On peut lire à propos de BlauBird ceci : « Dans BlauBird, il y a Laure Slabiak et sa voix de contralto venue du lyrique, Laure qui chante son abandon à elle même, qui s’envole à tire d’ailes sur l’Oiseau Bleu retrouver l’enfant Laure, retrouver ses racines perdues en Europe de l’Est, ses rêves désenchantés, ses jardins suspendus dans le temps… » D’où est originaire ta famille ? Quelle est son histoire ? Quel est le lien avec ce projet ?
Laure Slabiak : Je n’ai pas une grande connaissance des origines de mes familles maternelles et paternelles parce qu’ils n’en parlaient pas vraiment mais globalement, du côté de mon père, nous venons du nord de la France et de l’Europe et du côté de ma mère, de l’Est. Dans l’histoire récente, ce sont donc le Nord, la Moselle, l’Alsace, les Vosges… et avant, la guerre, les « Malgré-nous », le mystère des migrations et des mélanges l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie … peut-être même la Tunisie ou l’Afrique du Nord ? Là j’extrapole. Mes racines sont effectivement un peu floues et « perdues » et c’est aussi ça qui me constitue. Ne pas savoir avec précision, dérouler le fil et remplir le vide. Et il y a eu aussi pas mal de questions récurrentes sur une éventuelle judaïté qui aurait été tue ou non-sue. Mais finalement ça n’est pas ça qui est important. L’important c’est que tous ces non-dits, ce flou, cette histoire familiale imbriquée dans une plus grande Histoire, nourrit mon désir, mes rêves et ma mythologie personnelle … quand j’écris, quand je chante, j’habite ce vide et j’invente mon présent. C’est en cela que se fait le lien avec ce projet. C’est aussi pour cela que chanter en anglais, en français et en yiddish (parfois en allemand sur scène) a beaucoup de sens pour moi. C’est affirmer que nous sommes tous faits d’une multitude d’origines et d’inspirations et que jamais il ne faut se limiter à une seule « identité ». C’est affirmer que notre identité est d’être humains, que nous pouvons faire quelque-chose des questions qui nous habitent et être fiers du flottement, de l’imprécision, des mélanges dont nous sommes faits pour s’inventer plus libres, se foutre des codes et des sois-disants prédéterminismes et créer (avec) qui on veut être !
Blaubird – Cradle Song
Ton grand-père a participé au disque. C’était une évidence pour toi ?
Mon grand-père n’a pas participé au disque parce-qu’il est malheureusement décédé juste avant que commence l’aventure BlauBird. Mais, oui, cela a été une évidence pour moi de le « faire » chanter à la toute fin de l’album, après la dernière chanson qui lui est dédiée. Je voulais faire entendre sa voix que j’aimais tant (même s’il était très âgé au moment où je l’ai enregistré) et lui permettre de continuer à exister à travers BlauBird, parce-que lui a toujours chanté et n’a jamais enregistré de disques. Et puis parce c’est lui qui m’a donner envie de mettre mes pas dans les siens, de chanter, d’aller sur scène et de partager des émotions et des histoires. C’est une façon de rendre hommage à ce lien, à ces histoires qui nous donnent un point de départ. Et de pouvoir dépasser la tristesse !
Et c’est Ian Caple qui a enregistré le disque. Pourquoi l’as-tu choisi ?
En fait, Ian a enregistré et mixé 3 titres – Daddy et L’absence (titre en français et en anglais) qui sont sur l’album, et une version très acoustique de Demain dès l’aube mais que nous sortirons plus tard. Il a également mixé le titre On Levouch. C’est grâce à Freddy Lamotte, du collectif Flam, que j’ai pu travailler avec lui. Il a écouté les chansons déjà enregistrées et je lui ai aussi expliqué que pour ces derniers titres je voulais collaborer avec plus de musiciens, avoir un son plus organique et un peu plus rock mais qui garderait néanmoins une sensibilité pop et légèrement electro. Le choix de Ian a été une évidence et une grande réussite. C’est lui qui avait enregistré Fantaisie Militaire de Bashung et aussi des albums des Tindersticks et collaboré avec Tricky. En fait, des univers variés dont je me sens très proche. Et c’est un grand ingénieur du son, qui travaille en finesse et en discrétion, tout ce que j’aime. Pas d’effets de manches. Une grande sensibilité et une grande qualité d’écoute. C’est un magnifique souvenir ! Les autres chansons nous les avons enregistrées entre Paris et la Bretagne (dans notre studio avec Olivier, avec Fred Vectol au studio Question de Son et avec Eric Cervera au studio Near Deaf Experience).
Quelle est l’histoire de la chanson Cradle Song ?
Cradle Song est la première chanson composée pour BlauBird. Je suis très sensible à l’univers graphique de William Blake et j’ai découvert ses poèmes dans un deuxième temps. Cette berceuse m’a beaucoup émue, elle est extraite des Songs of Innocence. J’aime cet anglais littéraire qui dit beaucoup et cette sorte d’étrangeté. Je n’ai d’ailleurs pas forcément envie d’éclairer tout le texte … on entend « wept for me », on entend « Infant’s smiles », « Mother’s smiles », « sweet dreams, sweet babe, sweet moans, sweeter smiles, happy child, happy smile… » … c’est ce que j’aime quand j’écris en anglais, il y a ces mots et leurs subtilités, des « zones de flou » qui rendent le poème contrasté, des émotions que j’évoque dans une caresse, qui sont là mais comme inscrites dans l’inconscient, peu visibles… Tout ça forme une émotion, beaucoup d’émotions et pas forcément un sens qui sera le même à chaque fois. Cela dépend de notre état quand on chante … Pour la petite histoire, j’ai découvert cette berceuse quand est née ma deuxième fille … et lorsque nous avons tourné le clip, j’étais à nouveau enceinte de ma troisième fille. J’en garde l’émotion d’une berceuse à la fois forte et douce, qui dit toutes ces émotions qui nous étreignent quand on regarde ses enfants.
Quels sont tes projets pour les mois à venir ? Des concerts sont-ils programmés ?
Le 21 septembre 2018, l’album va sortir sur le label Microcultures !
Juste avant, du 10 au 16 septembre, nous allons nous installer une semaine dans un lieu éphémère dans le 10e à Paris (le Lieu 37) pour un projet collaboratif « 4forU » que nous avons créé avec des amis et qui sera, on l’espère, le numéro 1 d’une longue liste. L’idée est de créer un mini-festival dans un lieu atypique, très facile d’accès, autour de gens passionnés et de produits joyeux et respectueux de la planète et des êtres vivants. Pendant cette semaine, nous allons faire de la musique Live entre amis (BlauBird + guests), goûter et faire goûter des vins nature, du café bio torréfié à Paris, vendre nos disques en avant-première, mes dessins et des photos d’une amie. Puis le 5 octobre 2018, il y aura une première « release party » de l’album au Walrus, un super disquaire qui se trouve rue de Dunkerque dans le dixième aussi et qui est tenu par deux filles extras et passionnées. Plus tard, en octobre peut-être mais nous n’avons pas la date exacte, nous ferons une date au Studio de l’Ermitage et une résidence dans une salle de banlieue parisienne, mais comme rien n’est confirmé je ne peux pas en dire plus. Pour connaître les dates, il faudra aller sur notre facebook.
Rising // La fin de la tristesse de Blaubird sera disponible le 21 septembre 2018 chez Microcultures.
- Daddy
- L'absence
- Dans Ce Jardin
- Blue Bird
- On Levouch
- One
- Cradle Song
- The Shore
- Demain dès l'aube
- Tes mots d'Or