Le besoin d’ailleurs de Lewis Evans

Lewis Evans est un homme heureux. Et un chanteur heureux. Cela s'entend sur son nouvel album solo Man In a Bubble. Sur ce disque, il ne s'interdit rien et va où bon lui semble. Le résultat est admirable et l'effet produit nous fait revivre. Écouter Besoin d'ailleurs et vous serez en pleine forme pour la journée ! Man In a Bubble est le meilleur remède contre la morosité automnale.

Lewis Evans will never walk alone

Tu viens de Liverpool. Cela a un sens pour toi ?

Lewis Evans : Est-ce que cela a un sens ? Oui ! Il s’agit de mes origines, de ma première langue. J’ai quitté cette ville à l’âge de 12 ans mais il s’agit de ma famille. Quand je rentre à Liverpool, je dis que je rentre chez moi. Tu sais Liverpool, c’est très particulier. Il y a un accent.

Discographie

Le scouser ?

Oui, le scouser. C’est un peu comme le Marseillais ou le Ch’ti. Cela me fait un bien fou d’entendre cet accent.

Lewis Evans – Spring

Dans quel quartier de Liverpool habites-tu ?

Je viens d’Aigburth.

Et tu soutiens Liverpool ou Everton ?

Moi, je suis pour Liverpool. Mon père et mon grand-père soutiennent Everton. J’ai été dans la même école que Ian Rush. C’est un footballeur gallois qui a joué jusqu’à 45 ans. C’était notre Ryan Giggs des années 90.

Et quels sont tes groupes préférés de Liverpool ? Les La’s ? Les Coral ? Michael Head ?

Oui, tu viens de les citer. J’aime Echo & The Bunnymen. Liverpool m’a marqué à l’époque des Lanskies. On s’inspirait des Echo et de The Cure. Indépendamment de ça, j’ai été marqué par les Coral, les La’s et Cast. J’adorais Cast. Et les Zutons ! Aujourd’hui, j’ai l’impression que peu de groupes de cette ville s’en sortent. Quand Liverpool a été élue capitale Européenne de la Culture en 2008, beaucoup de salles de répétition ont été détruites. Le nouveau centre ville est moche.

Lewis Ewans

C’est ton deuxième album solo ?

Oui. J’ai publié Halfway to Paradise en 2015. J’ai enchaîné ensuite sur une commande : Jukebox Motel de Tom Graffin. La maison d’éditions Lattès m’avait demandé d’enregistrer un EP pour accompagner le livre de Graffin qui évoquait Johnny Cash et un des hôtels qu’il a fait en Californie. C’était une belle ouverture pour mon deuxième album solo. Je voulais faire quelque chose de psyché. Pas comme mon premier album qui était très pop. Mais attention, pop à la Phil Spector, pas pop comme Zaz. Tu vois les repères.

C’est amusant que tu dises le mot « repères » car on perd nos repères quand on écoute Man in a Bubble. Tu te lâches complètement !

Le problème c’est que je ne comprends pas pourquoi on veut une cohésion sur un album. Quand je jouais en groupe, on enlevait des chansons parce qu’elles étaient censées ne pas aller sur le disque. « Ah non pas celle-la, ah non pas celle-ci… ». Comme sur mon premier album. Là je voulais quelque chose à base de bois, mais je ne voulais pas me brider. Quand j’ai parlé à mes amis musiciens que je voulais de l’accordéon, ils m’ont pris pour un fou. Je les ai rassurés ! « Je ne vais pas faire ça comme Les Hurlements d’Léo« . Tous les groupes d’Angers vont me détester car je balance sur Les Hurlements d’Léo. Je voulais aller ailleurs sur ce disque comme en Afrique ou à Memphis. Mon label, Belleville Music, a fait faillite. J’étais censé être mort. Plus de label, plus de tourneur. L’album que j’avais enregistré n’est pas sorti. Je me suis transformé en Rocky et j’ai composé comme un malade. J’ai retrouvé un label et un tourneur après avoir fait le deuil de ce disque qui n’est pas sorti. Cela fait du bien d’écouter un disque en entier. Mais rien n’est réfléchi. Je ne voulais pas faire un disque patchwork pour faire un disque patchwork.

Tu chantes comme personne sur ce disque.

