Interview de Matt de Skip the Use

Skip The Use @ Stereolux, Nantes | 01.04.2014 © Nicolas Patault
Lors des Primeurs de Massy 2009, nous avons rencontré Matt le chanteur de Skip the Use pour une petite interview sur le pouce avant le début des concerts. Ils sont en pleine tournée, ils viennent d’effectuer 10.000 bornes en quelques jours, mais Matt taille le bout de gras avec nous, en restant très simple et très ouvert. On discute de leur concert au Nouveau Casino, de Bloc Party et de la bataille qu'ils ont livrée pour faire leur album dans la jungle de l'industrie de la musique. Une personnalité éclipsée sur scène quand il devient ce chanteur que l’on qualifie de possédé.

Possédé ? Par le démon de la musique et rien d’autre : « La musique c’est tout ce que j’ai. J’ai une vie super simple. Attention, j’ai rien contre, c’est pas mon problème mais je bois pas d’alcool, je prends pas de drogue : je fais juste de la zik – c’est le moment où je m’exprime vraiment, les concerts c’est mon seul espace de liberté. Si le public est cool, je me lâche et j’ai un potentiel de connerie élevé. Mais si y’a un truc que je suis pas, c’est possédé. J’essaye de me donner pour que les gens donnent aussi et qu’on puisse faire un truc ensemble. »

Les concerts c’est mon seul espace de liberté

Discographie

On résume le parcours jusqu’à Skip the Use : « J’ai joué pendant 15 ans dans un groupe de Punk, Carving, que j’ai monté avec mon meilleur pote Mike. Au fur et à mesure, certains nous ont rejoint et d’autres sont partis. Pour la petite histoire, Nolens est parti pour s’installer sur Paris et c’est lui maintenant qui fait le graphisme des Naïve New Beaters. Bref, au final je me suis retrouvé à être tout seul d’origine de Carving donc je trouvais ça hyper bizarre de leur demander de faire mon son, alors qu’ils sont pas forcément très porté sur le punk. A un moment donné, on a décidé de faire un nouveau projet qui nous ressemble plus. »

Pourquoi Skip the Use ? « Tu peux le traduire de l’anglais par laisse tomber les convenances, restons simples quoi. C’est vraiment ce qu’on est. On est populaires au sens premier du terme. C’est comme si on venait brandissant l’étendard « tout le monde est invité, y’a pas de problème » : on veut créer une interactivité avec les gens. »

Le disque c’est en fait juste un support pour pouvoir faire des concerts.

Au sujet de l’album. « On a travaillé avec Manu Guiot et Yves Jaget, ils nous ont toujours canalisés. Ils nous ont aidés à aller dans le sens de notre idée première : dès qu’on s’éloignait, ils nous demandaient si c’était bien ce qu’on voulait faire. Mais le disque c’est en fait juste un support pour pouvoir tourner, pour pouvoir faire des concerts.

On fait que ce qu’on aime et on se limite pas à un style

photos : Skip the Use @ Transbordeur, Lyon | 03.04.2014
Skip the Use @ Transbordeur, Lyon | 03.04.2014

Le style musical de Skip the Use. « C’est un peu tous les styles. J’ai travaillé avec Yann pour poser la musique et dans la conception de l’album, on avait envie d’avoir un fil conducteur qui soit un état d’esprit plutôt qu’un style musical. Notre but c’est de faire danser les gens, maintenant peu importe avec quoi. Du coup, dans l’album, t’as des trucs vachement rock’n’roll, des trucs qui tirent un peu vers le punk, des trucs plus soul, d’autres plus pop, y’a même un morceau limite rocksteady ska. Ça donne un concert qui est pas trop chiant. Ça nous permet de communiquer avec plus ou moins tout le monde suivant les affinités de chacun. En même temps, dans le groupe, on a tous des influences différentes, chacun a sa petite chanson.
On fait que ce qu’on aime et on se limite pas à un style. Ce qui ressort le plus c’est peut-être le rock, mais on aime aussi la funk et la soul. On peut pas absolument tout faire dans un premier album. Y’a des trucs genre James Brown qu’on adore mais qui n’ont rien à voir avec ce qu’on est en train de faire pour l’instant. Mais ça peut évoluer. Sur un autre album peut-être qu’on fera un morceau metal-hard-core, pourquoi pas ?

