Il ne faut pas regarder le C.V. de Ken Stringfellow. Il donne soit le tournis soit des vertiges. Avec ses Posies, cet Américain a ouvert les vannes de la power pop aux Etats-Unis et a bâti une discographie impeccable. Et quand il ne joue pas avec Jon Auer, Ken Stringfellow accompagne les plus grands (R.E.M.) et fait vivre la flamme de Big Star. Non content d’avoir écrit une flopée de chansons impeccables, Stringfellow a aussi produit des disques. Il y a vingt ans, à l’aube de sa carrière solo et du nouveau siècle, Ken Stringfellow produit un disque de Damien Jurado. C’est de ce disque et de Seattle dont il va être question.
Il y a vingt ans, tu as produit Rehearsals For Departure, un des tous meilleurs albums de Damien Jurado. Comment t’es-tu retrouvé à produire ce disque ?
Ken Stringfellow : En 1999, je jouais avec un groupe qui s’appelait Saltine. J’avais formé ce groupe avec de jeunes musiciens de Seattle. Un des guitaristes était un ami de Damien. Le premier album de Damien a été produit par Steve Fisk, un autre de mes amis. La musique de Damien a une architecture très classique. Je lui avais proposé une production très traditionnelle avec quelques touches expérimentales. Damien souhaitait faire autre chose que Waters Ave S.. Il avait besoin de ça. Damien est de Seattle mais n’appartenait à aucune scène.
On a enregistré ce disque aux Robert Lang Studios. Ces studios ne m’appartenaient pas mais j’y passais pas mal de temps. Ce studio a une histoire folle. Lang l’a construit seul. Et c’est immense ! Il y a des studios, des appartements… C’est là où les Foo Fighters ont enregistré leur premier album. Les Posies y ont enregistré quelques disques aussi d’ailleurs. J’y ai produit quelques albums.
Discographie
Ken StringfellowDamien Jurado – Rehearsals For Departure
De ?
Des trucs locaux.
Pour rester dans le local… Tu étais proche de Steve Fisk, tu as travaillé avec Damien Jurado… Et tu n’as jamais sorti de disque sur Sub Pop. Pourquoi ?
En effet. Les Posies ont sorti des albums sur PopLlama. C’était un label indépendant plus vieux que Sub Pop qui a été lancé en 1983. Les Sub Pop et les Posies sont nés la même année, en 1988. Je connaissais bien Bruce et Jonathan, les fondateurs de ce label. Et j’ai été marié avec Kim Warnick des Fastbacks, un groupe qui était chez PopLlama puis chez Sub Pop. On était très proche. On était pas loin de faire quelque chose ensemble. J’ai joué avec Mudhoney et Tad. Jon Auer des Posies avait un studio à Bellingham. Il a beaucoup travaillé avec des groupes de Sub Pop en tant qu’ingénieur du son. Moi, ce n’est vraiment pas ma partie… Moi, je suis musicien. Je peux brancher quelques micros mais j’ai appris sur le tas. Depuis la fin des années 90, j’ai commencé à être autonome. Mais à cette époque, non. Damien attendait beaucoup de Blake Wescott et de moi. Les Robert Lang Studios étaient mon QG.
Il y a beaucoup de musiciens. A la batterie il y a Aaron Mlasko. Il vit désormais à Memphis et construit des batteries. Mike Musburger des Posies est venu pour un morceau ou deux. Il y a Joe Skyward des Posies à la basse. Il est mort depuis…
Je joue de la basse aussi et du piano. Il y a avait une scène importante à cette époque à Seattle. La scène underground était composée de musiciens très chrétiens. Damien, Jeremy Enigk des Sunny Day Real Estate… A cette époque Damien était très imprégné de religion. Comme beaucoup de personnes. L’ambiance était donc très spéciale. La religion était une grande influence. Attention, je ne dis pas que c’est mal. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire. Mais il faut écouter ces disques avec cette idée en tête.
Et tu étais très directif à cette époque ?
J’ai tout géré. On enregistrait des prises live. On avait le bon matériel pour enregistrer de cette manière. Blake m’a assisté. J’ai fait des arrangements. J’ai fait les choix musicaux et les arrangements. Damien attendait sur le canapé. Il avait confiance en nous.
Je crois que ce ne serait plus possible aujourd’hui car Damien s’investit plus. Je crois qu’il attendait pas mal de Blake et de moi.
Tu joues en première partie de Wilco. Mais prépares-tu nouvel album ?
Je compose en ce moment des titres que je vais présenter aux Posies. On va enregistrer un disque à Seattle cet été.
Je joue des nouveaux morceaux en ce moment qui marchent bien. Depuis quelque albums, je donne la direction pour les Posies. Jon a confiance. Il me suit. Il a des idées et on les applique. Mais il va me laisser faire. Le dernier album a été fait surtout à partir de claviers.
J’ai vu que tu venais d’avoir 50 ans. C’est toujours aussi facile pour toi d’écrire des chansons ?
C’est mieux !
Pourquoi ?
Je suis moins concentré sur moi. Avec le temps, je me suis ouvert aux autres. L’expérience me nourrit et j’ai plus d’imagination. C’est difficile au niveau des émotions car c’est très intense et cela peut être difficile à gérer. Attention, il en faut !
TOP 5
1) Ta chanson préférée de Wilco ?
J’aime beaucoup Reservations. Je pleure dès que je l’écoute. Et A Short in The Arm pour le côté un peu plus rock.
Wilco – Reservations
2) Ton disque préféré de Wilco ?
Je n’ai pas bien écouté le dernier. Je le découvre en ce moment sur scène. J’aime beaucoup Summerteeth. Et les deux suivants. Ces trois disques sont incroyables.
3) Ta bande originale de film préférée ?
Il y a en beaucoup. C’est une question très difficile. J’adore le film argentin La Antena d’Esteban Sapir. C’est un film muet car ce film narre la prise de pouvoir d’un dictateur qui a confisqué la parole du peuple. Le compositeur de la musique est argentin et s’appelle Leo Sujatovich. Peu de monde a vu ce film. C’est qui a été fait est totalement incroyable et unique.
https://www.youtube.com/watch?v=XWtWib9k7hs
4) Ton artiste français préféré ?
Je devrais répondre ma fille. Mais si je réponds ça elle va me rétorquer qu’elle est américaine. C’est un immense cliché… Il y a évidemment Charles Aznavour et Jacques Brel. C’est dans la sphère francophone… J’adore Ghinzu.
5) Le meilleur endroit sur terre pour faire un concert ?
J’étais en Tunisie il y a quelques mois. C’était superbe. L’atmosphère est assez européenne au final. L’histoire y est différente et ce fut un très bon moment. La Tunisie, la Roumanie, la Géorgie sont encore des espaces qui gardent leur identité propre. La scène roumaine est incroyable.