Je fais de la musique depuis longtemps. Onze ans je crois. J’ai joué dans un groupe punk avant les Lanskies. On me demandait de chanter cold wave. J’étais imitateur plus que chanteur. Ma voix me permet de faire le crooner, le punk. Je ne me suis pas trop soucié de ma manière de chanter sur le disque. Je ne me suis pas dit que j’allais chanter comme un rockeur ou comme un chanteur de pop. Je voulais faire quelque chose de particulier.

Et d’où vient la chanson Besoin d’ailleurs ?

Avant que ma compagne soit enceinte de ma fille, j’étais assez rock, voire punk. Un jour, un de mes amis a loupé son avion pour l’Argentine. Tu sais le genre de potes que tu n’as pas vu depuis 10 ans. Il vient donc chez moi, on boit, on achète 500 euros d’alcool en boite de nuit. Et là, black out à la Very Bad Trip. La police m’a retrouvé dans un buisson. Ils m’avaient géolocalisé grâce à mon téléphone portable. J’habite dans un petit village, ma compagne est C.P.E. au collège de ce même village.. C’était la honte totale. C’est donc une chanson de pardon. Je m’excuse d’être rentré tard, j’avais seulement le cafard…

Juliette Armanet chante sur ton album. Comment l’as-tu rencontrée ?

Elle a chanté sur Jukebox Motel. Indamour est issue d’ailleurs de Jukebox Motel. Je ne voulais pas qu’elle périsse sur l’album. J’ai de la chance d’avoir un éditeur, Maxime Delaunay, qui me la présentée. On a fait une chanson en une journée. Les choses se sont passées très simplement.

Lewis Ewans

Combien de temps as-tu mis pour enregistrer ce disque ?

J’ai déjà fait le deuil de mon deuxième album solo. J’ai voulu me relancer. Je n’avais aucun concert de prévu. Je faisais un concert dans un bar. Un petit rade… C’était au mois de novembre, un concert contre le cancer de la prostate. Il faisait froid, ma guitare était pourrie et je ne te parle pas de la sono. C’est toujours pourri de jouer dans les bars. Les gens discutent et se fichent un peu du concert. Il ne faut pas écouter les gens qui te disent que c’est bien. Lors de ce concert, un type était là et a joué avant moi. C’était Frédéric Buchet. Il a fait un set de malade à la Chet Atkins. Et quand je l’ai vu jouer, j’ai vu mon album. Je savais qu’il habitait près de chez moi et je lui ai demandé de me ramener chez moi. Je lui ai demandé de faire les arrangements de mon prochain disque. Ce qui est en somme une grosse prise de risques. Je ne l’avais entendu que dans un bar. Et le mec avait joué avec les Tahiti 80 et avait enregistré des disques à New-York. Il avait arrêté la musique et revenait un peu. J’avais 360 chansons et j’ai tout jeté. On a tout recommencé. Je composais des chansons, je lui envoyais, il me les renvoyait. On faisait du ping-pong. Et je lui demandais de FrédéricBuchetriser c’est à dire de rajouter de mandoline 12 cordes. Buchetrise, buchetrise ! Je n’avais pas d’argent, je n’avais pas de label mais j’étais remonté à bloc. Je voulais de l’accordéon sur l’album. Sur Google, je tape « Accordéon Autrichien Traditionnel ». Et là je tombe sur Howard Schmengen, un type qui a le physique pour jouer dans les films de Tarantino. Il est venu chez moi et m’a dit qu’il n’avait pas bu d’eau depuis des années. Il est resté 4 jours et a bu que de l’alcool. J’ai trouvé Nicolas Chopin pour le chant d’opéra. Ce disque est une accumulation de rencontres et de risques. Cela fait dix ans que je cherche un gros tourneur. Et bien j’en ai enfin trouvé un. On a invité la presse à faire de la bière au lieu de faire une conférence de presse classique. Et là j’ai signé chez un gros tourneur. Surréaliste !

Et cette pochette ?

On la doit à Boris Michel de Perry. PiiAF, une petite radio, a playlisté ma musique. C’est lui qui faisait l’artwork pour cette radio. On s’est rencontré comme ça. Je voulais un peu un truc à la Blake & Mortimer ou comme certains de mes tatouages. C’est une belle réussite. Après je ne me prends pas la tête pour la pochette. C’est pour les geeks qui écrivent des livres.

