Tchewsky & Wood
Marina et Gaël, comment vous-êtes vous rencontrés ? L’idée de faire de la musique ensemble est-elle née rapidement ?
Gaël : Nous nous sommes rencontrés en 2014 lors d’une résidence de théâtre, Marina en tant que comédienne, moi en tant que créateur de sons. Le metteur en scène, Arnaud Stéphan avait souhaité nous faire travailler ensemble sur une chanson. C’est là que tout a commencé.
Comment se sont écrites les chansons ? Les rôles sont bien repartis ?
Marina : Les choses se sont passées assez naturellement. Gaël compose la structure des morceaux aux machines, et à partir de là nous improvisons à deux : Gaël à la batterie, et moi au chant. J’improvise les textes aussi et c’est seulement dans un deuxième temps que vient l’écriture définitive. Ensuite, en 2017, on a fait la rencontre de Maxime Poubanne qui a rejoint le groupe avec sa guitare, et les morceaux se sont trouvés enrichis grâce à ses arrangements et à ses propositions.
Pourquoi avoir mélangé plusieurs langues sur ces cinq morceaux ?
Marina : J’ai grandi en plusieurs langues, dans une géographie éclatée de voyages, entre ce qui était encore la Yougoslavie, le Maroc, la Russie des années 90, la France et l’Argentine. Dans nos processus d’improvisation, le russe m’est souvent venu, du moins sur les premiers morceaux. C’est aussi ma langue originelle de chant : j’ai une famille musicienne de culture russe, tzigane russe et balkanique, et c’est cette musique-là qui est d’avant tout la mienne. Mon oncle m’a formée sur le tas en m’emmenant chanter partout avec lui, devant des publics aussi divers que ceux des restaurants, maisons de retraite, hôpitaux, armée du salut… Mélanger les langues s’est donc imposé très rapidement.
Comment s’est passé l’enregistrement ? Les choses se sont passées rapidement ?
Gaël : Nous avons enregistré avec le producteur Etienne Caylou (Woodkid, Eddy de Pretto…), cela s’est fait en trois jours dans le studio rennais Cocoon en septembre dernier. Etienne a ensuite mixé les titres dans son propre studio à Paris. L’enregistrement en studio peut être un exercice difficile, de tension, de mise sous-pression. Avec Etienne, l’entente et la collaboration ont été parfaites.
Tchewsky & Wood - Chapter One
Marina : J’ai rencontré Etienne Caylou, notre producteur, grâce à un ami commun, Jérémie Arcache (membre du groupe Revolver) qui lui a fait écouter nos maquettes. Etienne a super accroché, notamment sur le titre Amazon, et à partir de là on s’est rencontrés, on a parlé musique et j’ai tout de suite senti qu’il était la personne avec qui travailler. Ce que Gaël a pu également confirmer dès qu’ils se sont rencontrés. Il y a donc une évidence à la base de notre rencontre. On avait envie de lui faire complètement confiance et de se laisser surprendre par ses propositions. Etienne a su révéler le feu de nos morceaux, mettre en avant leur énergie première. Et les trois jours de studio ont été complètement à l’image de ça : lâcher-prise et fulgurance.
Quelle est l’histoire de Love She Said ?
Marina : C’est d’abord un paysage d’autoroute, sous la lumière blanche d’un soleil d’hiver. Et c’est une femme, encore complètement saoule de sa nuit, qu’on retrouve à marcher le long de la route, répétant inlassablement le mot « amour » alors que tout autour d’elle s’est effondré, comme après une explosion. Les genoux écorchés, pleine de boue, elle marche, portée par l’évidence que « rien ne peut arrêter l’aube de brûler après la nuit ».
Vous faîtes de la cold wave (pour dire les choses rapidement) et vous allez ouvrir pour Marquis de Sade à La Villette Sonique. Vous ne pouviez pas rêver mieux ?
