Boulbar
Raconte nous ton chemin jusqu’à Requiem pour un Champion.
J’avais arrêté mes études pour vraiment me consacrer à la musique : j’ai joué dans plusieurs groupes, j’ai tourné dans des petites salles. En 2005 j’ai sorti un album en auto–production et en 2007 j’ai écrit Requiem pour un Champion. Début 2008 j’ai envoyé Requiem à des labels dont Roy Music qui m’a signé.
J’avais tout écrit/composé/arrangé, mais c’était de la qualité d’auto-production donc on est retournés en studio fin 2008 avec des musiciens. Là on a joué les arrangements que j’avais déjà composés, et on a retravaillé certains passages où je trouvais qu’il y avait des manques, notamment sur les parties de cuivres. Y’a donc deux versions.
Comment s’est passé la collaboration avec les autres musiciens ?
En studio, j’ai réalisé le disque avec Stéphane Bouvier, un des musiciens qui bosse avec Yann Tiersen. C’est lui qui a monté l’équipe, il voulait uniquement des gens qui appréciaient le projet, pas des musiciens qui venaient cachetonner. Du coup c’était une bonne équipe, de belles rencontres.
Pourquoi avoir choisi de placer cette histoire dans les années 60 ?
Musicalement, ça me permettait de revenir à des sons un peu plus sixties, je voulais cette ambiance là car c’est aussi ma culture musicale, cinématographique et littéraire. Et puis c’est important de situer le disque à un moment où la boxe était encore un sport populaire – ce qui n’est plus vraiment le cas.
Tu as un passé de boxeur ?
C’est un sport qui me fascine. J’ai pratiqué mais j’ai commencé tard, je ne pouvais pas espérer faire carrière et de toutes façons j’avais pas la motivation. C’est un sport où il faut s’investir à fond pour essayer devenir techniquement performant ; par manque de temps j’ai fait un trait sur ma carrière de boxeur. Le choix ne s’est jamais posé entre la boxe et la musique. J’ai commencé la boxe j’avais 24 ans alors que la musique c’était à 16ans par la guitare tout simplement.
Iron Jack – est-ce un produit de ton imagination ou a-t-il existé ?
Il n’existe pas, mais il est inspiré de destins de boxeurs. La boxe c’est un sport où on peut connaître la gloire et la déchéance – le seul sport où il y a de telles descentes aux enfers. Ranieri est un boxeur imaginaire mais il en a des dizaines, des centaines, qui ont frôlé la gloire ou qui l’ont connue pour se retrouver SDF 10 ans plus tard. Ranieri n’a pas existé, mais il aurait très bien pu.
Quand on parle de boxe, deux noms nous viennent à l’esprit : Mohammed Ali et Rocky !
Mohammed Ali connaît aujourd’hui une déchéance physique liée à la boxe – sa maladie de Parkinson provient de son passé sportif. La déchéance physique est réelle chez beaucoup de boxeurs, surtout à cette époque là. C’est un milieu très dur avec des entraînements quotidiens très difficiles. Quand on s’est autant investis pour arriver à un stade et que la carrière se finit, ces personnes tombent de très très haut, ils se retrouvent sans but. C’est pour ça qu’il y a autant de come-back : à 40-45 ans, ils se rendent compte que la boxe c’est leur vie, et ne se voient rien faire d’autre.
Dans ton histoire, la femme est synonyme de perdition.
En fait c’est un des clichés du film noir. La femme ne peut avoir que deux rôles distincts : soit elle sauve le héro, soit elle le brise. Pour les besoins de l’histoire j’ai choisi la deuxième option. Après c’est une histoire de vie aussi, c’est une histoire d’amour ratée. C’est pas du tout contre les femmes. C’est juste un cliché : un homme qui se fait briser par une histoire d’amour en laquelle il croyait – mais je suis pas du tout macho. (rires)
Tu vas à contre courant avec un album-concept à l’ère du téléchargement où on pioche des titres sur un album.
C’est aussi ce côté 60s, une époque où on faisait des concept-albums. L’histoire se passe en 67, c’est l’année de sortie de Sgt. Pepper’s des Beatles, qui est le concept album par excellence. A cette époque avec le Vinyle, c’était compliqué de zapper, contrairement au CD, donc on écoutait tout l’album. Requiem for a Champion a été écrit sans aucune pression car c’était une auto-production, je l’ai fait d’abord par plaisir, c’est une vraie démarche artistique. Il faut se poser et prendre le temps de l’écouter, il est difficile d’extraire une chanson de son contexte. Aujourd’hui on entend mais on n’écoute plus la musique, j’espère pourtant que les gens auront 40 minutes à me consacrer de temps en temps.
Pourquoi avoir choisi un support BD ?
Avec Yvan de Roy music, on avait l’idée, puisque l’album suit une trame narrative, d’avoir un support cinématographique ou graphique. J’avais effectué une recherche parmi des dessinateurs mais aucun ne me paraissait vraiment coller à l’univers. Par hasard, je suis tombé sur une BD de Vincent dans une librairie et ça a été le coup de cœur. Tout de suite on a décidé de faire un projet, mais avec une autre approche que celle du disque, pour faire deux objets qui se complètent.
Comment s’est passé ce coup de cœur ?
J’allais au MK2 Quai de Seine, j’étais en avance donc je me suis baladé dans la librairie du cinéma. Sa BD était en présentation, j’ai été attiré par la couverture qui présentait un boxeur. J’ai feuilleté, et j’ai eu un coup de foudre graphique. J’ai acheté la BD et après le ciné, je l’ai lue – coup de bol, son mail était à la fin de la BD. Je l’ai contacté pour lui dire que je pensais qu’il y avait des points communs entre nos deux univers. Ca s’est fait très naturellement.
Pourquoi le clip de cavale est-il en vidéo et pas dessiné ?
Ce clip date de la première version du disque, je l’ai fait seul avec les moyens du bord. Je voulais un côté Noir&Blanc, je suis allé piocher dans des vieux films, même si les images datent plus des années 40 ou 50. Le petit clin d’œil c’est qu’il a été fait uniquement avec des films qui sont tombés dans le domaine public : soit des films éphémère, donc des films de propagande pour vanter les mérites de la police, soit des films de série B dont les droits n’ont pas été renouvelés. J’ai passé pas mal de temps dessus mais c’était super intéressant. J’ai vu des trucs incroyables sur de la propagande antisoviétique, des films affligeants sur comment détecter un homosexuel dans la rue… Des trucs de cette Amérique Maccarthyste, qui aujourd’hui est un fond historique intéressant, et puis des films de série B très drôles où j’ai coupé les scènes de monstres. J’ai téléchargé tout un tas de films, et ça donne un clip fait avec plein d’autres films et qui est légalement utilisable. Je me suis bien amusé.