TOP 10

1) Ta pochette de disque préférée ?

J’aime bien celle de Cosmo’s Factory du Creedence Clearwater Revival. Un côté pas prise de tête. Bon, on se met dans une salle de sports, on se prend pas la tête et on perd pas de temps sur ce coup là car pour la précédente on a perdu 6 mois. Et hop en 10 minutes, on fait une pochette.

2) Ton groupe préféré de Liverpool ?

Ladytron. Ce groupe m’a marqué. Leur album 604 est incroyable.

3) Ton disque préféré de 2017 ?

Celui de Juliette Armanet. J’ai écouté les Lemon Twigs aussi. Mais je n’ai pas écouté l’album en entier. J’attends le nouveau disque des MGMT. Attends je regarde sur mon téléphone… Les derniers groupes que j’ai écoutés sont Oasis, Blur et Sufjan Stevens. Rien de bien orignal.

4)Le meilleur endroit pour voir un concert ?

Le festival de Musilac. Tu te baignes, tu vois les Alpes et tu vois des concerts. Le meilleur endroit sinon c’est Woodstock. Il faut refaire Woodstock ! Il nous faut un million de hippies et un mec avec un mouton et c’est parti.

5) Le meilleur endroit pour faire un concert ?

J’adore les théâtres !

6) Ta bande originale de film préférée ?

Avant j’aurais dit Reservoir Dogs. Mais maintenant je dis Drive. Ryan Gosling est tellement beau. Nightcall de Kavinsky est une chanson de malade. Et Joaquin Phoenix va sortir un film qui s’appelle You Were Never Really Here (A beautiful day en français – sic !). La bande annonce est dingue.

Kavinsky – Nightcall (Drive Original Movie Soundtrack)

7) Un acteur qui aurait du faire de la musique ?

Joaquin Phoenix dans Walk The Line. Il a chanté les chansons de Cash. Et c’est magnifique. On pourrait poser la question différemment : « Quels sont les acteurs qui n’auraient pas dû faire de musique ? » Bruce Willis ! Son rock à papa est dur à écouter. J’ai évité de faire ça sur Something New qui figure sur mon album. Liam Gallagher a eu le même problème avec For What It’s Worth. T’enlèves sa voix, c’est compliqué.

8) Ton plaisir coupable en musique ?

J’en ai plein. J’aime bien Sting. Et je vais même le voir en concert. Et j’adore. J’essaye de m’en empêcher. Mais j’adore… Et j’ai un autre plaisir coupable. Je ne sais pas si j’ose le dire. J’adore Crusader de Chris de Burgh. Une chanson incorrecte au possible. Mais écoute-la. Et tu me comprendras.

9)CD, MP3 ou Vinyle ?

Les trois. J’ai énormément de vinyles. Mais je me mets à acheter des cds pour les écouter en voiture.

10) Une personnalité morte avec qui tu aimerais bien boire un verre ?

Il est mort Tom Jones ? Non. C’est en embêtant. Je voudrais bien boire un verre avec Oliver Reed, un acteur qui a tourné dans Gladiator. C’était un ami de Keith Moon. Un rugbyman et il avait acheté une maison avec Keith Moon où ils ont mis des tortues géantes. La presse venait les voir ? Ils leur tiraient dessus. Pour ces 60 ans, il a loué un bus de deux étages et a fait le tour des clubs de rugby de l’Angleterre pour faire la fête.

Lewis Ewans - Man in a Bubble

Man in a Bubble de Lewis Evans est disponible via ZRP / Deux Minutes Trente.
Lewis Evans jouera les :

  • 06 décembre 2017 au Pop-Up du Label (Paris)
  • 08 décembre 2017 au festival Les Egaluantes (Carentan)
  • 09 décmbre 2017 au Penny Lane dans le cadre des Bar en Trans (Rennes)
  • 23 décembre 2017 au Normandy (St Lô).
  • Lewis Evans - Man in a Bubble-2000x2000px-72dpi

    Tracklist : Lewis Evans - Man in a Bubble
    1. Man In A Bubble
    2. Besoin d'Ailleurs
    3. Spring
    4. Somali Traveller
    5. Convinced
    6. Love Gun
    7. Indamour (Feat Juliette Armanet)
    8. Something New
    9. All The Night
    10. Sixty Five

    Pouet? Tsoin. Évidemment.

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