La question se pose donc avec une certaine acuité : pourquoi écouter les Drums en 2017 ? Pour les chansons pardi ! Abysmal Thoughts contient tout ce que le nouveau Ride n’a pas : de vraies belles chansons avec des guitares scintillantes. Désormais signé chez ANTI et seul aux manettes, Jonny Pierce revient donc avec un disque qui met un coup de frein à main sur la discographie du groupe et qui nous renvoie au son que les Drums auraient pu avoir à leurs débuts. Enregistré à Los Angeles, Abysmal Thoughts simplifie l’affaire (qui s’était diablement compliquée avec Encyclopedia) et voit le fan des The Durutti Column qu’est Pierce rendre une copie impeccable.
Le seul défaut au final de ce disque est sa pochette. Comment les mecs d’ANTI ont pu laisser passer un tel machin ? A quoi sert un directeur artistique ? A rien ! Si ! La preuve avec la pochette du nouvel album des The Drums. Mais qui a signé le bon à tirer de cette pochette ? Qui ?
«Peu importe le flacon, pourvu l’ivresse» dit le dicton. Abysmal Thoughts est aussi bon que sa pochette est atroce.
Enchanté !
Jonny Pierce : Comment vas-tu aujourd’hui ?
Discographie
The DrumsBien et toi ?
Bien ! Allons-y ?
Comment t’es tu retrouvé sur le label ANTI ?
Je vivais désormais à Los Angeles. Mon manager me les a recommandés. Leur siège se trouve à 3 minutes à pieds de chez moi. Je ne vais pas me blesser pour 3 minutes de marche à pieds. Donc j’y suis allé. Nous avons parlé de notre président. Et puis, ils m’ont avoué qu’ils me suivaient depuis le début. « Tu es un outsider et tu es très difficile à classer. On aime tout ton travail ». Je suis visiblement difficile à ranger dans une case. Ils aiment travailler avec des mecs bizarres et ont voulu le faire avec moi, et ça tombe bien, parce que c’est comme ça que je me vois, ainsi que les Drums et mon univers. Je n’appartiens pas à une mouvance, genre la scène new-yorkaise, la scène de L.A., la scène indie, le top 40, etc. J’ai toujours eu le sentiment de ne pas savoir où me placer au milieu de tout ça. C’était un peu comme une crise identitaire, en tant que musicien, pendant des années. A l’époque où j’ai écrit Encyclopedia, je me suis dit « Peu importe à quel groupe j’appartiens, ce qui compte c’est ce que je fais ». Du coup, quand je les ai rencontrés, je me suis dit « waouh, ça y est, quelqu’un comprend finalement qui je suis ».
Le fait qu’ils aient aussi signé les Cramps n’a rien gâché, au contraire, c’était une valeur ajoutée. Ils m’ont accueilli et m’ont laissé libre de mes faits et gestes. Je suis visiblement inclassable. Je viens de Brooklyn et j’arrivais sur la scène de Los Angeles. Après tant d’années, j’ai enfin trouvé des gens qui me comprennent.
Comment as-tu rencontré Jonathan Schenke ?
C’est une question intéressante. On ne me l’a pas encore posée. Je ne sais toujours pas exactement ce qu’il a fait avec Parquet Courts. J’ai adoré le premier album de Parquet Courts. Je l’écoute toujours chez moi et je voulais que mon nouvel album sonne comme eux. Je n’avais jamais travaillé avec d’ingénieur du son avant, j’ai toujours tout fait tout seul, je n’avais jamais rencontré quelqu’un avec qui j’avais envie de travailler. Un jour, je marchais seul sur sur Santa Boulevard à L.A., en écoutant Parquet Courts, et j’ai eu un grosse envie de le rencontrer. j’ai franchi le cap. Je voulais ce gars. Je n’avais pas envie du truc classique, tu rencontres 5 ingénieurs du son, tu vois ce que chacun te propose, tu choisis celui qui te convient…
Les choses se sont faites très naturellement et très rapidement. Ce qui est étonnant car je ne suis pas fait pour le travail d’équipe. Je suis un solitaire et je déteste collaborer. Nous avons trouvé notre voie malgré le fait que je n’aime pas collaborer. C’est horrible de bosser avec moi, je suis tellement un control freak… Ce fut un exercice de patience, de juste écouter, apprendre… Et au final, on a fait précisément ce que je voulais depuis le départ ! Je crois que c’est comme ça que sera ma carrière : j’ai une vision très spécifique de ce que je veux. Il m’a aidé à mettre en forme exactement ce que je voulais, et l’album sonne le mieux possible.
Ce fut facile cet enregistrement ?