Gaël : Nous avons fait la première partie de Marquis de Sade en septembre dernier à Rennes (pour la Villette Sonique je ne suis pas au courant, je pense qu’il y a erreur). C’était notre premier concert dans une vraie salle, devant 3000 personnes. Nous avions jusqu’alors joué uniquement dans des bars, ou petits lieux. Ça a été pour nous une chance et un honneur d’ouvrir pour eux. Pour ma part je suis arrivé à Rennes il y a plus de 20 ans pour être justement au plus proche de cette scène musicale rennaise dont les membres de Marquis de Sade faisaient partie. Je ne pouvais effectivement pas rêver mieux.
Chasseur
Gaël, tu viens de publier l’EP de Chasseur, l’un de tes autres projets.
Gaël : Effectivement c’est mon premier disque en solo, sous le nom de Chasseur. J’ai très longtemps joué en groupe ou accompagné des artistes. J’ai eu envie d’une escapade en solitaire, sans trop savoir dans quelle direction, avec ou sans voix, avec de la batterie ou pas (alors que c’est mon premier instrument). Et puis j’ai commencé à travailler chez moi, dans mon appartement, avec mon ordinateur. Et sur ces bases de sons j’ai finalement souhaité y poser ma voix.
Chasseur – Dans la ville
Les textes des 4 chansons sont signés Nathalie Burel. Qui est elle ? Comment travaillez-vous ensemble ?
Gaël : Nathalie Burel est écrivaine. Nous nous sommes rencontrés il y a quelques années à Rennes. Depuis on collabore ensemble sous le nom de Megabel. On construit des objets sonores. Notre envie était de mélanger nos disciplines pour aller à la rencontre des gens afin d’en recueillir et retransmettre la parole. On a par exemple commencé un abécédaire de chanteurs, avec entre autres Dominique A ou encore Jean Louis Murat. L’idée était de les questionner sur des phrases écrites à la première personne, pour dessiner une sorte d’auto-portrait. On a aussi fait des interventions en hôpital psychiatrique avec un atelier d’écriture en musique.
Pour revenir à Chasseur, il était pour moi évident de faire appel à Nathalie ; c’est finalement une suite dans notre collaboration. Dans un premier temps, j’ai travaillé uniquement sur la musique, pour trouver les couleurs, les sons, la place pour la voix. Ensuite je lui ai proposé de travailler sur l’écriture avec parfois des contraintes de sonorités ou d’espace. Quelques essais, quelques aller-retours ont été nécessaires avant de fixer les choses.
L’esthétique de ce projet est très marquée… Comment l’as-tu construite ?
Gaël : J’ai découvert le travail avec l’ordinateur et le sampler il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui les programmations avec l’ordinateur sont très présentes chez moi, que ce soit pour mes projets, ou pour différentes collaborations avec des compagnies de théâtre. Dans ce premier EP il y a une couleur volontairement très électronique. On est aussi forcément rattrapé par ses influences musicales. Je pense à Grauzone ou Suicide par exemple pour les musiques électroniques, minimalistes et hypnotiques. J’ai voulu également réaliser l’intégralité du travail dans mon appartement. L’enregistrement d’une batterie acoustique était inenvisageable par exemple (sinon j’aurais eu mes petits vieux de voisins sur le dos). J’ai fini par aimer finalement cette contrainte technique. Juste un ordinateur et une voix, du haut de mon dixième étage.
Tu as publié deux clips… Un troisième arrive ?
Gaël : Les deux premiers clips ont été réalisés par des amis. Christian Beuchet pour le morceau Dans la ville, et Pauline Goasmat pour Nos ivresses. Depuis le début j’ai souhaité faire un clip pour chaque titre du EP. Un troisième vient de voir le jour pour La vague et la jetée. Ils sont visibles tous les trois sur le site chasseur.info .
Chasseur - Dans La Ville
- Dans la ville
- La vague et la jetée
- Nos Ivresses
- Les aveux