Son nouvel album, Arrière-Pays est un oxymore musical. Des morceaux comme Tartare ou Le Petit Jour suscite à la fois la claustrophobie et l’évasion. On aime à se plonger dans les bras de cette plume si souple et tranchante. De Montauban à Londres en passant par Paris, force est de constater que Parson garde toujours son efficacité si singulière.
Comment as-tu rencontré les gens d’ISOLAA Records ?
Rémi Parson : C’est Luigi, le fondateur, qui m’a contacté spontanément sur Facebook. Je ne connaissais pas la structure. Il m’a expliqué que ce collectif basé entre Lyon et Paris privilégiait les collaborations, et quand je leur ai précisés que je préférais faire tout moi-même, il m’a dit que cela leur convenait. J’étais heureux du chemin parcouru avec Objet Disque et j’ai décidé que c’était le moment de tenter une nouvelle aventure. Ça a donné le single Du pétrole/La surprise et aujourd’hui cet album. Avec eux, c’est une relation forte, plus personnelle. Ils m’ont permis de rencontrer Jef Dominguez, qui a mixé le disque. Leur message m’a plu, leur vision et la manière qu’ils ont de me prendre, de m’écouter. J’ai été intrigué par le fait qu’Isolaa n’a pas encore sorti beaucoup de disques et évolue en général plutôt dans un univers hip-hop, électronique. C’est tout sauf un énième label cold-wave. J’ai aimé ce décalage, cet attelage inédit. Je me suis dit que l’intérêt pour mon projet était sans doute plus sincère, moins superficiel.
Discographie
Rémi ParsonRémi Parson – Tartare
Quel est le lien entre le titre de l’album, Arrière-Pays et sa pochette ?
C’est Lucie, l’autre membre d’Isolaa qui a réalisé la pochette après que j’ai décidé du titre. Cette image m’a interpelé. Jusqu’alors, mes visuels ont été très minimalistes, un peu référencées techno. Là au contraire, c’est plutôt la colline aux perroquets, quelque chose de luxuriant, de précolombien. Le titre Arrière-Pays est né d’associations d’idées pas très riches. C’est une référence à mon départ de Londres où j’ai vécu presque 12 ans. L’idée du pays qu’on laisse derrière. Il évoque la notion d’arrière-goût, entre mélancolie et lassitude. D’arriéré aussi, comme cette société anglaise qui a fini par me déplaire. Ce disque documente ce moment où tu es entre deux eaux. Tu n’es pas vraiment dans ta nouvelle vie mais tu n’es pas non plus dans l’ancienne. Tu es coincé, en transit. C’est la tonalité du disque. Et enfin, il y a cette revendication provincialiste. Le mot Arrière-Pays fleure bon la campagne, le brugnon, alors que c’est un disque citadin, pluvieux, bétonné. J’avais fait l’EP Montauban dans cet esprit paradoxal. Ode froide à ma ville, pourtant si ensoleillée.
Tu as donc tout fait encore seul ?
À part les voix qui ont été refaites aux studios de la Ruche, dans les monts du Lyonnais, un endroit assez magique, j’ai tout enregistré seul.
Pourquoi ?
C’est comme ça. J’ai fait partie de groupes mais il y avait des dérives dictatoriales car au final, je faisais quand même tout dans mon coin. Enfin dictatorial… Moi je faisais ça tout le temps. Les autres non. J’ai voulu arrêter de faire semblant. Il m’a fallu du temps pour retrouver des gens avec qui jouer sur scène. Mais je sais ce que je veux. C’est assez bizarre. Chez moi, l’inspiration surgit dans des moments incongrus comme avant de faire les courses ou pendant la nuit. Les plages de travail ne sont pas très longues. Il faut les saisir.
Tu écris donc avant d’aller faire des courses ?
Oui, avant d’enfiler mes chaussures par exemple. Je pose un motif. Et je reviens dessus après.
J’ai des sensations de claustrophobie en écoutant ce disque. C’est normal ?
Oui tout à fait. Je le perçois comme ça également. Il est assez hermétique, nocturne. Il a été composé le soir. Cela lui a donné une teinte.
Personne ne l’a écouté pendant la phase d’enregistrement ?
Par le passé, j’avais fait écouter trop tôt les démos, les morceaux en devenir. Je suis assez impatient il faut dire. Mais au final, les retours dans ces moments de création ne me convenaient pas et pouvaient même me troubler. Cette fois-ci, seule ma femme a écouté. Elle seule sait voir la démo, ses enjeux et apprécier la version finale.
Et les retours ?