C’est digne de Jackson Pollock, un vrai bordel, il y en avait partout! J’habitais à New-York et je vivais une relation amoureuse très importante qui a commencé à s’effriter sous mes yeux. Et quand ça arrive, et malheureusement, ça arrive souvent, j’accueille en quelque sorte cette tristesse, car je sais que ça va transformer mon coeur en quelque chose de plus excitant. Puis j’ai déménagé à Los Angeles avec ce gars, dans un grand appartement, avec une pièce qui était un studio. J’étais vraiment triste à L.A, c’était de pire en pire, et les chansons étaient de mieux en mieux. C’est le genre de situation où tu te dis : « est-ce que je vais voir un psy ou pas, parce que je suis en train d’écrire un bon disque, je crois…? ». Finalement, nous avons rompu, et quand c’est arrivé, j’ai décidé de rentrer à New York. Donc sur la moitié du disque, il y a ces chansons tristes, sombres, pleines de regrets, d’angoisse. Et quand je suis arrivé à New York, je suis allé dans un petit studio là-bas, et j’ai écrit l’autre moitié de l’album, et ces chansons sont plus réflexives, analysant la situation avec du recul. Certaines sont même victorieuses et pleines d’espoir, parce que j’avais pris une sacrée leçon, et je sentais que j’allais aller bien, que ma vie n’allait pas s’écrouler. Quand je débute une relation, je plonge vraiment dedans, et c’est une belle façon de le vivre, mais c’est aussi très risqué, je tombe amoureux très fort, mais ça s’arrête aussi très fort, très durement. Concernant l’enregistrement en lui-même, j’ai utilisé mon matériel habituel : ma bonne vieille Fender, l’enregistreur japonais avec lequel j’avais fait mon EP, le synthétiseur, des trucs que j’avais eus quand j’étais ado. Il y a des sujets, comme le sexe, la cocaïne, bref des thèmes qu’avant je ne m’autorisais pas à aborder, mais maintenant, oui. J’ai toujours eu une écriture personnelle, mais maintenant j’ose vraiment y aller, cette totale liberté est très réjouissante.
The Drums – Heart Basel
Et ce titre d’album ?
Il symbolise la période sombre que j’ai traversée, beaucoup d’introspection.
Quand j’étais enfant, je m’étais toujours dit (j’ai grandi dans une famille franchement difficile, j’avais peur de la vie) que quand je serais grand, je maîtriserais tout, tout irait bien. Finalement, tout ce que j’ai découvert, c’est l’opposé… Tu es plein d’espoir, tu commences à comprendre certains aspects de la vie, mais quand j’ai une réponse, j’ai 20 nouvelles questions qui en découlent, puis les réponses à ces 20 questions, donc 100 nouvelles questions, etc. Donc je me sens toujours un peu confus… quand j’étais plus jeune, j’étais assez encombré par des questions existentielles, genre « à quoi tout cela sert-il ? Pourquoi sommes-nous là ? ». Je suis sûr que tout le monde pense à ça, mais je ne sais pas si c’est aussi trois fois par jour, tous les jours. Et puis, ça arrive n’importe quand, par exemple quand je suis en train de m’amuser, dans une super fête, hop ces pensées arrivent d’un seul coup… Ou avec 10 copains en train de rire, et c’est comme si je voyais apparaître un fantôme, donc ça m’extrait du moment que je suis en train de vivre, et c’est assez dur d’y revenir.
Et avec cette rupture, ça a été très dur, j’ai fait une dépression qui donne un côté sombre au disque.
Quelle est l’histoire de la chanson Shoot the Sun Down ?
Quand j’enregistrais dans ce studio, je traînais avec un adorable type qui était très beau. J’étais très triste à l’époque. Nous sommes partis camper ensemble, avec 5 bouteilles de vin et nous nous sommes posés pour admirer le lac… On a vu le soleil se coucher sur l’herbe, on s’est réveillés alors qu’il se levait, comme dans la chanson. C’était génial. Cette escapade m’a permis de m’échapper de la réalité. Quand le soleil s’est levé, j’ai mis une couverture sur ma tête, pour supprimer cette lumière, qui annonçait la fin de ce moment magique, le retour à la réalité. Je suis content que tu aimes cette chanson, généralement les gens en préfèrent d’autres, mais pour moi, elle est vraiment spéciale.
Et toi, quelle est ta chanson préférée sur ce disque ?
Je crois que c’est Under the Ice. Il y a quelque chose de fragile. Elle est simple, mais très triste. La plupart de mes chansons sont agressives, avec un gros refrain, mais Under The Ice, on dirait qu’elle est juste contente d’être sur l’album. Elle est là, avec son joli petit sourire.
TOP 5
Quelle est chanson préférée d’Orange Juice ?
Falling & Laughing.
Orange Juice – Falling and laughing
Londres ou Paris ?
Paris ! Mais j’adore vraiment Londres.
Le meilleur endroit pour voir un concert ?
Le Primavera.
Le meilleur endroit pour faire un concert ?
Pareil !
Ta bande originale de film préférée ?
Dancer In The Dark.
The Drums - Abysmal Thoughts
Abysmal Thoughts de The Drums a été publié le 3 juin 2017 via ANTI/Pias.
The Drums jouera le 20 septembre 2017 à La Gaîté Lyrique (Paris).
- Mirror
- I’ll Fight for Your Life
- Blood Under My Belt
- Heart Basel
- Shoot the Sun Down
- Head of the Horse
- Under the Ice
- Are U Fucked
- Your Tenderness
- Rich Kids
- If All We Share (Means Nothing)
- Abysmal Thoughts