La comparaison fréquente à Bloc Party. « Je faisais du Punk Hard Core avant et déjà on me disait que Carving faisait penser à Bloc Party. Du moment que t’a un groupe de 5 mecs avec un noir qui chante, c’est fini quoi. Déjà y’a un amalgame physique, et puis y’a pas beaucoup de black qui font du rock et eux c’est les plus connus.
Y’a aussi certains de nos morceaux similaires à leur style. C’est pas forcément nos influences premières, moi je suis plus passé par The Hives ou les concerts live de Gossip – un peu plus trash. Mais le côté électro, le fait qu’on ait rajouté un clavier ça vient sûrement de groupes comme Bloc Party. »

On en vient à discuter du concert du Nouveau Casino. « On a passé un très très bon moment. A vrai dire on connaît pas grand-chose à Paris, mais c’est un mec de Roubaix, un de mes potes d’enfance, qui tient le nouveau Casino. Ensuite on a monté la date avec OUÏ FM. On venait juste de sortir d’une semaine à la Résidence Condition Publique, on avait encore un peu la tête dans les partitions.
C’est compliqué quand on a qu’un seul album à jouer. Certains nous demandent de jouer 2h, simplement parce qu’on est en tête d’affiche. Mais avec notre album et 2 reprises, on est à 1h, il faudrait limite qu’on joue autant de reprises que de nos morceaux parce qu’on a pas d’ancien albums dans lesquels piocher. Au Nouveau Cas’, on avait rajouté deux morceaux, qu’on avait composé pour allonger, maintenant on les a rajoutés au set. Ça nous fait chier, parce que des fois les gens ils nous en redemandent et on est à court de chansons. Pour le coup, on n’avait pas prévu le deuxième rappel, c’est pour ça qu’on a rejoué Give Me. »

Je me suis cassé les bras les jambes en concert un nombre incalculable de fois

Les concerts sont très physiques. « Là tu vois on tourne, on enchaîne, et ça va. Au Nouveau Casino on était vraiment calme : à la résidence on avait fait tout un travail. Avant c’était mille fois pire que ça, c’était n’importe quoi. Moi je me suis cassé les bras, les jambes en concert un nombre incalculable de fois. Plus ça avance, plus on est à l’aise dans le spectacle, du coup on se permet plus de choses. On a tendance à être vraiment vénères. »

La chanson Unbreakable ressort de l’album. « C’est une chanson plus punk-rock au niveau du texte que les autres. Cette chanson raconte un moment particulier. Entre le moment où on monte le projet et le moment où on sort le disque il se passe du temps et c’est pas évident, on te met des bâtons dans les roues. En plus on a pris la liberté de pas faire un album homogène. Sauf que certains captent pas : ils aiment pas quand ça rentre pas dans les cases. Il a fallu se battre pour sortir cet album tel qu’il est.
Cette chanson c’est une des dernières qu’on a faites. Avec Yann, on a pris un an pour écrire l’album et là on tournait plus avec le groupe de punk, on n’avait plus de thunes et tout le monde arrêtait pas de nous dire que c’était n’importe quoi… Et là on a réalisé qu’on avait réussi à faire cet album sans gueuler, sans lâcher l’affaire, même si plein de fois t’as envie : c’est comme ça qu’Unbreakable est née.

Et puis on a bien la rage, surtout moi, contre le système. A chaque fois que j’en parle, ça m’énerve. C’est un vrai business qui laisse pas de place aux groupes indépendants. C’est vraiment des fils de putes, y’a pas d’autre mot. Nous en tournée on voit des groupes géniaux, mais que vous verrez jamais parce qu’ils se décourageront – parce qu’il y a un réseau parisien. Heureusement Internet est en train de bousculer tout ça. Sans MySpace certains groupes comme Gojira, un groupe de métal frenchy, n’existeraient pas. Ils viennent de finir une tournée mondiale avec Metallica et ils sont signés chez personne.
Unbreakable parle un peu de tout ça. On voulait pas faire un truc vindicatif, mais fallait que ce soit dit. Quoiqu’il se passe on gardera la tête haute, même les pieds dans la merde. C’est le début mais pour moi on a réussi à sortir l’album, à faire quelques dates et dans les circonstances où on le voulait ! Et c’est déjà beaucoup de choses –. On verra avec le temps… »

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