une oreille neuve au projet pour le mixage. Il a mis en lumière le disque, lui a donné sa couleur. C’est un moment important où parfois on n’utilise pas certaines pistes car on a tendance à mettre beaucoup de choses alors on épure, on raccourcit les histoires, on avait un bouquin de mille pages et on en fait quelque chose de digeste de quatre cent pages.
Bertrand Belin tisse les cordes sur le disque et il y aussi la sublime voix d’Alma Forrer au chœur…
J’avais croisé Alma à un concert que l’on avait fait pendant le festival du court métrage de Clermont Ferrand, je cherchais quelqu’un capable d’avoir une voix assez haute et un timbre assez sensuel, en fait ce que j’aime ce sont les voix que l’on entend sans entendre. Je cherchais quelqu’un avec une voix qui à la fois perce mais aussi qui aussi s’insinue dans les morceaux. Pour Bertrand, j’ai l’impression que l’on se connait depuis tout le temps, et ce n’est pas le cas, on se connait depuis 5 ou 6 ans. On a travaillé ensemble sur un concert hommage à Bob Dylan à la cité de la musique organisé par Syd Matters, j’avais été estomaqué par Bertrand qui avait repris un titre fleuve de Modern times intégralement traduit en français, c’était magnifique et fou. On s’est rendu compte que l’on avait le même tourneur à l’époque, que cela serait chouette de jouer ensemble. Ensuite avec Jonathan Morali de Syd Matters on a fait un EP vinyle pour le Disquaire day à six mains. Et puis surtout j’aime sa façon non académique de jouer du violon et j’aime enfin son regard littéral sur la musique. Quand il vient et qu’il se met dans les chansons, il vit les chansons. Il était en plein milieu de sa tournée et il a passé ses trois jours off pour mettre les violons sur le disque et il tenait à découvrir les morceaux en studio même si j’avais quelques petites idées d’arrangements sur les maquettes. Lui était très content car il pouvait jouer du violon ce qu’il ne fait pas sur ses propres disques. Et puis moi cela m’a fait du bien à ce moment-là du processus d’avoir son regard frais sur les chansons car parfois on a trop le nez dans le guidon et plus trop de recul.
Lui a écrit deux romans, cela te tente ?
Il ne faut jamais dire jamais mais j’ai juste l’impression de ne pas être suffisamment organisé dans ma tête pour arriver à écrire quelque chose qui est plus qu’une chanson de trois minutes trente. J’ai l’impression que ma concentration s’arrête là. Je pense que ce n’est pas du tout la même gymnastique intellectuelle de faire un livre, je suis plus à l’aise dans la pop song. Pour l’instant mon cerveau me dit que c’est un projet trop grand, mais pourquoi pas.
Y-a-t-il des morceaux qui se sont perdus en route ? tu en a écrit beaucoup pour ce disque ?
Pas trop, il y a deux morceaux qui vont être en bonus sur deezer et que l’on a envie d’avoir en 45 tours sur la tournée car ce sont deux chansons que j’aime bien, que l’on a écarté juste pour des questions de narration, d’efficacité, de tempo mais j’ai envie qu’elles existent, on les jouera sans doute aussi sur scène.
Tu seras en concert avec Woods à l’Épicerie Moderne, tu peux nous en dire quelques mots ?
Je les avais vus à Lyon il y a deux ans durant les ‘Summer Sessions’ du Transbo, ils étaient en galère technique, dans l’enfer des larsen, ils avaient dû écourter leur set. Donc je suis très content de les revoir, en plus je devais les écouter à Los Angeles, à The Echo, mais on les a loupés, donc je ne les ai pas vu dans de bonnes conditions et j’ai hâte car j’aime beaucoup With Light and with Love (2014) et je trouve que le plateau est chouette avec ce côté West Coast que nous on a été chercher et eux dans lequel ils vivent.
Et puis donc tu seras sur la scène de la Belle Electrique que tu affectionnes avec des invités.
Oui, avec duo batterie orgue psyché de Grenoble, Moonrite qui fait des projections, et puis Bertrand Belin en special guest juste en duo avec sa batteuse Tatiana Mladenovitch pour un set construit pour l’occasion.
J’ai vu que l’on avait un point commun, le groupe américain Weezer, les as-tu vu concert car moi jamais ?
Et non ! cela fait partie de ces groupes qui sont ‘huge’ aux Etats-Unis et qui viennent peu ou pas en Europe, sans doute les cachets sont démesurés par rapport au public français. Mais j’adore car cela colle bien à ma passion pour les ‘teenage movies’…
Tu joues dans un autre groupe à guitares, les 51 black super, vous avez sorti un premier disque détonnant il y un peu plus d’un an, y a-t-il une suite de prévu ?
Oui, oui, on a fait une première session de compositions, et il en est sorti sept chansons, on avait aucune obligation de suite mais on aimerait les sortir, il en manque trois ou quatre et on pourra enregistrer.
Tu parles beaucoup de cinéma, alors pour finir peut être un coup de cœur ou un groupe à faire découvrir ou un livre ?
Alors récemment j’ai vu ce très beau film, Manchester by the sea sans doute le plus beau mélo de l’année, au sens noble du terme, c’est très prenant, très noir, mais très beau et le coté côtier du film m’a beaucoup plu. Et sinon en groupe peu connu, la guitariste de Kevin Morby, Megg Duffy a un projet nommé Hand Habits dont l’album, Wildly Idle (Humble Before The Void) est sorti en février sur le label de Woods, Woodist et c’est de toute beauté. Et puis en livre bien sûr l’autobiographie de Springsteen que je suis en train de finir qui est très surprenante car très intime, il évoque longuement sa dépression parfois avec humour quand il raconte que son psy décède et qu’il emporte avec lui trente ans de dépression du Boss que l’on n’imagine pas déprimé.
Cela serait un rêve ultime de jouer avec lui, même si ses concerts durent trois heures trente et qu’il n’y a pas de première partie ?
En juillet dernier à Bercy, il a invité Elliott Murphy et son fils à jouer sur Born to run, je suis partant (rires).
Et pour finir ta chanson du moment de Springsteen ?
Je l’ai vu deux fois cette année, aux Etats-Unis et à Paris, deux fois pour la ressortie de The River et il a envoyé un Stolen car de toute beauté, c’est un morceau qui me fascine, c’est hors du temps, tellement simple et c’est ce que j’ai essayé de faire modestement sur Kid We Own The Summer.
H-Burns sera en concert à l’Épicerie Moderne le 28 mars avec Woods et à la Belle Electrique le 6 avril avec Bertrand Belin.
H - Burns - Kid We Own The Summer
14 Déc 2024 | La Sirène (H-Burns 20 Years Anniversary) La Rochelle (FR) | TICKETS |
10 Jan 2025 | Théâtre des Cordeliers (H-Burns 20 Years Anniversary) Romans-sur-isère (FR) | TICKETS |
14 Jan 2025 | Trabendo (H-Burns 20 Years Anniversary) Paris (FR) | TICKETS |
16 Jan 2025 | Club Transbo (H-Burns 20 Years Anniversary) Villeurbanne (FR) | TICKETS |
Dates de concerts fournies par Bandsintown