Rami Khalifé, fils d’un célèbre compositeur libanais de luth oriental, Francesco Tristano auréolé de prix au concours international de piano du XXè siècle d’Orléans, avec plusieurs disques à son actif (du Bach baroque, du Luciano Berio contemporain, du Ravel avec l’Orchestre National Russe ainsi que son fameux « Not For Piano » reprenant les « tubes » mythiques de la techno) et Aymeric Westrich, batteur (pour Cassius) producteur de hip hop (entre autre le rappeur militant Kery James), fan de sons électroniques comme de la techno de Detroit ou celle plus minimale de Berlin constituent l’ossature de cette rencontre insolite et improbable.
Leur musique pourrait être de prime abord une aimable ritournelle d’ascenseur mais elle s’échappe vite par l’escalier de service (merci la polysémie des mots allemands !) quand les arpèges classiques culbutent l’électro et le free jazz. Aufgang livre une musique atmosphérique plus que d’atmosphère avec des thèmes souvent improvisés qui restent dans l’oreille de l’auditeur.
« Ce n’est ni de la techno acoustique ni de la musique classique assaisonnée à la sauce électronique, façon Wendy Carlos » (l’as du synthétiseur modulaire Moog qui a signé pour Kubrick les BO d’Orange mécanique et de Shining), précise Francesco qui, gardant bien Fluxus à l’esprit, et rappelle que « le piano est aussi une machine : c’est une grosse boîte avec un mécanisme à l’intérieur ».
Discographie
AufgangDes rythmiques entêtantes du génial channel 7 qui ouvre le disque, aux sons synthétiques de channel 8 qui ne dépailleraient pas dans un film de John Carpenter des années 70 au Barock des années 2000 qui aurait pu faire craindre un rondo Veneziano au piano, en passant par Sonar, hymne cataclysmique de 7′ 45 crée d’abord pour le festival Barcelonais du même nom en 2005, où pianos et machines s’entrelacent et ne font plus qu’un dans un maelström de sons synthétiques et acoustiques, ou encore ce prélude du passé, doux et introspectif, comme une bulle de champagne s’échappant à la surface d’une flute, moment d’accalmie de l’album en hommage à un ami disparu trop tôt. Good generation peine à redémarrer la machine avec ses voix inintelligibles mais on appuie de nouveau sur l’accélérateur avec 3 vitesses, morceau inquiétant avec ses samples de voix d’outre tombe. Surgit alors le très technoïde éponyme Aufgang qui partant de notes graves dissonantes et sombres s’élève vers la lumière crue quasi hypnotique et contemplative, un rollercoaster qui vous fait chavirer le pouls. Enfin, dix minutes de Soumission avec ses cliquetis angoissants mêlés à une pluie de notes inquiétantes d’abord éparses puis qui s’égrènent dans un mouvement quasi perpétuel qui vire au chaos et le disque vous abandonne, épuisé et heureux.
Aufgang avec cet album crée un son nouveau, ni classique, ni électro, ni jazzy, plutôt un carambolage séduisant, anticonformiste et libéré d’un genre, une musique totalement décomplexée. La pochette de l’album dévoile un long ponton de bois qui tel l’étrave d’un bateau file dans un océan calme comme cette musique expérimentale mais totalement audible pour le béotien et très certainement en avance sur son temps.
Aufgang – Good generation | SK* Session
Aufgang – Interview