On peut écrire que tu sais t’entourer. Joshua Hudes a enregistré ton disque, Pascal Blua a fait l’artwork. Comment ont été guidés ces choix ?
De la manière la plus simple qui soit. Josh est un copain de copain, et c’est le copain, Hadrien Grange, qui joue entre autres de la batterie pour Tahiti 80, qui m’a chaudement recommandé Josh. Il avait raison. Josh est un ingé son très intuitif et avec une culture musicale encyclopédique. Il est par ailleurs très imaginatif. On s’est senti tout de suite à l’aise. Pour ce qui concerne Pascal, c’est pareil. On était amis via les réseaux sociaux, et comme on s’appréciait beaucoup on s’est dit que ça serait bien d’aller déjeuner ensemble. Et puis mon album se préparait, on en a parlé. Tout s’est fait de manière très naturelle. On peinait un peu à trouver une identité, et c’est là que Jean-Fabien est entré dans la danse. C’est un ami de longue date, avec un CV qui en ferait rougir plus d’un (mais Jean-Fabien n’est pas tellement du genre à se pousser du col). Disons que demander des photos pour une pochette à quelqu’un qui a organisé la première rétrospective Vaughan Oliver en France était plutôt une très bonne idée…
Tu fumes une cigarette sur la pochette de ton disque. J’en conclus que tu refuses de voir des publicités géantes de ton disque dans le métro parisien ! Pourquoi as-tu choisi ce cliché ?
C’est un cliché étrange pour quelqu’un qui ne fume presque pas/plus. Mais ce n’est pas ce cliché là mais un autre de la même série qui sera sur la pochette. Bizarrement, je n’ai pas du tout pensé à l’exposition ni aux affiches dans le métro – dont je doute qu’elles représentent un jour ma trogne. J’aimais bien cette photo, cette cigarette, mes doigts, quelque chose d’un peu suranné.
Combien de temps a pris l’enregistrement de ce disque ? Tu avais une idée précise de ce que tu voulais ou tu as trouvé le son, la philosophie de ce disque au fur et à mesure de sa construction ?
Une journée et demi pour l’enregistrer, dont quelques chansons enregistrées en une seule prise, et deux jours pour les overdubs et les voix. Cela faisait assez longtemps que Paul, Alan et moi nous les répétions. J’ai beaucoup joué ces morceaux seul, en duo, en trio. J’ai toujours été fan des groupes à trois, qui généralement sont assez puissants. Je ne sais pas si le disque reflète vraiment ce que je voulais faire. Je ne crois pas, d’ailleurs, mais cela n’a aucune espèce d’importance et c’est peut-être mieux comme ça. Déjà parce que je ne suis pas convaincu d’avoir nécessairement bon goût – et aussi parce que du coup, l’objet m’est devenu très étranger. Et c’est plutôt un avantage, pour ce qui me concerne.
Quelle est l’histoire de Partageur et partagé ? Qui chante avec toi sur cette chanson ?
C’est l’histoire de ces couples dont on apprend l’existence au moment de la dissolution, un phénomène fréquent. De ces gens qui ne sont pas engagés dans une relation mais qui « voient quelqu’un en ce moment ». Je ne jette la pierre à personne, le personnage masculin de ce duo, c’est totalement moi, ou en tous cas, quelqu’un que j’ai été : ne gâchons pas tout en nous montrant trop amoureux et trop explicite. Restons dans le flou – et gâchons tout en espérant gagner sur tous les plans. C’est un mélange de lâcheté et de volonté farouche de conserver sa liberté. Mais il y a aussi le fait que je ne suis pas du tout jaloux – sauf du talent des autres, parfois – et que le fait de vouloir que quelqu’un soit à soi m’apparaît une folie.
J’avais dans la tête l’idée d’écrire un de ces duos des années 1980, en faux semblant, en jouant sur le flou, vrai couple ou couple de chanson. Lors d’un concert au Pop In avec un de mes groupes préférés, les Lignes Droites, je l’ai chantée avec Bruno Ronzani, leur chanteur, qui voulait absolument qu’on la chante ensemble. J’ai réalisé qu’elle pouvait parfaitement fonctionner sans en changer une ligne, chantée par deux hommes. Un excellent souvenir. Je chante cette chanson depuis le départ avec Albane, c’est même avec elle que je l’ai pensée. C’est une jeune femme avec qui j’ai tissé des rapports de complicité et de camaraderie, qui a cent mille idées à la seconde tout en étant souvent pleine de doute, un roc avec de jolies failles. On s’est rencontrés dans la meilleure des écoles : celle des open mic parisiens. Nous avons d’autres chansons en stock. Pour le prochain disque.
Pourquoi avoir appelé ce disque Chemin Vert ?
C’est le nom d’une de ses chansons, qui me semble mêler mes deux influences principales, la northern soul et ses déclinaisons et la musique brésilienne. J’en ai écrit le texte en 20 minutes à peine, lors d’un trajet en métro. Mais je l’avais en tête depuis des années. C’est souvent le cas de mes textes : plusieurs années de réflexions, et trente minutes pour le coucher sur le papier.
TOP 10
1) Ton disque préféré (pour le moment) de 2018 ?
Le mien – et celui des Breeders.
2) Le disque que tu attends le plus ?
Le mien, aussi.
3) Le disque que tout le monde a écouté sauf toi ?
A peu près n’importe quel disque des Stones.
4) Le disque que personne te soupçonne d’écouter ?
La BO de Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil ?
5) L’artiste mort avec qui tu boirais bien un coup ?
Vinicius de Moraes. Mais je vais d’abord m’acheter un foie.
6) L’écrivain qui aurait dû enregistrer un disque ?
Leo Perutz.
7) Le guitariste, chanteur qui aurait dû écrire un livre ?
François Béranger.
8) Ta bande originale de film préférée ?
Je dirais Le bon la brute et le truand d’Ennio Morricone.
9) CD ou vinyle ?
Pas d’avis.
10) Si tu pouvais créer un festival… Quel nom lui donnerais-tu ? Qui inviterais-tu ?
Alors là, j’en sais rien. Mais il serait en rase campagne, pas trop loin d’une rivière et on jouerait avec les groupes des copains. Ah tiens, c’est Alban qui organisait ça dans les années 1990 à la Basse-Rivière à côté de Clisson.
Joseph Fisher – Chemin Vert
Chemin Vert de Joseph Fisher est disponible en pré-commande chez Microcultures.
L’artwork est signé Pascal Blua.
- Je ne suis pas gentil
- Les jolies filles
- Chemin vert
- J'aurai ta peau
- Partageur et partagé
- Gardez tout
- Rien à foutre
- La ville nouvelle
- Désordre (Disorder)