Ils sont peu nombreux, peu de presse, mais ils me satisfont et me surprennent. J’ai reçu plusieurs messages personnels notamment, et les écoutes montent, c’est toujours un bon signe.
Ta première partie de Phoenix a été une surprise…
Totalement. J’ai appris que c’était de leur fait. Un des guitaristes m’avait vu jouer à la Gaîté Lyrique alors que le groupe y enregistrait Ti Amo. C’était ce funeste soir du 13 novembre où nous étions restés confinés dans la salle une partie de la nuit. Il était venu voir le concert avec le programmateur. Deux ans après, ils m’ont invité. Quelle mémoire ! Quelle suite dans les idées ! Le groupe était incroyablement sympathique, disponible. Je ne m’y attendais pas et j’ai adoré leur show, vraiment euphorisant.
Et ton meilleur souvenir de l’enregistrement d’Arrière-Pays ?
Comme je fais les enregistrements chez moi, ce n’est jamais très glorieux. Je suis sur un coin du lit en pyjama. Là, j’ai adoré mon passage au studio pour l’enregistrement des voix. Une journée marathon. J’ai chanté les 8 titres de l’album entre 11h00 et 23h00. Par la fenêtre on voyait les vignobles du Beaujolais… Et ce fut une journée où les moments de doute ont alterné avec les moments de grâce.
Elles vont être faciles à chanter ces nouvelles chansons ?
La plus difficile à chanter sera sans doute Dos d’âne. Elle est émotionnelle et très personnelle. J’ai plus poussé les voix sur ce disque. Je me livre plus. Il va falloir que je casse ma carapace sur scène.
Quelle est l’histoire de Petit Jour ?
Elle est liée à l’enregistrement de l’album, souvent à des heures tardives. Elle raconte le visionnage frénétique de vidéos, de reportages idiots. Cette sensation de temps perdu. J’ai de plus en plus de mal à m’endormir sans un fond sonore dans les oreilles.
Et tu écoutes quoi pour t’endormir ?
Des compilations de vannes de Laurent Baffie, des sujets racoleurs sur les fast-foods, des vieux Tracks… Le pire et le meilleur, je me laisse porter par la lecture automatique. Ainsi, l’inspiration ne vient pas forcément de visites d’expositions, de lectures dont on pourrait facilement se vanter, s’enorgueillir. Elle vient aussi de ces petits moments de divertissement assez vains…
Tu ne triches pas. C’est important pour toi cette vérité ?
Tout ce que j’ai dit est vrai. Je zoome tellement que les moments et les sentiments que je décris peuvent apparaître flous, abstraits. La matière de mes textes est très intime. Sans vocation universelle. Ma « poésie » vient d’une singularité de point de vue… J’ai peur de cette emphase factice, des grands mots qu’on agite…
Et pour les influences ?
C’est difficile de citer quelqu’un en particulier. L’écriture compte beaucoup pour moi ; je glane des fulgurances, des phrases mémorables, ici et là.
Rémi Parson – Ronde de nuit
TOP 10
1) Ta chanson préférée des Echo and the Bunnymen ?
Bring on the dancing horses. Je l’ai redécouverte récemment. C’est la fusion parfaite entre pop FM et esprit post-punk.
2) Ta bande originale de film préférée ?
Ce n’est pas très glam, mais comme j’aime beaucoup Michel Nyman, je dirais Bienvenue à Gattaca. Elle me touche beaucoup.
3) Le meilleur endroit sur terre pour faire un concert ?
Le Buffalo Bar à Londres. C’est fermé désormais.
4) Le meilleur endroit pour voir un concert ?
Dans un théâtre. J’aime bien être assis.
5) Londres ou Manchester ?
Londres. Pour y avoir vécu. Manchester c’est plus de l’ordre du fantasme.
6) Ton groupe préféré de Manchester ?
New Order.
7) Ton disque préféré de New Order ?
Technique.
8) Si tu pouvais créer un festival… Quel nom lui donnerais-tu ? Qui invites-tu ?
Discount Safari. Ce nom vient d’un vieil épisode des Simpsons… J’invite John Maus et deux groupes Suédois : My Darling You! et Days. Ces derniers ont arrêté. Ça ferait typique festival : une reformation. Mais aussi Chevalier Avant Garde. Et les Chameleons ou ce qu’il en reste, si j’ose. The Goon Sax, faute d’avoir Grant McLennan. Et les Bats. Et on s’arrête là. Car en tant que programmateur ça me fatiguerait trop.
9) Le groupe que tout le monde a écouté sauf toi ?
Parcels.
10) Le groupe que personne ne te soupçonne d’écouter ?
Anne Sylvestre.
Arrière-Pays de Rémi Parson est disponible chez Isolaa Records.
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