Comment Berlin t’influence-t-elle dans ton écriture musicale ?
Brome : Berlin influence ma musique á plusieurs niveaux, mais ce qu’elle m’apporte le plus c’est une liberté dans la création. Quand je suis arrivé en 2010, j’ai beaucoup joué dans les bars et clubs, ce qui m’a permis de vraiment affirmer mon projet en live et ce, bien que je chante en français. Ensuite, le cadre de vie et de création est juste incroyable. Tu as vraiment les moyens de t’isoler pour travailler ta musique, faire aboutir tes idées, dans des conditions idéales et en même temps, c’est une ville où énormément de choses se passent en musique. C’est un passage obligé des tournées en Europe pour les groupes du monde entier, donc tu peux toujours voir les artistes que tu aimes en concert. C’est pour moi une grande inspiration, cette ouverture sur le monde qui vient dans ta ville. Après, peut-être évoques-tu le côté «party» et « électro » de la ville ? Quand tu découvres la techno minimale dans les clubs, c’est vrai que ça te marque. Cependant cette influence de l’électro reste plus infime et diffuse dans ma musique.
Brome – La cité
Quelle est l’histoire de la pochette de Grand bois ? Tu le prends mal si on te dit qu’elle fait penser à celle d’un disque de Mark Lanegan ?
Je ne le prends pas mal du tout quand tu parles de Mark Lanegan, je vois tout à fait – le côté squelette, tête de mort – mais je connais en fait très peu sa musique, je vais d’ailleurs aller écouter. Dès le début je voulais ce disque plus percussif et « africain » que mes précédents enregistrements. Je suis également très attiré par la photographie contemporaine, qui s’intéresse à l’Afrique. Pour la pochette, je voulais une photo dans cette ambiance. J’ai découvert le travail de Nicola Lo Calzo par hasard sur internet et je suis tout de suite tombé amoureux de ses photos. Très vite, je me suis arrêté sur celle-ci, comme une évidence. Pour moi, elle représente vraiment l’ambiance du disque et ce que je raconte dans les chansons, comme un résumé de l’album. Il y a l’Afrique, le vaudou, la nature avec la forêt, la plage, le ciel, un côté mystérieux et envoûtant des personnages, des relations humaines. Enfant, j’ai vécu en Côte d’Ivoire, et je retrouve tout à fait l’ambiance de mes souvenirs là bas. Je suis très heureux que Nicola ait accepté que j’utilise cette photo.
D’ailleurs pourquoi ce titre Grand bois ?
« Grand bois » est un lieu de culte à Haïti (mais aussi un chant de rituel ainsi qu’un esprit lié aux végétaux). L’art vaudou, son image et ses cérémonies m’inspirent beaucoup de part leur aspect magique et mystérieux, toujours en rapport avec la nature, les plantes et les animaux. Dans la chanson Ce soir particulier qui est sur le disque, « Grand bois » est aussi un animal (un personnage ?). Là encore, c’est pour moi une bonne synthèse des textes de l’album, en lien avec la nature et ses esprits protecteurs ou menaçants ; le côté parfois troublant de nos relations entre humains, mais aussi entre les hommes et la nature.
Pourquoi avoir choisi Kevin Ratterman pour le mix ? Pour le côté analogique ?
Mes amis musiciens Kyle Crabtree (Shipping News) et Ray Rizzo (King Kong, Dawn Landes) tous deux originaires de Louisville n’arrêtaient pas de me parler de lui et de son studio La La Land. Une grande partie de mes influences musicales sont américaines et même précisément de cette région, donc il est vrai que c’était un peu un rêve de toucher au « son » à l’américaine. Kyle et Ray me disaient « si tu veux aller en studio aux USA, il faut que tu ailles là-bas ». Du coup, je suis entré en contact avec Kevin, et à un moment ça m’est paru tout à fait naturel et logique d’aller mixer le disque là-bas. Kevin est une personne adorable et il est vrai que son studio est incroyable, c’est immense, avec du matériel analogique de fou, une décoration formidable ! Il a une technique qui mêle le numérique et l’analogique, et il est super rapide ! Nous avons parfois mixé jusqu’à cinq titres par jour ! En plus, il est fan de groupes européens, du son anglais, de Can, tout en ayant le gros son à l’américaine. C’était vraiment super intéressant du coup d’avoir toutes ces facettes sur m musique qui, elle même est très variée dans les influences.
On va évidemment penser à Dominique A et à une certaine idée du rock indé US. Comment définirais-tu ta musique ?
Il est vrai que mes influences originelles viennent des US, du rock indé (Smog, Low, Palace Brothers, Codeine) et aussi, justement, du post-rock de Chicago à Louisville (Tortoise, June of 44, Rachel’s, Joan of Arc, Shipping News, Slint), ainsi que des artistes comme Neil Young et Tom Waits. Mais, j’écoute énormément de choses différentes comme de la musique africaine, du hip hop, de la pop, de l’ambiant… Ma musique est une synthèse de toutes ses influences avec un chant ou spoken-word en français. Donc oui, il est normal, je pense, que l’on puisse me rapprocher de Dominique A qui est un des premiers à avoir accordé ses influences indé anglo-saxonnes avec le chant en français. Et, il est aussi une grande influence depuis que je l’ai découvert live à la sortie de son second album. Pour le français je pourrais également citer Katerine, Général Alcazar, Bertrand Belin, mais je pense que j’ai une autre manière d’écrire mes textes, justement, plus à « l’américaine ». Une écriture poétique en prose, un peu comme un Jeff Mueller ou Brian Mc Mahan.
Grand Bois de Brome sortira le 29 septembre (Arbouse recordings / Inouïe distribution).
Brome sera en showcase à Paris le 29 septembre chez Walrus (entrée libre) avant une tournée française à l’automne.
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