Trois ans se sont écoulés depuis la parution du premier album de Pharaon de Winter… Comment est né cet EP ?
Maxime Chamoux : Je suis à peu près aux deux-tiers de l’écriture du prochain album, qui ne sortira donc pas avant la mi-2019. Or, cinq ans sans rien sortir, ça me semblait très long, d’autant que j’avais ces chansons et que j’en étais assez fier. Ce mini-album constitue donc une forme de point intermédiaire entre les deux albums.
Discographie
Pharaon de WinterPharaon de Winter – L’ Homme de la maison (Recette du coq au vin)
D’ailleurs pourquoi un EP ?
Parce que j’aime bien ce format. Il permet de faire des pas de côté sans épuiser un concept. En l’occurence ici, la formule piano/voix fonctionne bien sur cinq titres. Pas sûr que ce soit digeste sur dix ou douze morceaux. Et puis il y a un côté « si vous l’avez vu passer tant mieux, sinon tant pis pour vous » que j’aime bien.
Tu m’avais confessé aimer les disques de rupture, les disques qui voient les artistes tracer une autre voie. On y est avec L’habitacle. On pouvait s’attendre à tout sauf à cette forme très dépouillée. Pourquoi avoir enregistré sous cette forme de piano/voix ?
J’avais ce petit stock de morceaux que j’aimais bien. Nous sommes en train de les travailler avec le groupe mais je me disais qu’ils fonctionnaient bien aussi dans leur formule originelle, au piano. Par ailleurs, il y avait une petite dimension « défi » qui me tentait assez: enregistrer ces morceaux dans les conditions du direct, piano et voix en même temps. « À l’ancienne », si on veut. J’ai l’impression qu’aujourd’hui la production a un peu trop pris le pas sur le songwriting. Ça n’est pas un hasard d’ailleurs si on dit « du bon son ». Non pas que je sous-estime l’importance de la production (on lui a d’ailleurs accordé une grande importance ici), mais je voulais vraiment mettre l’accent sur le squelette, ce qui fait une chanson.
Ton premier album avait été écrit (ou enregistré) près de la mer… Pour L’habitacle, tout s’est passé à Villetaneuse. C’est un peu moins sexy. C’était plus pratique pour toi ?
À vrai dire, le précédent album a lui aussi été enregistré à Villetaneuse ! Nous avions simplement fait plusieurs sessions de travail sur la Côte d’Azur qui avaient donné certaines couleurs à l’album. Et puis d’accord c’est Villetaneuse, mais c’est surtout les mythiques studios Vogue dans lesquels des gens comme Miles Davis sont venus enregistrer… C’est un endroit magnifique. Il y a deux salles de prise : une petite avec un son très mat dans lequel nous avons enregistré l’album, et une autre, immense, très « roomy » dans laquelle on a enregistré cet EP en une journée. J’ai vraiment de la chance d’avoir eu de tels endroits à ma disposition.
Angy Laperdrix est à la manœuvre sur ce disque. Comment vous-êtes vous rencontrés ?
Par des amis communs : Dorian Pimpernel, The Rodeo, Halo Maud. Et puis nous avions enregistré un morceau ensemble pour la compilation des 10 ans du Motel, qui sort début avril, et ça s’était vraiment très bien passé. C’est quelqu’un d’assez obsessionnel sur certaines questions d’esthétique pop – ce qui me convient tout à fait – et en même temps de très ouvert. Il comprend très vite les choses, même avec des gens qui, comme moi, n’ont pas toujours le vocabulaire technique. Pour moi, ce sont les qualités qui font les très bons ingénieurs du son.
L’habitacle traite des faits divers. Pourquoi écrire sur ce thème ?
Parce que cela me passionne. Je regarde toutes les émissions sur le sujet, tous les documentaires, je lis tout ce que je peux. On peut même dire que certaines affaires m’obsèdent un peu ; on n’est parfois pas loin de vraies enquêtes. En tout cas il y a des voyages. Mais je ne suis pas du tout fasciné par l’aspect morbide de ces histoires : savoir comment untel a découpé untel, en combien de morceaux, etc. Ce qui m’intéresse là-dedans, c’est la manière dont l’enfermement mental qui caractérise un certain nombre de ces affaires s’incarnait de manière très concrète. Par exemple, l’enfermement de Jean-Claude Romand dans son terrible mensonge s’illustrait dans les journées entières qu’il passait cloîtré dans sa voiture, sur des parkings anonymes. C’est cette dimension d’expériences-limites chez des gens « ordinaires », « banals » qui m’intéresse. Et à l’inverse, j’ai essayé de trouver dans certaines de ces affaires extraordinaires (au sens premier) ce qui, justement, relevait d’une certaine banalité : une journée passée dans une voiture, la figure des voisins qu’on interroge au JT après un drame dans le quartier, etc. Non pas pour les banaliser, mais au contraire, pour déterrer ce que ces situations grises et banales ont de potentiellement mystérieux, violent, dangereux.
Thousand arrive à caser Robert Ménard dans un de ses refrains, Pharaon de Winter fait une chanson sur Jean Claude Romand.. Enfin sur ce qui peut se passer dans sa tête quand il est en voiture… Vous vous êtes donnés le mot ?
Le mot pour… ? Je ne suis pas sûr qu’on utilise ces deux figures de la même manière. J’ai l’impression que dans sa chanson, Thousand utilise le nom de Ménard un peu comme une vanne, ou tout de moins comme un repoussoir. Ça n’est donc pas vraiment la même démarche – mais peut-être que je me trompe complètement. À part ça, que dire ? L’époque est sombre…
Tu vas les défendre sur scène ?
Il va y avoir quelques concerts piano voix au printemps oui. Nous sommes par ailleurs sans tourneur actuellement – avis aux amateurs.
L’habitacle de Pharaon de Winter sera publié le 9 mars 2018 chez Vietnam / Because.
- L'homme de la maison
- L'habitacle
- On parle de toi
- Le mois d’août
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